mercredi 30 mai 2018

Ne voyez-vous rien venir ?


Ils sont où les romains ?



Il était une fois en des temps lointains, de sombres histoires de pouvoir comme on aime encore en voir. Les acteurs de cette histoire n'étaient pas des tendres, ils avaient mauvaise réputation et la fâcheuse habitude de ne pas coucher sur le papier le récit de leurs exploits pour la simple et bonne raison que ce support n'existait pas !

Soucieux de rétablir ici la menterie vraie, je viens suppléer les chroniqueurs d'alors qui avaient bien mieux à faire que de décrire de telles horreurs. Que les âmes sensibles passent leur chemin, les lignes qui vont suivre sont faites de larmes et de sang. C'était en un temps où la vie des humbles ne valait pas tripette. Depuis, rien n'a beaucoup changé hélas !

Nous sommes en 451, un méchant homme du nom d'Attila a décidé ses hommes à venir en Gaule pour y faire tourisme et profit. Quelques belles tueries et de grands pillages doivent agrémenter leurs vacances itinérantes. Les camping-cars d'alors étaient de lourds chariots de bois chargés, au-delà des normes en vigueur, d'instruments contondants et d'engins de siège. N'ayant plus de place pour leurs provisions, ils étaient contraints de trouver sur place de quoi se sustenter. La monnaie unique n'étant pas encore en application, le pillage était leur seul recours !
Attila et ses Huns avaient jusqu'alors pratiqué le chantage et la menace pour obtenir menue monnaie auprès du Saint empire d'Orient. Depuis peu, même quand ils faisaient les gros yeux, ils n'obtenaient plus le prix de leur chantage. Alors, pour montrer de quel bois ils se chauffaient, Attila entreprit un petit tour de Gaule.
Il entama son périple, le 7 avril à Metz où il fit grand et vilain carnage pour marquer les esprits. Il passa près de Lutèce où une dame Geneviève lui fit tant d'effet qu'il renonça à la contrarier avant que de jeter son dévolu sur la bonne ville d'Orléans. Il y a des traditions locales qui aiment à passer les siècles, le Siège, pour la ville des bords de Loire, constitua sa marque historique !

Attila avait dans la place des traîtres à sa botte ! Sangiban et ses Allains étaient disposés à se vendre au plus méchant et pour l'heure, c'était le visiteur qui tenait le flambeau. Mais d'autres ne voulaient pas céder à la force. Il se trouve toujours des héros pour inverser le cours de l'histoire. C'est le bon Anian qui joua à sa manière le rôle qui fut dévolu à une bergère un millénaire plus tard !

Anian, ayant vent du danger qui sourdait, fit prompt voyage en Arles afin de prier Aétius, le grand guerrier romain de venir au secours de la ville. Aetius et ses amis Wisigoths mirent un peu de temps à réunir leurs troupes pour voler au secours de la ville de Loire. Il fallait trouver moyen efficace pour arriver sur place avant qu'il ne soit trop tard.

Ils remontèrent le Rhône en bateau, firent quelques lieues sur terre, avant que de filer vers notre ville sur la Loire. Jamais on n'avait vu plus belle armada sur le fleuve. Des centaines de bateaux chargés d'hommes et de bêtes, d'armes et d'engins de guerre. C'était les bateaux de l'alarme, il fallait aller vite, le danger pesait lourdement sur la ville.

Nous sommes fin mai, Attila organise son siège. La ville se prépare à subir violents assauts et grandes privations. Anian qui est revenu à temps de son escapade en Arles, exhorte ses fidèles (le bonhomme est évêque) à tenir bon. La foi peut soulever des montagnes ou laisse espérer au miracle céleste.

Aétius et ses alliés Théodoric et son fils Thorismond sont bien ennuyés. Les eaux sont basses et leur armada avance à grand peine. Sur la Loire, plus d'un grain de sable entrave l'avancée de l'armée de secours. Vont-ils arriver avant qu'il ne soit trop tard ? C'est tout le suspens de cette belle histoire. Pour l'instant, les choses tournent au vinaigre pour la ville d'Orléans.

Attila, après quelques jours de siège, pense être prêt à l'assaut final. Dans la ville, le peuple gronde. L'impatience des uns, la trahison des autres font joli désordre et grand désarroi. Anian sentant la colère monter exhorte le bon peuple : « Montez sur les remparts mes bons amis et observez la Loire vers le levant. Ne voyez-vous rien venir ? » Et les braves gens de dire tous en chœur : «  Non Monseigneur. Nous ne voyons que l'eau qui nous noie et le sable qui s'accroît ! » L'évêque de les rassurer avec ces douces paroles : « Ne perdez pas patience mes amis, le seigneur du ciel nous viendra en aide. »

Le 9 juin, l'inquiétude se fait encore plus grande. Autour de la ville, chacun peut voir les hordes barbares faire grands préparatifs pour l'assaut final. Une délégation de notables vient demander à Aignan d'agir à nouveau. Le religieux espère l'arrivée des troupes, c'est son vœu le plus cher, mais il n'est sûr de rien. Il recommence le même discours : « Montez sur les remparts mes bons amis et observez la Loire vers le levant. Ne voyez-vous rien venir. » La populace est bonace, elle se laisse faire et répond cette fois : « «  Non Monseigneur. Nous ne voyons que les nuages qui pleuvoient et le tonnerre qui grondoit ! »

Effectivement, à partir du 10 juin de l'an de grâce 451, il se mit à faire sur le pays une tempête comme rarement on ne vit. Vous pouvez constater par vous même sur le site de météo-France la vérité de mes dires. Toujours est-il que pendant quatre jours, des trombes d'eau s'abattent sur la ville et ses assaillants. Les Huns pour féroces qu'ils puissent être n'aiment pas être mouillés, la chose est avérée et sera vérifiée.

Pendant ce temps sur la Loire, le vilain temps provoque un miracle. Le fleuve fait des joues, il grossit à vue d'œil et les eaux emportent bien vite les bateaux de l'alarme. Le moral des troupes remonte aussi vite que le niveau de l'eau. Les embarcations prennent de la vitesse, elles volent désormais au secours de la ville.

Au matin du 14 juin, le soleil revient pointer son nez sur un décor bien changé. La montée des eaux a défait le bel ordonnancement de l'armée de siège. Les hommes d'Attila ne connaissent pas la Loire, ils le regretteront amèrement. Mais n'allons pas si vite en besogne, dans la ville la peur gagne tous les esprits et provoque la même rengaine.

La population toute entière se retourne vers son évêque. Anian qui semblant perdre un peu la mémoire leur demande pour la troisième fois : « Montez sur les remparts mes bons amis et observez la Loire vers le levant. Ne voyez-vous rien venir ? » Le peuple est patient pour les grands, il s'exécute avant que Huns ne s'en chargent : « «  Oui Monseigneur. Nous voyons des hommes qui ramoient et des soldats qui guerroient ! » Le miracle a eu lieu, Anian gagne ses lettres de sainteté et deviendra bien vite notre Saint Aignan vénérable.

Les troupes d'Attila se lancent à l'assaut avant qu'il ne soit trop tard. Les Huns qui ne sont pas malins traversent la Loire et découvrent alors la force redoutable du courant. Beaucoup d'entre eux sont emportés comme fétus de paille et vont se noyer un peu plus loin en aval de la ville. Rares sont les barbares qui franchissent les murailles.

La ville échappe au massacre, le siège est levé, Aetius glorieux, Aignan vénéré, les Allains honteux et Attila défait. La Loire a joué un rôle essentiel. Les hommes, dans leur vanité habituelle se sont appropriés la gloire de la victoire. Je viens ici rétablir la vérité. C'est le fleuve qui a tout fait car c'est lui le maître des lieux. Il serait bon de ne pas l'oublier, il pourrait bien un jour nous le rappeler !

Historiquement vôtre.
 

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