Une
fête authentique
La
Loire angevine est un écrin de douceur. Celui qui aime à flâner
parmi les belles maisons de tuffeau aura son content de sensations et
de plaisirs. Il aura le sentiment de se trouver en une autre époque,
loin de l’agitation des grandes cités , surtout s’il pose ses
pas le long du quai au Thoureil. La rivière y fait quelques
circonvolutions, elle se prélasse en majesté ; on ne se prétend
pas Fleuve Royal sans raison ! Ici, en tout cas, l'appellation n’est
pas usurpée ...
La
campagne se met au diapason ; elle vous invite à la rêverie et
aux promenades. Rien ici ne vous pousse à l'excitation et à la
déraison. Les poèmes de Ronsard et Du Bellay vous reviennent en
tête, vous baguenaudez le sourire aux lèvres avec l’envie folle
de poser vos valises en ce petit paradis sur terre. Pourtant,
aujourd’hui, il y a foule et c’est la fête marinière …
Vous
vous surprenez à flâner entre les stands et les exposants. C’est
un bonheur de partager ainsi la passion des uns et des autres. Le
commerce n’est pas premier ; chacun cherche à transmettre une
petite flamme : l’essence même de ce qui motive sa présence
ici. Plus loin, les flonflons de la fête demeurent raisonnables :
ce n’est pas là encore qu’on viendra nous assommer de décibels
tonitruants.
La
restauration bat son plein. On y prépare les succulents fouets qui
font le délice de toutes les manifestations à l’ouest de Tours.
On gourmande, on tartine, on rillette au beurre salé. On aime à se
pourlécher les babines ; le pays de Rabelais n’est pas si
loin et, pour faire passer le tout, le vin de Loire coule à flots en
dépit des appels à la modération qui restent sans effet. Le
bonheur est si simple quand on aime à se donner la main ...
On
trinque et on chante, on chante pour mieux trinquer et quand on a de
nouveau trinqué, une chanson à boire vous invite à remettre le
couvert. Personne ne se fait prier ; les mariniers ont mis pied
à terre, c’est pour manger et puis rire, chanter et se délecter
de ce soleil qui fait rougir des visages, bientôt tout à fait
rubiconds. Bien peu , en effet, ont songé à prendre une crème
protectrice ; l’imprévoyance est mère de nos chers vices.
Un
peu plus rougeaud que les autres, coiffé d’un béret, un curieux
individu monte sur une chaise pour haranguer la foule. Loin de lui
l’intention de tenir meeting politique. Ici, la farce et la bonne
humeur ont été convoquées, oubliant ainsi les tristes mines de nos
menteurs patentés. La foule fait cercle et le Bonimenteur se lance
dans une de ses tirades alambiquées, un verre à la main pour mieux
se souvenir que les histoires passent toujours de bouche à oreille.
Les plus curieux boivent ses paroles et notre homme trinque à leur
santé !
Quelques
passants, séduits par le propos, poussent même la politesse jusqu'à
lui acheter son roman d'autant que sa collègue est présente elle aussi. Le soleil, ou bien la belle
ambiance de la fête, fait les chalands bienveillants. Il y a une
atmosphère sereine en ce beau pays. La soirée se prolonge, la
douceur printanière incite à ne pas vouloir partir. On devine enfin
les prémices des vacances.
La
fête au Thoureil est unique et je vous invite vivement à ne pas la
manquer l’année prochaine. Vous aurez même l’occasion d’une
balade sur la Loire si vous avez la patience d’attendre qu’une
place se libère, à moins que vous ne fassiez belles œillades à un
marinier, toujours prompt à se laisser prendre par le bout du cœur
ou la promesse d’une bouteille.
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