Portrait
en noir et blanc
Presque
inconnu sur la Loire au XVIII° siècle au point qu’il était
appelé « Corbeau de mer », en voie de disparition il y a
cinquante ans, le Cormoran prolifère désormais au point de
provoquer l’irritation des pêcheurs et le désamour de bien des
ligériens.
Il
dispose au niveau de l’Europe du label : « Espèce protégée »
même si des mesures ponctuelles sont prises de ce de là pour
réguler son nombre. Il est vrai que le nombre de spécimens ne cesse
de croître et provoque la colère des pisciculteurs et des pêcheurs.
Son appétit est insatiable et lorsqu’il finit par être saturé,
il pêche par plaisir …
Les
cormorans ont mauvaise presse, c’est le moins que l’on puisse
dire. Ils mettent en danger l’équilibre de nos rivières, menaçant
des espèces rares de poissons. Il a en outre la réputation d’être
un danger pour les avions dans nos petits aéroports. On ne prête
qu’aux riches ! Son passif d’ailleurs ne date pas d’aujourd’hui
car même dans la Bible, il joue le mauvais rôle. Noé le puni pour
son inconduite en le privant d’une glande qui permet
l’imperméabilisation de ses plumes. Il est ainsi condamné à se
faire sécher les ailes au vent. Il est noir, naturellement couleur
rejetée dans la symbolique chrétienne. Demandez donc aux chats
noirs qui ont inauguré tous nos ponts ...
Jean
De la Fontaine en rajoute une couche avec sa fable :
Les
Poissons et le Cormoran
Il
n'était point d'étang dans tout le voisinage
Qu'un Cormoran n'eût mis à contribution.
Viviers et réservoirs lui payaient pension .
Sa cuisine allait bien : mais, lorsque le long âge
Eut glacé le pauvre animal,
La même cuisine alla mal.
Tout Cormoran se sert de pourvoyeur lui-même.
Le nôtre, un peu trop vieux pour voir au fond des eaux,
N'ayant ni filets ni réseaux,
Souffrait une disette extrême.
Que fit-il ? Le besoin, docteur en stratagème,
Lui fournit celui-ci. Sur le bord d'un Étang
Cormoran vit une Écrevisse.
Ma commère, dit-il, allez tout à l'instant
Porter un avis important
A ce peuple. Il faut qu'il périsse :
Le maître de ce lieu dans huit jours pêchera.
L'Écrevisse en hâte s'en va
Conter le cas : grande est l'émute.
On court, on s'assemble, on députe
A l'Oiseau : Seigneur Cormoran,
D'où vous vient cet avis ? Quel est votre garant ?
Êtes-vous sûr de cette affaire ?
N'y savez-vous remède ? Et qu'est-il bon de faire ?
Changer de lieu, dit-il. Comment le ferons-nous ?
N'en soyez point en soin : je vous porterai tous,
L'un après l'autre, en ma retraite.
Nul que Dieu seul et moi n'en connaît les chemins :
Il n'est demeure plus secrète.
Un Vivier que nature y creusa de ses mains,
Inconnu des traîtres humains,
Sauvera votre république.
On le crut. Le peuple aquatique
L'un après l'autre fut porté
Sous ce rocher peu fréquenté.
Là Cormoran le bon apôtre,
Les ayant mis en un endroit
Transparent, peu creux, fort étroit,
Vous les prenait sans peine, un jour l'un, un jour l'autre.
Il leur apprit à leurs dépens
Que l'on ne doit jamais avoir de confiance
En ceux qui sont mangeurs de gens.
Ils y perdirent peu, puisque l'humaine engeance
En aurait aussi bien croqué sa bonne part ;
Qu'importe qui vous mange ? homme ou loup ; toute panse
Me paraît une à cet égard ;
Un jour plus tôt, un jour plus tard,
Ce n'est pas grande différence.
Qu'un Cormoran n'eût mis à contribution.
Viviers et réservoirs lui payaient pension .
Sa cuisine allait bien : mais, lorsque le long âge
Eut glacé le pauvre animal,
La même cuisine alla mal.
Tout Cormoran se sert de pourvoyeur lui-même.
Le nôtre, un peu trop vieux pour voir au fond des eaux,
N'ayant ni filets ni réseaux,
Souffrait une disette extrême.
Que fit-il ? Le besoin, docteur en stratagème,
Lui fournit celui-ci. Sur le bord d'un Étang
Cormoran vit une Écrevisse.
Ma commère, dit-il, allez tout à l'instant
Porter un avis important
A ce peuple. Il faut qu'il périsse :
Le maître de ce lieu dans huit jours pêchera.
L'Écrevisse en hâte s'en va
Conter le cas : grande est l'émute.
On court, on s'assemble, on députe
A l'Oiseau : Seigneur Cormoran,
D'où vous vient cet avis ? Quel est votre garant ?
Êtes-vous sûr de cette affaire ?
N'y savez-vous remède ? Et qu'est-il bon de faire ?
Changer de lieu, dit-il. Comment le ferons-nous ?
N'en soyez point en soin : je vous porterai tous,
L'un après l'autre, en ma retraite.
Nul que Dieu seul et moi n'en connaît les chemins :
Il n'est demeure plus secrète.
Un Vivier que nature y creusa de ses mains,
Inconnu des traîtres humains,
Sauvera votre république.
On le crut. Le peuple aquatique
L'un après l'autre fut porté
Sous ce rocher peu fréquenté.
Là Cormoran le bon apôtre,
Les ayant mis en un endroit
Transparent, peu creux, fort étroit,
Vous les prenait sans peine, un jour l'un, un jour l'autre.
Il leur apprit à leurs dépens
Que l'on ne doit jamais avoir de confiance
En ceux qui sont mangeurs de gens.
Ils y perdirent peu, puisque l'humaine engeance
En aurait aussi bien croqué sa bonne part ;
Qu'importe qui vous mange ? homme ou loup ; toute panse
Me paraît une à cet égard ;
Un jour plus tôt, un jour plus tard,
Ce n'est pas grande différence.
Le
Cormoran joue un peu ici le rôle du renard fourbe. Il est évoqué
comme redoutable prédateur pour les étangs, preuve qu’au XVII°
siècle il était bien présent chez nous.
Essayons
de défendre quelque peu ce bel oiseau aux impressionnantes
performances.
En
Europe, il en existe trois espèces : le grand cormoran, le cormoran
pygmée et le cormoran huppé.
Le
grand cormoran a une envergure de 1,30 à 1,50 m. Proche de
l’oie, il pèse en moyenne de 2 à 2,5 kg, mesure de 80 cm
à 1,10 m. Il se nourrit de 750 grammes de poisson par jour
qu'il pêche en plongeant sous la surface de l'eau. Ses courtes
pattes palmées sont parfaitement adaptées à la plongée. Son bec
est très puissant, muni d'un crochet qui blesse ses prises y compris
celles qu’il relâche s’il est rassasié. La forme de son cou en
S en fait un outil très souple et très adapté à la pêche. Il vit
en colonie, niche en bande dans des arbres qui sont de véritables
dortoirs. Autrefois migrateur, il est devenu de plus en plus
sédentaire en bord de Loire.
Le
Cormoran pygmée est plus petit de tous les cormorans. Son
plumage corporel est brun si sombre qu’on peut le penser noir. Sa
tête est brune plus clair et son bec sourt est recourbé vers le bas
à son extrémité. Sa queue est longue. Des taches rouges sur la
tête et au cou, lors de la période de reproduction, permettent de
le distinguer des autres cormorans européens. Pas de différences
d’apparence entre le mâle et la femelle.
Le
Cormoran huppé est plus petit que son homologue le grand
cormoran et dispose de la même silhouette. Son plumage est noir avec
des reflets vert-bouteille. Sur le front, il porte une petite huppe
repliée sur l’avant qui est présente uniquement au printemps,
pendant la période nuptiale. Son bec est jaunâtre et noirâtre,
légèrement crochu à son extrémité. Il est plus fin que celui de
son voisin. Au niveau du menton, la peau est nue et possède une
coloration bleu sombre. Les pattes sont noires.
Aujourd'hui,
la population des Cormorans a explosé. Des estimations évoquent 6
000 000 individus. Depuis 1979, ils bénéficient au niveau
européen du statut d'animal protégé. Les Cormorans semblent avoir
adopté la Loire et font un prélèvement considérable de poissons.
Le
cormoran ne recule pas devant la taille de ses prises : perches,
carpes, truites, saumons, jusqu'aux brochets sont à son tableau de
chasse. Sur la Loire, dernier fleuve sauvage d'Europe, les cormorans
font des ravages. Les zones humides, sauvages, la Brenne, la Sologne,
la Dombes ou la Brière, ne sont pas épargnées non plus par son
appétit insatiable.
Depuis
quelques années, des autorisations préfectorales de chasse avec
quotas ont été instaurées. Ainsi, en France, un peu plus de 40 000
individus peuvent être tirés chaque année pendant la période
d'ouverture de la chasse au gibier d'eau. Les chasseurs ne sont guère
motivés par ce gibier qui sent le poisson et il est compliqué de
trouver des volontaires pour gâcher des cartouches. Certains esprits
malicieux affirment aussi que le Cormoran est trop malin pour tomber
sous les plombs des chasseurs. Les méthodes d’effarouchement avec
des pétards, elles aussi ne sont pas opérantes pour enrayer sa
progression.
Au
Danemark, zone de nidification des cormorans migrateurs, des
expériences de destruction des œufs sont menées tout en s’avérant
délicates et complexes. C’est un curieux retour à une tradition
danoise abandonnée lorsque l’oiseau fut protégé. Gober un œuf
de Cormoran était censé porter bonheur.
Pour
l’instant, les Cormorans sont encore pour longtemps de terribles
prédateurs. Les poissons n'ont qu’à éviter de les fréquenter de
trop près, ce qui avouons-le, n’est pas chose aisée !
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