La
coquille vide ….
Il
est ici bien inutile de savoir qui de l'œuf ou de la poule en
chocolat a entamé cette mirifique histoire qui engraisse autant les
chocolatiers de notre pays de bombance que les gourmands de tous
poils et de tous âges, ravis de se moquer ce jour-là de la volaille
et du fruit de ses entrailles. Il suffit de comprendre que nul coq
n'a baigné dans l'aventure pour réaliser en fait que la chose a été
créée de toute pièce et
je me fais fort de vous la servir sans coquille.
Depuis
l'antiquité, l'œuf décoré avec amour et fantaisie célèbre le
retour du Printemps. Les poules furent en cette occasion les dindons
de la célébration. Elles livrèrent bataille mémorable à ces
pauvres moutons qui jouèrent eux aussi bien souvent le rôle de la
victime si commode. Pour la fable que je vais vous conter, tout se
passa il y a bien longtemps, bien loin d'ici … J'espère que vous
goberez mon histoire sans vous étouffer .…
Or
donc, en ce temps et en ce pays là, de braves moutons en avaient
assez d'être les seules victimes expiatoires de ces fêtes calotines
! Il est d'ailleurs étrange que l'on célèbre la vie par la mort
de quelques milliers de pauvres ovins de substitution. La
supercherie, pour eux, n'avait que trop duré puisque ce sont les
agneaux qui devaient remplacer au pied levé, le bouc, trop occupé à
reconstituer des stocks si mis à mal par toutes les hécatombes
promulguées au nom des obédiences monothéistes.
L'agneau,
quoique de lait, aimait à se nourrir d'un bon chocolat éponyme
(Imputons à son jeune son jeune âge ce manque
évident de goût). Pour incroyable que cela paraisse, il se trouve
que dans ces élevages coupés du monde, la pratique était avérée.
Les historiens se perdent en conjectures mais ne remettent pas en
cause la fable. Il est vrai que sous d'autres cieux, des écureuils
se targuèrent de semer des noisettes dans leurs tablettes
surnuméraires et qu'il existe encore une contrée où des vaches
mauves baignent dans une étrange affaire chocolatée ! Tout est donc
possible au pays des songes….
C'est
dans un élevage de l'île de Pâques (puisqu'il faut situer
l'anecdote, n'ayons crainte de fouler les territoires les plus
improbables) qu'une fermière avait l'habitude de mouler à la louche
son fromage frais d'agnelle. Un agneau facétieux et amateur de
calembours et autres calembredaines de mots distordus modifia l'ordre
des consonnes initiales et loucha sur un moule. On peut prétendre
que l'approximation soit tirée par les cheveux, mais rassurez-vous,
l'agneau venait d'être tondu pour avoir folâtré avec un berger
Germain !
Le
moule en question avait une forme oblongue rappelant étrangement un
petit ballon de Rugby. Comme ce sport était alors parfaitement
inconnu en cette île Pacifique, leurs lointains voisins Fidjiens
prétendirent y voir la forme d'un œuf. Constatez que l'histoire
tient à peu de chose et que le destin se joue de bien des ironies. À
Noël les marrons, à Pâques les ballons de Rugby ! Le Pacifique se
fit ainsi Ovale et les gars de là-bas devinrent des sportifs
redoutables. Mais ceci est une toute autre histoire ...
C'est
naturellement dans l'unique jardin d'un couple de grands-parents
aimants que furent dispersés les petits œufs de chocolat pour que
des bambins se prennent pour des explorateurs aventureux … Semé
dans cette minuscule enclos, l'œuf ainsi moulé de bon lait
d'agnelle et de chocolat à l'origine inconnue, attendit longtemps
l'arrivée d'un ecclésiastique en mission sacrée pour se répandre
à travers le monde.
Il
se trouve qu'un jour, de manière fortuite, un bon père blanc,
voyant les marmots à quatre pattes fut bien vite attiré par la
scène. Ne cherchons pas à épiloguer sur ses motivations réelles,
il est plus conforme à la morale chrétienne d'espérer que ce saint
homme aimât lui aussi le chocolat. Ne sachant où donner de la tête,
il fut transporté d'aise et se promit de revenir en France avec
cette belle tradition sous sa soutane.
C'est
naturellement par la Loire que la nouvelle se répandit dans notre
pays. Depuis quelques années déjà, les chalands transportaient la
canne à sucre et le cacao vers Blois et Orléans. Ces deux villes
devinrent des plaques tournantes du chocolat gourmand. Les
commerçants avisés, ne voulant mettre tous les œufs dans le même
panier, créèrent bien vite la poule en chocolat pour accréditer
l'idée que l'œuf vient toujours de celle-ci.
Les
années passèrent, le petit commerce Pascal fit des émules à
travers tous le pays. Mais toujours à la pointe de l'innovation, un
chocolatier Abraysien, en visite à la fonderie Bollée eut l'idée
merveilleuse de fondre le chocolat dans un moule à cloche. Ne
cherchons pas à comprendre les arcanes de ce raisonnement spécieux,
la cloche resta silencieuse mais fit grand bruit dans le monde des
gourmands.
Ainsi
est né l'œuf de Pâques et le Christ ressuscita nous dit-on, pour
profiter de cette belle gourmandise. (Nous ne sommes pas à un
anachronisme ni une fantaisie près) Il me plaît à croire que cette
histoire est vraie, quoique de chocolat, je ne mange guère ! Quand
aux marrons de Noël, ils furent bien vite remplacés par des
crottes, vous comprenez aisément pourquoi. Le filon était bon, il
fallait pousser la bonne affaire plus loin et profiter du moule tant
qu'il est encore chaud… Le mouton pensait s'en tirer à bon compte,
la gourmandise, hélas, le rattrapa encore. Voyez-vous, en cette
belle période gourmande, c'est : « viande et dessert » !
Anachroniquement
leur
https://www.francebleu.fr/infos/societe/dans-la-loire-le-chocolat-c-est-tout-une-histoire-1522259746
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