Le
conteur au collège.
Une
ancienne collègue s’est lancée dans un projet pédagogique
autour de la Loire, qui coule à quelques encablures de son collège
installé dans une ville porteuse d’une légende avec un dragon. Je
ne vous en dirai pas plus. Elle a naturellement pensé à son voisin
d’autrefois parti à la retraite pour faire le Bonimenteur. Ce fut
avec plaisir que je répondis favorablement à son invite, certes
avec une petite appréhension ne connaissant pas bien le public d’une
classe Ulis.
La
première difficulté dans une telle structure réside dans
l’éventail des âges. Des élèves d’âge sixième à celui de
troisième sont regroupés ici parce qu’ils ont des troubles liés
à la maîtrise du langage. L’autre difficulté est l’éclatement
d’un emploi du temps qui voit à chaque heure, des élèves partir
en intégration dans une classe ordinaire. C’est un incessant
va-et-vient pour lequel nous dûmes trouver un créneau afin de tous
furent présents.
Ce
jour ce fut la première séance, une prise de contact certes mais
aussi la nécessité de séduire d’entrée pour convaincre ces
adolescents que le conte n’est pas que pour les tout petits. C’est
donc revêtu de ma dégaine de scène que j'accueillis tous les
élèves qui rentraient de récréation. Ils me souhaitèrent tous le
bonjour, je reconnaissais là la patte de ma collègue et le
préalable idéal pour une belle séance. Je ne me trompais pas.
Après
les courtes présentations d’usage, je leur demandai de lire à
haute voix mon rituel de début de conte, un texte jouant des
adverbes de temps pour casser les repères de l’heure et pénétrer
dans l’imaginaire. Je pouvais alors réciter le texte d’une
chanson, décrivant à ma manière, le parcours de la Loire. Une
carte projetée au mur permettait de joindre le geste à la parole.
Le silence était réconfortant, ils entraient dans mon univers. Je
pouvais poursuivre en les invitant dans la légende de leur ville
d’adoption. En classe Ulis, les élèves ne sont pas assujettis à
la carte scolaire, certains viennent d’un peu plus loin.
Le
dragon fit son effet. Il était désormais possible d’entrer de
plain-pied dans le conte de facture classique, une belle randonnée
animalière qui me permit de faire participer mes auditeurs attentifs
précédée comme il se doit par le rituel. Ceux que l’enseignante
avait présentés comme timides et réservés, participaient
allègrement. Le lancement était lu, certes un peu laborieusement
mais sans gène ni refus. Les réponses arrivaient spontanément,
toujours accompagnées d’un merveilleux sourire.
Ce
fut ainsi, d’histoire en histoire, me voyant gratifié
d’applaudissements dès le deuxième conte, signe que la classe
était oubliée, qu’ils étaient passés dans une autre dimension,
loin du collège. C’est d’ailleurs en remarquant que personne
n’avait fait attention à l'immuable sonnerie d’inter-classe que
chacun se rendit compte que nous étions tous rentrés dans une bulle
magique.
Certains
durent partir pour se rendre dans un autre cours tandis que la
conversation se prolongeait avec leurs camarades restés là.
Rendez-vous était pris pour la prochaine séance en janvier avec
d’autres récits et un rituel qui cette fois serait maîtrisé,
c’est promis. Il leur appartiendra alors d’écrire un texte pour
fermer le conte, pour revenir au réel. Ce sera le prochain travail
de leur enseignante.
Elle
reprendra également les contes, leur présentera les animaux de
Loire abordés au fil des récits, les mots du vocabulaire fluvial,
les expressions vernaculaires qui parsèment mes récits, les termes
géographiques, les références historiques. Un vrai travail
pluridisciplinaire qui collera parfaitement à l’esprit d’une
telle classe.
Il
me tarde déjà de les retrouver, de les faire participer un peu plus
encore et surtout de les mettre en écriture pour à leur tour
composer un conte que je me ferai une joie de dire avant qu’à leur
tour ils ne l’interprètent. J’espère réaliser avec eux les
ambitions qui m’ont poussé à quitter prématurément
l’enseignement pour me lancer dans des animations de cet ordre.
J’espère que ce récit donnera à d’autres classes l’envie de
m’inviter dans cette aventure partagée autour du conte.
Avant
de les quitter je leur proposai de servir de cobayes. J’avais écrit
la veille un conte de Noël pour jeunes enfants. Je leur demandai,
s’ils ne se pensaient pas trop vieux pour l’écouter, de me dire
s’il avait une chance d’embarquer les plus jeunes. Ils se firent
prendre, ils étaient heureux d’avoir retrouvé leur âme d’enfant
et me rassurèrent sur la possibilité de proposer ce conte lors de
l’arrivée du Père Noël sur la Loire.
Voilà,
vous savez tout ou presque et vous n’êtes naturellement pas
obligés de me croire sur parole. Je ne suis qu’un Bonimenteur.
Narrativement
leur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire