De Sang et de sucre.

 

de

Pascal Grand

23 mars 1785, port de la Poterne à Orléans : un corps supplicié est découvert dans une bascule , un vivier dans lequel on achemine sur la Loire les poissons vifs. D'autres morts mystérieuses s'ensuivent : des jeune femmes sont égorgées et les pistes convergent vers une raffinerie de sucre de la rue de Recouvrance.

C'est là le point de départ d'une passionnante intrigue policière fort bien documentée, œuvre de Pascal Grand dans la collection du Pavillon Noir à Corsaire édition. En voici, un extrait pour vous mettre l'eau à la bouche.

Le pont de Meung se profilait à une centaine de toises. Aucun bateau n'était engagé sous l’arche marinière. Le maître marinier propriétaire des quatre chalands du convoi était tenté de refaire son retard pris au passage du pont de Beaugency où il avait du dételer les bateaux. Le passage à la volée semblait réalisable. Un fort vent d'ouest poussait le convoi.

Les voiles des quatre chalands étaient gonflées comme des outres et poussaient l'équipe vers le pont, à contre-courant. Le maître marinier donna le signal alors que le bateau de tête n'était plus qu'à vingt cinq toises du pont. Les compagnons larguèrent la voile, replièrent la vergue, puis le mousse renversa les aiguilles pour libérer les haubans, et le mât s'affaissa. Sur le tirot, le deuxième bateau on fit de même …

La Jeanne-Marie s'engagea sous le pont, des curieux saluèrent le savoir faire du marinier, puis le chaland pointa le nez de l'autre côté du tablier. Elle avançait lentement.et finit par émerger complètement ; En un tournemain, les compagnons relevèrent le mât, la vergue fut assemblée et la voile hissée. Elle claqua, se tendit et se gonfla, emprisonnant le vent …

Les quatre chalands passèrent le pont de Meung, sans ralentir, ou si peu. Cela représentait une considérable économie de temps et d'argent s'il avait fallut recourir aux haleurs ... Ils seraient sous peu à Orléans et le déchargement des barriques de moscouades destinées à la raffinerie Marottte pourraient débuter avant la soirée. Et pour une fois, tout le monde pourrait fêter Pâques en famille, de quoi mettre du baume au cœur d'un équipage qui passait sept à huit mois de l'année sur le fleuve.

• Monsieur le chirurgien, le commissaire m'envoie. Il m'a ordonné de vous mener à lui, sur le port de Recouvrance.

• À cette heure ? De quoi s'agit-il ? D'un nouveau meurtre ?

• Il me semble bien.

• Quand même pas encore dans une bascule ? Maugréa le chirurgien

• Non, sur un bateau. Il s'agit d'une femme jeune …

En cette heure matinale – cinq heures sonnaient à l'église de Recouvrance- quelques rares passants allaient et venaient sur les quais. Nul n'était autorisé à naviguer un jour de Pâques, aussi les équipages étaient-ils de repos. Un attroupement s'était déjà formé sur le quai Cypierre, à l'aval du Pont …

Des hommes de la maréchaussée maintenaient les badauds à distance d'un grand chaland. La procédure que le chirurgien avait initié stipulait que le corps ne devait pas être manipulé avant son intervention … Lorsqu'il arriva, il fit signe à deux soldats d'approcher avec leurs lanternes. Sur le fond du bateau, près du mât, gisait un corps de femme. Elle était légèrement vêtue, d'une jupe bleue et d'un corsage blanc. Elle était pieds nus. Elle semblait s'être écroulée là, bras écartés, face contre le sol. Le chirurgien retourna le corps, écarta les cheveux et jura :

• Foutre Dieu !

Une large estafilade s'ouvrait à la base du cou.

• C'est mauvais ça, marmonna le commissaire. Un deuxième égorgé sur le port et le jour de Pâques de surcroit. Le compagnons qui avait la garde du bateau dit avoir découvert le corps en allant pisser. Il dormait sous la toile à l'avant.

Le chirurgien reporta son regard sur le corps de la femme. Un filet de sang avait coulé sur le torse. Une tâche sombre maculait les planches disjointes du soutrage. Il demanda aux hommes du guet de déplacer le corps. Sous celui-ci, coincé entre deux planches, il aperçut un morceau de papier bleu. Il le récupéra, le défroissa, il était vierge de toute inscription ...

 

 

Ce papier bleu le mènera-t-il sur une piste ? je vous laisse le loisir tout autant que le plaisir de le découvrir et de suivre l'enquête au fil des pages.