vendredi 21 mai 2021

Cycles Helyett

 



Une histoire ligérienne.

 

 

 


Alphonse Picard, un garagiste de Sully-sur-Loire : charmante ville ligérienne, vendait des cycles Peugeot quand il lui prend l’envie de voler de ses propres ailes. L’homme aimait sortir du cadre et n’était pas de ceux qui restent les deux mains sur le guidon. Il construit sa première bicyclette vers 1900  l’Arcatène  et se lance également dans l’organisation de courses régionales. C’est le plein essor du sport avec notamment beaucoup de canotage sur les bord de Loire.


En 1910, notre entrepreneur sullylois achète un bâtiment dans le faubourg Saint-Germain pour installer des ateliers mécaniques. Avec ses deux fils Gabriel et Raymond, il fabrique ses premiers modèles auxquels il convient de donner un nom. C’est parce que la femme de Raymond apprécie une opérette de Boucheron et Audran du nom de « Miss Helyett » que la firme prend ce nom ! "Helyett" devient ainsi la raison sociale de l’entreprise et une marque déposée en 1919. La Manufacture des Cycles Helyett-Picard frères est née.


Après la grande guerre, la bicyclette a le vent en poupe. Le succès commercial favorise le développement des ateliers d’Alphonse. Suivant le modèle d’Auguste Poulain : le célèbre chocolatier de Blois, c’est par la publicité que la marque se fait connaître surtout en s’appuyant sur les succès des sportifs avec les vélos de course maison.


En 1933, Raymond Picard finance une équipe professionnelle avec les vedettes de l’époque. Nous pouvons citer René Vietto un grimpeur d’exception. Des succursales sont ouvertes à Caen en 1924, Tours en 1930 et Orléans en 1935. Les cycles Helyett sont vendus dans le monde entier. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, 12 000 vélos sortent des usines des bords de Loire chaque année.


Les Allemands, mauvais joueurs, les réquisitionnent. L'usine roule, bien malgré elle pour le troisième Reich jusqu'à la débâcle. C'est durant cette période de grande panique pour l'armée allemande en déroute que survient une plaisante anecdote. Les chaînes de montage ont été interrompues, des vélos sont a différents niveaux de finition. Mais pour tous, un accessoire indispensable manque à l'appel, faute de cuir dans un contexte de grand désordre. Qu'à cela ne tienne, dans la débandade, les soldats de la Wehrmacht en fuite devant la progression alliée enfourchent les engins en état de rouler. Seuls parmi les fuyards ceux qui sont restés disciplinés pourront aller plus loin. En effet, ce sont les selles qui font défaut et avoir conservé son casque pour ceux-là sera d'un grand réconfort.



Après la guerre, la famille Picard récupère son bien et remet l'outil industriel en état de marche. Les succès sportifs s'enchaînent : le champion José Beyaert remporte la « médaille d'or Course en Ligne » aux Jeux olympiques de Londres en 1948 et en 1952. À Helsinki, le jeune Jacques Anquetil remporte une médaille de bronze sur un vélo Helyett. Il passera professionnel et sera fidèle à la marque de ses débuts.


Raymond Picard meurt en 1940, suivi par son épouse Gabrielle en 1945. Leurs fils reprennent la production qui atteint alors 1 200 vélos par mois. L’usine de Sully donne du travail à plus de 100 ouvriers. Malgré les victoires de Darrigade et d’Anquetil sur le Tour de France sous le maillot Helyett, le succès populaire des vélos à moteur et la démocratisation de l’automobile mettent à mal ce fleuron local. L’usine Helyett est contrainte de fermer en 1962.


L’usine a connu ses heures de gloire dans les années 1950 et 1960 en remportant notamment trois Tours de France avec Jacques Anquetil sous le fameux maillot vert flanqué du nom de la chicorée Leroux. Estimée des connaisseurs et de ceux qui ont vécu l'âge d'or des courses cyclistes, Helyett est longtemps restée méconnue du grand public après la disparition des Établissements Picard en 1962, malgré une notoriété auprès des spécialistes et un palmarès qui la place parmi les plus grands noms avec Alcyon, Bianchi, Gitane ou Peugeot.


Helyet est tombé dans l’oubli durant de longues années, seuls quelques sullylois et des nostalgiques de la petite reine se rappelaient ce nom.


La marque renaît au début des années 2000, d'abord par l'édition en 2009 de maillots de cyclisme inspirés des fameux designs vert et blanc, puis avec la parution en juin 2017 de « Dans le progrès, toujours en tête », le livre hommage qui retrace son histoire. En 2017, un entrepreneur s’est lancé dans la construction de cadres de vélo de course fabriqués en France sous cette marque tandis que le département du Loiret rend enfin hommage à ce fleuron local et qu'un musée privé à la gloire de la marque est ouvert à Sully-sur-Loire.

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