jeudi 17 septembre 2020

Les commentaires de la toile.

 


Des écrits impitoyables !





Bien que baignant depuis onze années dans la grande vague de la toile, cet univers aux codes abscons m'échappe encore. On se perd dans un vocabulaire secret, ésotérique, énigmatique, confus ou hermétique, on y ajoute des règles non écrites qui fleurent bon l'implicite pour joyeux experts. N'étant pas adepte des groupuscules initiatiques, je poursuis ma route sans apprendre le code interne, ce qui me permet d'observer à distance ce petit monde étrange et écrivant.


La première dérive de ces différentes castes consiste à créer des univers clos alors que la fonction même du Net c'est d'accéder à l'universel. Il semble que le quant à soi est souvent recherché par des gens qui, paradoxalement, se sont trouvés grâce à cette formidable loi de l'aléatoire et du hasard cumulés. Ils se plaisent alors à se retrouver sur des valeurs tout en pourfendant sans nuance celui qui vient leur apporter un peu de contradiction.


On se reconnaît, on se coopte, on se fait la cour, on se protège des importuns. Quand un groupe a pris une taille suffisante, il se ferme, se coupe du monde extérieur pour tourner en rond sur des connivences qui ne seront plus jamais menacées. Le confort du connu, la certitude de l'accord. Nous retrouvons cette sensibilité frileuse qui pousse certaines personnes à retourner toute leur vie sur le même terrain de camping.


La deuxième perversion est celle du langage codé. La langue est devenue la plus belle manière de se couper des semblables. La chose n'est pas nouvelle et des argots à l'imagination foisonnante sont nés de cette volonté du repli. Ici, l'anglicisme et le langage technique m'apparaissent être les points d'ancrage de cette langue vernaculaire des autochtones du blog.


J'ai choisi de riposter par un usage qui peut paraître pédant de cette pauvre langue française, malmenée par les tenants d'une modernité qui suppose l'usage d'un baragouin comprimé, langue fade et sans nuance, syntaxe martyrisée et abandon des nuances d'une conjugaison qui se décline maintenant sur un mode unique. Certains s'indignent de devoir user du dictionnaire pour me lire, que devrais-je leur répondre, moi qui n'ai d'autre recours que celui de m'arracher les cheveux ?


La troisième régression est celle du bastion idéologique. Les chevaux de frise sont sortis pour établir des frontières infranchissables entre les différentes sensibilités. Des miradors sont installés et des francs-tireurs veillent et tirent à vue sur l'imprudent qui s'aventure sur des terres vierges de tout désaccord. Les avatars symbolisent l'appartenance à un camp ou à un autre, les territoires sont hermétiques, le débat laisse place à l'invective, à l'anathème, à l'insulte quand un malheureux se trompe de chapelle.



On se répète les mêmes arguments : ceux qui ne posent aucun problème de conscience. On tourne en boucle sur des convictions qui se nourrissent d'elles-mêmes sans prendre le risque d'affronter leurs contraires. On méprise le camp d'en face, on se gausse de ces pauvres types qui ne comprennent rien à rien, on ne doute pas une seconde de détenir toute la vérité. La tolérance n'a sans doute pas trouvé, ici, l'espace à laquelle elle pouvait prétendre en profitant de ce formidable vecteur de l'opinion.


Un dernier volet complète le précédent. Les bastions idéologiques ne suffisent plus. Il y a des tenants de l'épuration des consciences. Il faut gagner la bataille des idées par des attaques , des raids guerriers pour décourager l'adversaire : la bande d'en face. Les trolls se font fort de décourager le brave blogueur, les bandes se conduisent comme des charognards, fondant sans vergogne sur celui qui pense si mal.


Deux méthodes s'affrontent suivant la sensibilité du camp prédateur. Les légalistes qui saisissent les organismes de modulation, de modération, font appel à la loi, à la morale et à la courtoisie qui m'est si chère. Les agressifs qui cherchent à vampiriser l'ennemi, à le priver de son sang et de sa sève, à le harceler sans trêve ni propos bienveillants.


Les coups bas sont nombreux, les vilains plus nombreux encore. On s'écharpe, on s'étripe, on se déchire avec une délectation qui ne cesse de m'interroger. On se refuse au dialogue, au débat, à la réflexion. C'est la foire du ton comminatoire, de l'agression verbale, des borborygmes dégradants pour celui qui en use. La distinction ne s'épanouit que trop rarement dans ce petit monde nauséeux.


L'homme est ainsi fait qu'il doit tirer le pire de ce qui est bien. Chercher la querelle en maniant les mots, en acceptant la contradiction ne lui suffit pas : il faut abattre, éliminer, écarter ou ignorer. La paix universelle n'est pas pour demain. Fort heureusement, il semble, malgré tout, que l'on puisse trouver un petit répit à force de constance, à force de courtoisie. C'est ce à quoi je suis parvenu depuis tout ce temps, en écartant progressivement tous ceux dont j'ai évoqué les travers et qui ont fini par se casser les dents sur ma volonté de toujours répondre convenablement à leurs saillies verbales. Je croise les doigts pour que ce miracle perdure encore longtemps.


Sémiologiquement vôtre


 

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