jeudi 10 septembre 2020

La fin des haricots.

 

Drôle de drame.

 


 


Il était une fois une planète sur laquelle la vie s’était implantée dans une diversité extraordinaire. Tout se passait fort bien dans une harmonie toute relative puisque la terrible loi de la nature ne faisait de cadeaux à personne. La vie et la mort faisaient partie de la règle d’un jeu qui s’achevait toujours de la même manière. Nulle espèce n’échappait à cette loi immuable même si les délais impartis étaient extrêmement fluctuants selon les lois de la loterie vitale.


Tout bascula quand une espèce se mit en tête de dominer toutes les autres, de les asservir, de les réduire à l’état d’objet. Tout avait commencé quand quelques individus s’étaient mis en tête de s’inventer un Dieu à leur image. À partir de cette farce, tout devenait possible pour les représentants de l’espèce élu. Ce fut le début de la fin.


La planète cependant était suffisamment vaste pour continuer son petit bonhomme de chemin en dépit des frasques incessantes de ceux qui se prenaient pour les maîtres de ce monde. La nature s’accordait encore des espaces préservés, des zones entières si hostiles que ceux qui allaient debout sur leurs pattes de derrière, ne pouvaient y mettre les pieds. Il y avait des sanctuaires inviolables dans lesquels les autres espèces trouvaient encore refuge.


Puis, les copies conformes d’un Dieu illusoire se mirent à croître et à multiplier de manière déraisonnable d’abord, puis progressivement totalement incontrôlable. Les compteurs s’affolaient, la population de cette espèce occupait désormais tous les territoires et se chargeaient même de détruire les microcosmes qui lui étaient inhospitaliers pour enfin s’y implanter.


Les autres espèces que l’on qualifiait désormais d’animal pour les distinguer de cette humanité impitoyable et galopante tombaient les unes après les autres sous les coups, les poisons, les attaques, les déchets de ces tyrans. D’autres survivaient en devant se plier à une condition d’esclave pour satisfaire aux besoins alimentaires des nouveaux maîtres. Une tyrannie sans pitié qui mettait totalement à mal l’ancestral équilibre naturel.


Hélas, le nombre toujours plus grand des monstres finissait par poser véritablement des problèmes insolubles. Il convenait de trouver une solution pour retrouver une population compatible avec les capacités de production d’une planète devenue exsangue. Des apprentis sorciers se mirent en devoir de trouver des moyens radicaux de réduction de la natalité. Ce fut un échec, même la politique de l’enfant unique s’avéra être un fiasco tandis que les progrès de la contraception se heurtaient à la nécessité de maintenir une main d’œuvre inculte et taillable à merci pour faire tourner l’industrie.


Puisqu’on ne pouvait agir sur la natalité, autant prendre le problème par l’autre bout de la lorgnette. La mortalité pouvait recevoir un petit coup de pouce sans que cela apparaisse comme une agression des élites dirigeantes. Ces dernières disposaient bien d’armes d’élimination massives mais la ficelle était trop grosse et les risques collatéraux non maîtrisables. Il convenait de se montrer plus sournois et malins.


Des savants se mirent en quête de créer une nouvelle maladie susceptible de faire des coupes claires dans la population mondiale. C’est ainsi qu’ils se mirent en quête de modifier l’ADN des haricots secs pour transmettre une maladie foudroyante aux humains. Une idée saugrenue certes mais qui en valait bien d’autres et qui de fils en seringues pouvait faire son chemin.


Le haricot sec blanc ou rouge avait été repéré comme étant par excellence le plat du pauvre. Il n’était pas question de mettre en péril les couches sociales les plus aisées. On peut mesurer à ce détail la fourberie des instigateurs de ce plan diabolique.

Comme bien souvent, il y eut un hic, un gros souci, les recherches ne purent être menées à leur terme, l’agent pathogène ; la bactérie tueuse E. coli, sur lequel travaillaient les chercheurs n’en fit qu’à sa tête. Alors qu’un haricot blanc infesté traînait malencontreusement sur le rebord d’une fenêtre du laboratoire mandaté pour préparer la grande hécatombe, un pigeon ramier, par affinité lexicale sans doute, vint se nourrir de la graine. Le monde allait basculer dans le déraisonnable.


Le pigeon ne finit pas en cocotte avec des petits pois, la chose eut été beaucoup moins grave. Bien au contraire, il roucoula et infesta de proche en proche tous les membres d’une espèce qui investit les centres urbains et les monuments touristiques. Les pigeons ramiers se firent vecteurs passifs d’un mal sournois qui ne toucha pas leur rang mais se répandit sur l’homme non pas comme une traînée de poudre mais par la grâce de la fiente aviaire.


La bactérie provoqua chez les humains des coliques terribles qui vidaient totalement ceux qui allaient disparaître dans des douleurs atroces. Si l’objectif initial était atteint par ricochet, la manière ne pouvait satisfaire les organisateurs. Les décès dans de telles conditions provoquèrent l’émoi de la population tout en mettant grandement en péril l’hygiène au sein des hôpitaux chargés d'accueillir les agonisants. Des équipes furent constituées de nettoyeurs, en habit d’égoutier pour venir assainir les chambres et les salles de soin.


Dans la population un vent de panique souffla tandis que des lanceurs d’alerte avaient porté le pet, dénonçant la terrible manipulation. Les différents pouvoirs voulurent mettre un terme à ce qui devenait une pandémie planétaire. Des mesures devaient être prises de toute urgence à commencer par l'éradication de la gent ailée. Hélas, un comité international de défense du pigeon ramier vint s’opposer à cette mesure radicale.


Ce fut donc à la population de se protéger des missiles meurtriers lâchés quotidiennement par les malheureux volatiles. On demanda à la population de s’équiper d’une tenue d'apiculteur pour n’être point souillée par la redoutable bactérie. Les tenues naturellement vinrent très vite à manquer, un marché noir s’organisa qui fit la fortune de quelques margoulins qui n’hésitèrent pas à utiliser des matériaux qui laissaient passer l’agent tueur.


L’hécatombe cependant ne réalisa pas les objectifs initiaux envisagés. La résistance des individus se montra plus efficace que prévu, déjouant les prévisions des autorités. C’est alors que l’idée d’un sérum d'immunisation fit son chemin. Pour convaincre chacun d’absorber ce qui serait en fait un poison violent à effet différé pour parvenir au but recherché, les maîtres du monde organisèrent une longue période de propagande afin de terroriser la population tandis que des officines préparaient le produit mortel.


Quand le bon peuple fut mûr pour la solution finale, des flacons furent vendus fort chers d’ailleurs à des milliards d’individu qui se précipitèrent de leur plein gré vers la mort. Naturellement, un choix avait été établi de sélection de ceux qui seraient épargnés sur des critères sociaux, financiers et ethniques. Ceux-là se voyaient proposer un flacon inoffensif.


Le sirop Thyphon réduisit de 80 % la population de cette planète. La vie pouvait poursuivre son cours, dans le meilleur des mondes, débarrassé des parasites, des vieillards, des inutiles, des pauvres, des mal pensants. On ne mangea plus jamais de haricots sur la planète. Les légumes furent d’ailleurs tous éliminés au profit de gélules chimiques alimentaires. Une solution fort commode, puisque de temps à autre, un lot empoisonné assurait une régulation plus douce mais constante de la population survivante.


Les pigeons quant à eux disparurent totalement n’ayant plus rien à se mettre sous le bec. Personne ne remarqua leur départ, il est vrai que les nouvelles générations ignoraient tout de ce que fut la vie sur cette planète avant le grand « débarrassement », nom donné par les historiens à cette terrible élimination de masse.


Radicalement leur.


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Albert, une tête d'étourneau !

  Albert Père siffleur renommé Albert, oiseau étourdi Quoique ainsi prénommé N'avait rien d'un colibri  À...