samedi 19 septembre 2020

La folle équipée

 

La folle équipée




Il était une fois des élèves d’une classe ligérienne qui se rêvaient en partance sur la Loire. Ils se mirent en demeure de trouver des appuis, des soutiens, des aides afin de construire leur propre bateau ; un fûtreau tout en bois. Pour être certains de veiller à toutes les étapes d’une construction trop délicate parfois pour eux-seuls, ils installèrent le chantier dans une serre au fond de leur école. Ils avaient trouvé des passionnés qui acceptaient de travailler avec eux à la création d’un bateau qui portera une devise originale « Le Brasse-Bouillon ».


La joyeuse troupe des futurs mariniers ne voulait pas en rester là. La construction prendrait sans doute si longtemps que les plus grands auraient déjà quitté l’endroit pour affronter le monde du collège. Il leur fallait comprendre la Loire avant que de la parcourir sur leur belle embarcation. C’est ainsi qu’ils partirent à bicyclette, convaincus qu’ils étaient, que du haut de leur selle, sur leurs magnifiques destriers mécaniques, ils pourraient tout à loisir admirer la rivière et découvrir son histoire.


Après avoir passé une semaine en Sologne, c’est donc à Meung-sur-Loire que débuta leur avalaison, un terme qu’ils allaient découvrir en retournant jusqu’à Saint Père à contre-courant des flots. Afin de ne rien manquer de ce qu’il convient à de parfaits petits ligériens, ils s’encombrèrent d’un guide quelque peu bavard, un certain bonimenteur, natif justement du village situé de l’autre côté du leur.


Pour être certains de ne pas avoir à le supporter trop longtemps, ils prirent la précaution tout d’abord d’effectuer le parcours des poissons au château de La Ferté-Saint-Aubin. Ainsi ils disposaient de quelques fioles maléfiques pour se débarrasser de ce personnage quand il leur casserait par trop les oreilles. C’est une sorcière, installée au milieu du Parc qui leur prépara ce breuvage fatal.


À Meung-sur-Loire leur aventure débuta au Bout du Monde ! C’est le nom que l’on donna à ce point qui pour beaucoup de bateaux à la remonte, était le lieu de débarquement des tonneaux de vin, un peu plus en amont de la ville, dans d’immenses entrepôts à demi-enterrés. Étrangement c’est aussi le nom d’une ruelle de Sully-sur-Loire, à l’extrémité de la fortification de jadis.


Ici, un pont traverse la rivière tandis que les vestiges de son ancêtre médiéval barrent les flots en provoquant un grand tumulte. Le passage n’est pas aisé pour qui ne connait pas bien la passe. Ce piège se trouve juste en face d’un ancien relais de poste qui reçut Jeanne d’Arc avant sa grande épopée orléanaise.


En ce lieu qui était un immense marécage, l’histoire du moine Liphard, ressemble à s’y méprendre à celle de Mesmin, son collègue de l'abbaye de Micy. Le premier trucida un immense serpent, une couleuvre par l’intermédiaire d’un disciple moins pleutre que lui tandis que le second frappa un immonde dragon. Nous sommes au sixième siècle et il convient de frapper les esprits avec de belles sornettes pour faire progresser une nouvelle foi…


Il est vrai qu’auparavant en ce pays des Mauves, le nom de l’affluent qui se jette dans la Loire du côté de Baule, les légendes celtes avaient toute leur place. Il convient d’évoquer la fée locale : Houlippe qui sort des profondeurs de l’eau debout sur son char majestueux, tirée par deux cygnes noirs. Elle ouvre le bal du grand sabbat des elfes et des lutins des rives tandis que les sorcières chevauchent leur balai magique.


Ici, les dolmens couchés tournent ou se déplacent une fois l’an pour libérer de fabuleux trésors pour ceux qui ont l’audace d’aller les quérir. Malheur à ceux qui s’attarderaient trop à vouloir compter leur future richesse. Quand le douzième coup de la minuit retentit, la cloche revient à sa place, emprisonnant à jamais le malheureux cupide.


Deux personnages méritent le souvenir des gens d’ici. Un Seigneur Jehan de Meung et un gueux au parcours fulgurant jalonné de poèmes sublimes : Gaston Couté. Avec ce dernier, vous découvrirez la langue de chez nous ; ce patois qui roule les R, déforme les mots et maltraite quelque peu la grammaire. Ces textes sont si beaux qu’ils sont repris plus de cent ans après sa mort par de nombreux chanteurs d’aujourd’hui.


Un crochet par Beaugency s’impose. La cité médiévale nous offre ses portes, ses remparts, ses mystères et un circuit découverte concocté par les élèves du Mail. Le diable n’est jamais très loin ici tandis que le chat noir est le dindon de la farce. Est-il besoin de présenter ce récit qu’on retrouve partout où un pont a été ardemment souhaité ? D’ailleurs Jargeau prétend aussi que son pont de pierre, jadis avait été jeté sur la Loire par le Malin en personne.


Les municipalités successives de Beaugency ont eu la sagesse de ne jamais donner de noms de rue à des personnalités qui ne sont pas liées à la ville. Ainsi, fort de cette posture qui devrait être celle de toutes ses consœurs, cette cité conserve les traces de son passé grâce aux plaques de rue. La prétention de bien des édiles, ailleurs nous prive souvent d’un patrimoine précieux. Ici, il suffit de lire les plaques de rue pour découvrir le riche passé de l’endroit.


La maille d’Or est honorée et son histoire se prolongea jusqu’à la révolution. Tout a débuté le 13 janvier 850 (on peut admirer la précision) durant le règne du brave Childéric. Simon règne depuis de longues années sur sa seigneurie de Beaugency. Mais voilà que tout seigneur qu’il est, il n’échappe pas non plus à la si redoutable lèpre. Ses heures sont comptées et vivre son agonie en bord de Loire dans un château fortifié ne lui épargne pas les souffrances.


Simon, ce matin-là est à la toute dernière extrémité quand une odeur douce et agréable envahit le Val. En dépit de l’hiver, c’est un temps printanier qui s’installe en bord de Loire et, dans l’instant, le lépreux recouvre la santé. Il en faut bien moins pour attribuer cette guérison à un miracle du Très Grand ; le Diable en ce lieu sait à quoi s’en tenir. Le même jour, près d’Amiens, le corps de Saint Firmin est découvert après de longues années d’oubli. Simon attribue sa guérison à cette coïncidence.


C’est ainsi que le 13 janvier de chaque année, durant des centaines d’années, les écoliers d’Amiens qui faisaient leurs études à Orléans étaient en droit de venir réclamer une maille d’Or qui devint par la suite un Florin. À rebours, si à Amiens lors de la messe le 13 janvier toujours, un balgencien était présent dans l’église, il se voyait remettre une paire de gants blancs.


Le premier mai, la fête foraine prolonge elle aussi le souvenir d’une grande foire médiévale qui avait lieu à Beaugency. On mesure ainsi combien en bord de Loire, on reste attaché au passé, d’autant que 7 jours plus tard, Orléans célèbre à son tour son héroïne même si la Foire Saint Aignan est, quant à elle, passée aux oubliettes.


L’histoire de France se perd parfois sur les sables de Loire. Clovis et ses moines Cénobites de Micy construisirent les légendes qui installèrent le pays dans le catholicisme. Le dragon de la roche Béraire, la Coulouvre des marécages de Meung sur Loire sont venus détrôner les croyances celtes. Aignan, quelque temps auparavant avait bouté les Huns de la cité, mais son exploit sera effacé par celui d’une charmante Pucelle qui fit tourner toutes les têtes orléanaises.


En quittant la Loire et son Canal, nous savions que nous allions la retrouver plus tard en son musée de la Marine et surtout en son Ombilique Sacré des Gaules. Centre druidique des Celtes, Saint Benoît et Germigny devinrent des pôles de diffusion de la foi et plus encore de la culture. Le rôle essentiel de Théodulf vaudra bien quelques récits tandis que son apport mériterait bien des éloges.


En revenant à Saint Père, auprès de la croix Saint Nicolas, vous replongerez dans la tradition, les croyances anciennes et l’histoire de la Marine de Loire. C’est ainsi que les élèves pourront achever leur fûtreau et honorer ainsi le Classement au Patrimoine Universel qui débute précisément ici. Il ne leur restera plus qu’à écouter les histoires de l’autre côté du Pont, d’un château qui fit la gloire de Sully sur Loire.


Pour achever ce parcours ligérien, quoi de mieux que de laisser dans les têtes et les cœurs une chanson. Le groupe LaBouSol offre alors aux enfants cette opportunité afin de rentrer à l’école en chantant la Loire.

 



Où vas-tu ?


Où vas-tu marinier

En si bel équipage ?

Où vas-tu naviguer

Loin de ce beau rivage ?


Je vais bien loin d'ici

Dans des pays nouveaux

Ces belles colonies

Loin de nos vieux châteaux

J'embarquerai à Nantes

Je laisse notre Loire

Pour de nouvelles amantes

Et de grandes histoires


Je reviendrai plus riche

Et au bout de mon âge

Je serai bien moins chiche

Comme le prétend l'adage

Tu rêves bel ami

De contrées merveilleuses

De trésors, de rubis

D'aventures glorieuses


Tu trouveras bien pire

Que nos pauvres chagrins

Des loups et des vampires

Qui ne sont pas humains

Des monstres sans pitié

Vendant des esclaves

Et pour les transporter

Les enchaînent à la cale


Je reste donc ici

Pour vivre mon histoire

Blotti contre ma mie

Ma si belle amie Loire

Tu seras plus heureux

Il te faudra m'en croire

On ne peut vivre mieux

Qu'en notre Val de Loire


Où vas-tu marinier

En si bel équipage ?

Je me suis marié

Dans notre beau village




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