Des
maisons au bord de l'eau.
Il y a parfois des
découvertes qui vous laissent un souvenir impérissable. Ce fut le
cas de ma rencontre avec le port de Chouzé, un lieu préservé de la
folie des hommes, celle qui a voulu que dans nos villes de Loire, on
glissa le plus souvent une route entre la rivière et les gens. Ici,
point de tout ça ; des maisons marinières en tuffeau en front de
rivière, des pavés disjoints et le quai. Quand on arrive par les
eaux, c'est encore plus beau, c'est alors le sentiment étrange de
remonter le temps !
Hélas, il y a quelques
inévitables automobiles qui battent le pavé pour venir se garer,
l'automobiliste est né sans jambe et rien ne lui plaît davantage
que de saccager un décor de rêve. Ce serait si simple d'en faire un
lieu totalement préservé, un sanctuaire à la gloire de notre
histoire. Ce serait magnifique pour cet aimable petit musée de la
marine de Loire. Comme partout, il y a d'ailleurs les traces des
crues centennales mais cette fois, on remonte à celle de 1768, la
mémoire va au-delà des habituelles années du XIX° siècle.
C'est là qu'un petit
collectif de passionnés a organisé les premières rencontres
ligériennes de Chouzé. Deux jours avant Noël, le pari était osé,
les dieux celtes ont exhaussé nos intrépides car belle et
sympathique fut leur fête. Oh, bien sûr, rien de très
spectaculaire, ni monstres perchés sur des échasses, ni spectacle
pyrotechnique, ni sonorisation tonitruante, ni vedette
internationale. La simplicité existe encore sur les bords de notre
Loire, je l'ai rencontré en ce doux pays entre Touraine et Anjou.
Je venais ici, avec mon
bâton de parole tenter de dire quelques bonimenteries si les gens
avaient la patience de les écouter. Une salle d'exposition n'est pas
le lieu idéal pour arrêter le flâneur par la supposée magie du
verbe. J'ai dû user d'un nouveau stratagème pour prendre dans mes
rets des visiteurs pris au piège de l'enfance. Cette fois ce fut la
conférence détournée, le propos savant qui dérape vers la fable,
la perte de contrôle entre la vraie histoire et la légende qu'on
construit de toute pièce.
Les spectateurs se sont
pris au jeu et je les en remercie. Il n'est pas besoin de mise en
scène complexe pour franchir les portes du mystère. La rivière se
prête à merveille à ce dérapage incontrôlé, ce petit pas de
côté qui vous fait quitter la raison pour entrer au pays de Merlin
et Morgane, de la lumière et des eaux qui se mêlent. Il faut la
Loire pour le croire !
Tout ceci a eu lieu grâce
à la volonté farouche de quelques amoureux de notre rivière
sauvage. Les bateaux, toutes voiles dehors ont apporté cette magie
qui abolissait le temps. Nous étions vraiment aux temps glorieux de
notre passion batelière. Les mots n'avaient qu'à se glisser dans
les interstices de ce ciel de solstice …
Et quand vint l'heure de se
séparer à regret, le ciel se fit décor somptueux. Il se para de
toutes les nuances du rouge pour embrasser les eaux et se faire
tableau incandescent. Chacun alors de précipiter pour prendre un
cliché magnifique. Il n'y avait sur ce quai que des esthètes et des
jouisseurs du simple plaisir de la contemplation.
C'est avec ce clape de fin
sans pareil que nous nous séparâmes. Chacun s'en retournant vers
son port d'attache en se jurant de revenir ici pour que se prolonge
cette belle initiative. Michèle pouvait souffler, son pari était
réussi. Elle avait eu le soutien des Dieux du ciel et des lumières
de Loire.
Nous reviendrons à Chouzé.
Fasse que ce modeste billet vous donne envie également de porter vos
pas vers ce lieu en dehors du temps. Vous y trouverez j'en suis
certain le plus beau des accueils. La Martinienne vous attend pour
une sortie en Loire en compagnie des amoureux de notre belle rivière.
Ligériennement vôtre.
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