vendredi 18 janvier 2019

Le voyage d’Hornicar



Les trois lascars et le pinard



Hornicar était un garçon très étourdi. Un jour qu’il désirait partir en vacances pour Carthage en empruntant une de ces lignes de car qui quadrillent l’Europe à l'initiative de notre bon président, le brave garçon, fidèle à son habitude arriva sur le quai avec un quart d’heure de retard. Il se cassa donc le nez et dû se rabattre sur une destination beaucoup moins lointaine. C’est sur Thiers qu’il jeta son dévolu.

Hélas, aussitôt monté dans le véhicule il se retrouva à couteaux tirés avec son voisin pour une sombre histoire de cartouche d’encre qui fuyait de son sac à bagages. Ils en vinrent rapidement aux mains provoquant tant d’émoi parmi les autres usagers bon marché qu’ils furent tous deux débarqués sans ménagement. Revenus sur le bitume les deux querelleurs se lièrent d’amitié tout en se retrouvant le bec dans l’eau.

À la demie, un autre car partirait pour Sète. Ils se décidèrent pour cette destination ensoleillée mais ils remarquèrent qu'il était l’heure de manger. Le nouvel ami d’Hornicar, un certain Oscar, sortit de son cartable de quoi se restaurer. Le partage est chose aisée quand les différents sont aplanis et nos deux lascars de se mettre en demeure d’un banc pour ce qui allait être un festin sur le pouce.

Oscar avait un quart de vin pour accompagner charcuterie et gourmandises diverses. Hornicar, épicurien notoire se mit en demeure de quérir une bonne bouteille de Cadillac. Il y avait non loin de la gare routière un caviste qui avait justement cette appellation en cave à moins que ce ne fut en réserve . Les deux compagnons se régalèrent mais ce vin leur tourna la tête et un peu plus encore l’esprit. La folie des grandeurs sans doute, ils décidèrent de changer tout de go de moyen de locomotion.

Le transport collectif leur semblait trop commun pour leur nouvelle et belle amitié. C’est désormais en voiture de collection qu’ils souhaitaient se rendre vers une destination plus œnologique. Faire le tour des crus de notre beau pays leur sembla une belle idée, la France ne manquait pas de points de chute à ce propos. Hélas, le risque était grand de choir dans un chai et de n’en point ressortir fringant. Conduire dans ce cas n’était pas raisonnable.

Oscar confia à Hornicar qu’il avait un cousin flanqué d’un drôle de prénom sous prétexte qu’il était né en 1974. Giscard en dépit de ce patronyme détestable était pilote d’avion de tourisme et disposait d’une carlingue susceptible de les conduire tous trois au pays des vignobles. Voilà donc que la troupe se forma et se disposait à établir un plan de vol pour une épopée vineuse. Rapidement cependant, le projet battit de l’aile, les pistes d'atterrissage se trouvant le plus souvent à grande distance des caves et des châteaux.

Ils étaient une fois encore en carafe, ce qui, il faut le reconnaître ne manquait pas de sel. C’est alors que devant eux passa une jeune cycliste qui n’était pas gourde et notre cher Hornicar ne put s’empêcher de siffler la demoiselle. L’homme non seulement était un fieffé querelleur mais de plus un affreux malotru. Ce n’est pas chose à faire quand on a un peu d’éducation.

La jeune fille ne se retourna même pas sur ce triste trio et passa son chemin avec un air de dédain qui sied dans pareille circonstance. Cependant Giscard eut alors une de ces associations d’idées qui font les grands destins. Ce voyage, ils le feraient en vélo pour échapper aux gendarmes et à leurs affreux et impitoyables ballons. Il reçut immédiatement l’adhésion de ses deux compères qui sortaient conjointement d’un régime sans sel.

Voilà donc Hornicar, Oscar et Giscard juchés sur des vieux routiers branlants, le guidon recourbé et la selle inconfortable. Ils se dirent que suivre le trajet de la Loire à vélo leur assurerait un terrain plat et une belle ribambelle d'appellations incontrôlées. Pour se jeter à l’eau, il n’y avait pas meilleure manière que d’associer culture et viticulture. Ils ne rouleraient pas en peloton mais en grappe, chacun s’arrange comme il peut avec les métaphores ou les amphores

Ils prirent donc un train pour se rendre à Nantes et de là se lancèrent dans ce grand périple ligérien. Les vignobles étaient foison sur ce parcours merveilleux. Ils n’avaient qu’à se poser dans un endroit et boire tout leur saoul. Le périple allait bien leur prendre toute une année tant ils avaient à découvrir de vins succulents tout en se régalant de spécialités régionales. Ils dormaient à la belle étoile mais prenaient garde de ne jamais boire de vin étoilé. S’ils étaient esthètes, ils n’en demeuraient pas moins fines gueules !

Quand ils arrivèrent à Roanne, leur santé était plus que vacillante, leurs trognes rubicondes mais leur savoir sur le vin sans pareil. Ils avaient acquis par l’expérience une culture incomparable sur les vins ou bien les crus et parfois les cuites de Loire et se dirent qu’il convenait d’en tirer profit. C’est ainsi qu’ils créèrent un circuit touristique : « Les vins de Loire en car couchette » qui eut immédiatement un succès tonitruant. Quand le vin est tiré, il faut le boire !

Ils firent fortune dans cette activité commerciale et diversifièrent même leur cœur de cible. Oscar se chargea de gérer la filiale « Vallée du Rhône » tandis que Giscard prit en mains les destinées de la « Garonne ». Hornicar resta en bord de Loire, c’était son fief tout autant que sa passion. On peut pousser le bouchon trop loin et finir par retomber sur ses pieds, c’est la seule morale de cette histoire à ne répéter que de bouche à gosier. Fort heureusement personne n’eut jamais à trinquer car nos compagnons surent associer la modération à la déraison de leurs prestations.

Œnologiquement leur.


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