dimanche 13 janvier 2019

C'est un beau roman …



Tendresse et Désir, une histoire encore à construire.



C'est un beau roman auprès d'une rivière qui sent la rose et le printemps retrouvé. C'est du moins ce qu'écrivent nos raconteurs d'histoires. Tout n'est pas si simple au pays des amants. Laissons-nous porter par l'aventure de Tendresse et Désir, leurs atermoiements et leurs abandons. Il ne faut pas croire qu'il suffit de claquer des doigts ; l'amour demeure un mystère qu'il convient de préserver.

Elle, tendresse ; éternel féminin de l'humble bergère, lui, désir : paradigme incertain du prince pas si charmant que ça, avancent main dans la main sur les chemins tourmentés de l'existence. Nous sommes au pays des contes de fées, des songes et des rêves fous. Savent-ils que l'impossible s'offre à eux : accorder leur violon tout en faisant flèche de tout bois à la manière de Cupidon ?

Tendresse réclame douceur et caresses. Elle se laisse porter, l'épaule contre son compagnon à la simple exaltation des sentiments. Elle est ouverte, simple et tranquille, à ses fougueux baisers. Elle laisse s'aventurer ses mains insidieuses, sans leur permettre des contrées inaccessibles. Désir est un chasseur, un gourmand qui fond sur sa proie. Il veut investir sa belle, il l'enveloppe, la lutine afin que ses défenses cèdent.

Le jeu du chat et de la souris débute entre eux. Les conteurs d'autrefois s'en allaient sur la pointe des pieds à l'échange du premier baiser : celui qui a réveillé la belle après un sommeil sans fin. Ils se contentaient d'affirmer qu'ils vivraient heureux et auraient beaucoup d'enfants sans se soucier de savoir comment se réaliserait la chose. Si la conclusion s'imposait aux lecteurs de jadis, elle n'allait jamais de soi pour nos deux personnages. Aujourd'hui, il faut pousser plus avant le récit ; le lecteur réclame désormais quelques scènes plus osées.

Tendresse, dans la torpeur de son long sommeil, éprouve le besoin d'un retour en douceur au monde des vivants. Désir, dans sa longue quête de la dame de ses rêves, semble quelque peu empressé. Il veut bousculer la demoiselle, ne pas lui laisser le temps de se retourner. On devine déjà que le coquin a quelques idées derrière la tête : le prosaïque est en marche.

Les scénaristes ont beau jouer de l'archer pour illustrer l’instant avec de la musique sirupeuse, nous ne sommes pas dupes. Rien n'est acquis encore : l'émotion de tendresse ne la prépare pas pour l’heure à la confusion désirée par Désir. Elle a besoin de temps, lui, semble pressé. Elle souhaite mieux le connaître, lui assure que c'est ainsi qu'on ouvre son cœur et son âme.

Lovée amoureusement, Tendresse n'est pourtant pas encore disposée à l'abandon suprême. Elle a besoin de confiance, de certitudes. Elle perçoit dans le regard de Désir cette turpitude qui l'effraie. Son prince est un mâle en rut. Il en oublie la délicate parade amoureuse, celle qui donne le temps de se découvrir sans se dénuder.

Désir s'impatiente, il se lance dans la grande parade : celle qui devrait faire plier les réserves de Tendresse. Il fait la roue, monte sur ses ergots, sa crête devient rouge flamboyante. Tendresse sourit de ses mimiques, elle devine le manège. Se donner dans l'instant, c'est succomber à une pulsion qui n'est peut-être que fantaisie sans lendemain ; elle souhaite obtenir des garanties.

Le conte de fées n'est plus, les bons comptes feront les bons contrats matrimoniaux si tel est le vœu de Désir. C'est là que le bât blesse : Désir est un coureur, il ne s'arrêtera pas auprès de sa dernière conquête. L'épilogue annoncé n'est qu'un leurre, même dans les belles histoires l'infidélité fait rage. Tendresse perçoit déjà les prémices de la trahison, elle diffère l'offrande que réclame ce Prince, pas tout à fait aimant.

Ils se sépareront. Les anges sont passés et ne se sont penchés sur aucun nouveau-né. Les rois mages cherchent toujours leur bonne étoile ; la vie reprend son cours. La bergère n'a pas vu le loup, elle peut retourner à ses moutons sans faire de déclaration de perte. Le Prince a tourné les talons, piqué son cheval d'un solide coup d'éperon. Il repart au bout du monde, bredouille et chafouin, ça lui apprendra à venir réveiller une donzelle qui défend farouchement sa virginité.

Tendresse et Désir ne sont peut-être pas ainsi. Laissons leur le temps de mieux se connaître. Ce n'était qu'une fausse piste, explorée par un scénariste malicieux. À trop vouloir déjouer les codes, l'histoire perd parfois de sa magie. Tendresse souffle à l'oreille de Désir que son vœu sera exaucé quand tous les curieux qui suivent leur rencontre, seront partis pour une autre histoire. Désir, susurre à sa dame de cœur qu'il l'aime pour de bon, qu'il n'est pas un cavaleur impétueux mais un cavalier respectueux.

Nous nous retirons sur la pointe des pieds. Ce qui se passera entre eux n'appartient qu'à ces deux-là. Déjà nous entendons Tendresse soupirer. Désir, plein de délicatesse, attend que nous soyons bien plus loin pour pousser plus avant ses délicates approches. Soudain, les rôles se renversent, c'est Tendresse qui prend la main. Le tumulte est si grand, que frissons et confusion se dérobent à celui qui voulait vous décrire la farandole des corps.

Libertinement leur.

 Peinture

Hélène Gastin-Mozol


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