jeudi 4 octobre 2018

Le plus bel arbre du verger


Là où il y a de la genèse, il n’y a pas de plaisir.



Et Dieu créa l’homme et la femme et en conçut une immense satisfaction. Cette fois, se dit-il, j’en ai fini de ce travail harassant, je vais pouvoir me reposer sur mes lauriers. Je laisse les humains à ce paradis terrestre : ils n’ont plus qu’à croître et multiplier pour occuper ma création. C’est ainsi que tout Dieu qu’il était, il n’avait pas tout à fait bien fait les choses …

Si la femme, contrairement à ce que pensent encore quelques affreux bonshommes, toujours prompts à se croire supérieurs, était en tout point parfaite, véritable chef-d’œuvre de la nature, l’homme avait quelques imperfections dont la plus visible fit basculer l’histoire. Éve et ses amies étaient d’une beauté à damner Adam et ses camarades. Des rondeurs délicates, des formes ne demandant que caresses et tendresse, elles avaient tout ce qu’il fallait pour faire tourner la tête de leurs compagnons.

Hélas, ces pauvres garçons avaient été conçus sans ce merveilleux petit appendice qui préoccupe désormais toutes leurs pensées. Dieu avait quelque peu dérapé dans les dernières retouches. S’il les avait munis de bourses, il avait omis le petit plantoir destiné à la reproduction et à bien d’autres satisfactions.

Le pauvre être supérieur avait songé à un stratagème d’une incroyable complexité pour que la femme puisse être fécondée. Désireux sans doute de ne pas perturber les hommes avec cette tâche qu’il pensait insurmontable pour eux, il avait convié la fécondation au plus bel arbre du verger : l’arbre à verges comme il se doit ! Cet endroit avait été nommé « le septième ciel »parce que Dieu s’y était permis une sieste le dimanche de la création.

Cet arbre était doté d’un fruit qui, lorsqu’il se gorgeait de soleil, avait la faculté de grossir quand une femme venait s’allonger sous le « septième ciel » profitant de son ombre et de sa beauté. La belle alanguie de se trémousser afin d’ouvrir son merveilleux écrin, tout en caressant son délicat bouton des plaisirs pour provoquer murmures et gémissements.

La verge n’était pas insensible à ce ballet qui se déroulait à ses pieds. Elle redressait plus encore la tête, frémissait, elle aussi, jusqu’à ce qu’un suc blanchâtre, une sève de vie jaillisse d’elle pour retomber sur la belle, jambes grandes ouvertes pour recevoir la semence de vie. Elle n’avait plus qu’à garder précieusement ce liquide chaud et visqueux pour engendrer, quelque temps plus tard, un nouvel hôte du paradis.

Le serpent, fin observateur, avait remarqué les trémoussements de la dame, sa posture sensuelle et la douceur de sa caverne. L’animal, toujours à la recherche de tiédeur, profita du ballet de quelques dames en quête de la semence fertile pour s’insinuer en cette grotte accueillante. Certaines femmes en furent particulièrement choquées et il se murmure que la crainte ancestrale du serpent date de cette intrusion indélicate.

D’autres, au contraire, éprouvèrent tant de plaisir à cette pénétration qu’elles regrettèrent amèrement que leurs compagnons fussent incapables de pareilles visites. C’est une jeune fille, Lilith, qui se dit qu’il y avait là certainement confusion ou bien maladresse de la part du vénérable Créateur. Il faut bien admettre que le grand architecte avait eu tant à faire en si peu de jours, qu’on pouvait bien admettre cette petite méprise.

Lilith décida de grimper dans le plus bel arbre du verger et arracha une verge, un joli braquemart, une tige à moins que ce ne fût un goupillon, une baguette, un vit, ou bien encore une bistouquette, un gourdin, un phallus ou plus prosaïquement un pénis. Qu’importe comment on nomme la chose, elle devait immédiatement se retrouver entre les jambes des hommes. La jouvencelle appela un garçon et la lui fixa au bas du ventre, la greffe prit dans l’instant pour sa plus grande satisfaction.

La belle fut ravie de son idée. Elle en éprouva tant de plaisir qu’elle se lança dans une danse merveilleuse devant ce garçon qui découvrit à sa grande surprise que le fruit greffé réagissait comme il le faisait sur l’arbre. Il en éprouva au début un peu de honte, ne sachant que faire de cette curieuse excroissance. Puis, à l'invitation de la belle, il se mit à imiter les serpents. L’arbre se couvrit de fruits différents qu’on nomma de la Passion.

Tous les habitants du paradis terrestre furent attirés par les râles qui venaient de ce premier couple en fusion. Bientôt toutes les femmes grimpèrent aux arbres à verges détacher un fruit pour le fixer au pubis de celui qu’elles avaient choisi. Il y eut ce jour-là sur la terre, une sarabande de corps entremêlés, une rumeur de gémissements et de râles, une extase à nulle autre pareille.
Le serpent se mordit la queue quand il comprit que, désormais, il serait privé de ce petit plaisir innocent. Le pauvre animal ignorait qu’on allait lui imputer le pêché originel et que la verge deviendrait pomme de discorde dans bien des couples. Ceux-là n’ont sans doute pas compris qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien et que la genèse contient bien des sornettes. Je me suis fait ici un devoir de rétablir la vérité pour mon plus grand plaisir.

Amoureusement leur.

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