Là
où il y a de la genèse, il n’y a pas de plaisir.
Et
Dieu créa l’homme et la femme et en conçut une immense
satisfaction. Cette fois, se dit-il, j’en ai fini de ce travail
harassant, je vais pouvoir me reposer sur mes lauriers. Je laisse les
humains à ce paradis terrestre : ils n’ont plus qu’à
croître et multiplier pour occuper ma création. C’est ainsi que
tout Dieu qu’il était, il n’avait pas tout à fait bien fait les
choses …
Si
la femme, contrairement à ce que pensent encore quelques affreux
bonshommes, toujours prompts à se croire supérieurs, était en tout
point parfaite, véritable chef-d’œuvre de la nature, l’homme
avait quelques imperfections dont la plus visible fit basculer
l’histoire. Éve et ses amies étaient d’une beauté à damner
Adam et ses camarades. Des rondeurs délicates, des formes ne
demandant que caresses et tendresse, elles avaient tout ce qu’il
fallait pour faire tourner la tête de leurs compagnons.
Hélas,
ces pauvres garçons avaient été conçus sans ce merveilleux petit
appendice qui préoccupe désormais toutes leurs pensées. Dieu avait
quelque peu dérapé dans les dernières retouches. S’il les avait
munis de bourses, il avait omis le petit plantoir destiné à la
reproduction et à bien d’autres satisfactions.
Le
pauvre être supérieur avait songé à un stratagème d’une
incroyable complexité pour que la femme puisse être fécondée.
Désireux sans doute de ne pas perturber les hommes avec cette tâche
qu’il pensait insurmontable pour eux, il avait convié la
fécondation au plus bel arbre du verger : l’arbre à verges
comme il se doit ! Cet endroit avait été nommé « le septième
ciel »parce que Dieu s’y était permis une sieste le dimanche
de la création.
Cet
arbre était doté d’un fruit qui, lorsqu’il se gorgeait de
soleil, avait la faculté de grossir quand une femme venait
s’allonger sous le « septième ciel » profitant de son
ombre et de sa beauté. La belle alanguie de se trémousser afin
d’ouvrir son merveilleux écrin, tout en caressant son délicat
bouton des plaisirs pour provoquer murmures et gémissements.
La
verge n’était pas insensible à ce ballet qui se déroulait à ses
pieds. Elle redressait plus encore la tête, frémissait, elle aussi,
jusqu’à ce qu’un suc blanchâtre, une sève de vie jaillisse
d’elle pour retomber sur la belle, jambes grandes ouvertes pour
recevoir la semence de vie. Elle n’avait plus qu’à garder
précieusement ce liquide chaud et visqueux pour engendrer, quelque
temps plus tard, un nouvel hôte du paradis.
Le
serpent, fin observateur, avait remarqué les trémoussements de la
dame, sa posture sensuelle et la douceur de sa caverne. L’animal,
toujours à la recherche de tiédeur, profita du ballet de quelques
dames en quête de la semence fertile pour s’insinuer en cette
grotte accueillante. Certaines femmes en furent particulièrement
choquées et il se murmure que la crainte ancestrale du serpent date
de cette intrusion indélicate.
D’autres,
au contraire, éprouvèrent tant de plaisir à cette pénétration
qu’elles regrettèrent amèrement que leurs compagnons fussent
incapables de pareilles visites. C’est une jeune fille, Lilith, qui
se dit qu’il y avait là certainement confusion ou bien maladresse
de la part du vénérable Créateur. Il faut bien admettre que le
grand architecte avait eu tant à faire en si peu de jours, qu’on
pouvait bien admettre cette petite méprise.
Lilith
décida de grimper dans le plus bel arbre du verger et arracha une
verge, un joli braquemart, une tige à moins que ce ne fût un
goupillon, une baguette, un vit, ou bien encore une bistouquette, un
gourdin, un phallus ou plus prosaïquement un pénis. Qu’importe
comment on nomme la chose, elle devait immédiatement se retrouver
entre les jambes des hommes. La jouvencelle appela un garçon et la
lui fixa au bas du ventre, la greffe prit dans l’instant pour sa
plus grande satisfaction.
La
belle fut ravie de son idée. Elle en éprouva tant de plaisir
qu’elle se lança dans une danse merveilleuse devant ce garçon qui
découvrit à sa grande surprise que le fruit greffé réagissait
comme il le faisait sur l’arbre. Il en éprouva au début un peu de
honte, ne sachant que faire de cette curieuse excroissance. Puis, à
l'invitation de la belle, il se mit à imiter les serpents. L’arbre
se couvrit de fruits différents qu’on nomma de la Passion.
Tous
les habitants du paradis terrestre furent attirés par les râles qui
venaient de ce premier couple en fusion. Bientôt toutes les femmes
grimpèrent aux arbres à verges détacher un fruit pour le fixer au
pubis de celui qu’elles avaient choisi. Il y eut ce jour-là sur la
terre, une sarabande de corps entremêlés, une rumeur de
gémissements et de râles, une extase à nulle autre pareille.
Le
serpent se mordit la queue quand il comprit que, désormais, il
serait privé de ce petit plaisir innocent. Le pauvre animal ignorait
qu’on allait lui imputer le pêché originel et que la verge
deviendrait pomme de discorde dans bien des couples. Ceux-là n’ont
sans doute pas compris qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien
et que la genèse contient bien des sornettes. Je me suis fait ici un
devoir de rétablir la vérité pour mon plus grand plaisir.
Amoureusement
leur.
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