Larguer
les amarres.
Il est bon parfois de
couper les ponts, d'aller voir plus loin sans se soucier de savoir
pourquoi ni comment. Disparaître, s'offrir un peu de distance dans
l'absence, de confort dans la fuite. Chacun pense ce qu'il veut de
ces instants secrets, de ces trous dans l'emploi du temps qui portent
en eux autant de mystère que d'énigme.
Le quotidien dans sa
litanie, sans cesse répétée , est tout autant un refuge qu'un
insupportable fardeau. Il a besoin de rupture, de brisure pour
retrouver un peu de souffle et de fantaisie. Les vacances ou les
weekends sont à ce titre de merveilleuses occasions de casser la
rengaine, de retrouver surprise et joie de vivre.
Bien sûr, la parenthèse
n'est qu'illusoire mais elle offre bien des avantages pour ne pas la
dédaigner quand on a le bonheur de pouvoir se payer ce luxe
magnifique. Il ne s'agit pas d'aller très loin, de faire un voyage
merveilleux. Il suffit d'aller ailleurs, de sortir du cadre pour se
retrouver un peu, se redonner de la force pour continuer le chemin.
Le travail, la vie
familiale, les ennuis, les soucis financiers, autant de choses qui
alourdissent le fardeau du présent. Lui octroyer une bouée
d'oxygène, une bulle en dehors du temps, c'est se montrer en liberté
avec soi-même. L'escapade est un trésor qu'il convient de préserver
en dépit des soupçons ou des craintes qu'elle provoque chez les
proches.
J'ai découvert cette
nécessité lors de mes grandes marches. Je partais sans téléphone
ni programme précis. J'allais à l'aventure, me laissant entraîner
par les circonstances et les rencontres, le hasard et parfois la
nécessité. Ce fut une révélation, un plaisir incomparable. La
disparition des écrans radars est pour moi une jubilation que je ne
saurais me refuser désormais.
Il est bien compliqué de
faire accepter aux proches cette démarche si particulière.
L'escapade relève de la fugue, à la différence que la première
s'inscrit dans le ponctuel quand la seconde ne se donne jamais
d'échéance. C'est une parenthèse enchantée, un vide qui se
remplit de points de suspension …
J'aime les silences d'une
journée sans lien, d'un moment sans programme. Vous disparaissez du
rôle qu'il faut tenir à chaque instant ; vous retrouvez
l'esprit pionnier, celui des nomades que nous n'avons jamais cessé
d'être, en dépit de tous les carcans que notre civilisation nous
impose. C'est un retour au primitif, au primal, au fondamental.
L'escapade est espiègle,
elle se joue des autres comme de celui qui s'y abandonne. Elle le
mène par le bout du cœur et du nez. Elle recèle tant de surprises
qu'elle ne vous laisse jamais le temps de vous ennuyer. Elle fait de
ces quelques heures, un miracle d'émotions. C'est ce que j'aime en
elle.
Est-elle raisonnable ? La
question n'a guère d'importance. La folie passagère ne durera pas.
Il faut revenir, il faut réintégrer les oripeaux de l'homme sage.
C'est la règle du jeu du sédentaire. D'autres ont fait le choix du
mouvement perpétuel ; ils sont plus libres que nous mais à
quel prix ? Celui du mépris et de la méfiance, du soupçon et du
rejet. C'est bien le signe qu'ils sont restés ce que nous n'aurions
jamais dû cesser d'être.
Homme libre, toujours tu
chériras le chemin, la poussière que soulèvent tes pas, les
mystères qu'ils dévoilent. Alors, laisse-toi aller à ce petit
bonheur simple : celui de l'escapade. Ouvre la porte, prends ton
sac à dos et pars sur la route sans but ni raison. L'aventure mérite
d'être vécue ; elle te fera plus grand et plus libre encore.
Tu reviendras peut-être, façonné par les rencontres, impressionné
par les émotions et les sensations. Tu auras toujours au cœur
l'envie d'un bel ailleurs.
Escapadement vôtre.
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