mercredi 18 octobre 2017

L’enfant et les animaux




Le petit malade et le druide.



Mon cher Pitchoune, notre petit ami Victor pourrait parfaitement écouter cette histoire. Il fut lui aussi un enfant à qui l’on passait tous ses caprices. La vie n’est pas faite que de satisfaction, de cadeaux et de plaisirs. Il faut parfois accepter de donner avant de recevoir.

Il était une fois un enfant aimé des siens, choyé plus que de raison. Il était enfant-roi : celui qui obtient tout ce qu’il désire d’un claquement de doigt ou bien d’une colère tonitruante. Sa famille était tout à son service. La vie avait eu le don de le faire naître dans un environnement où les soucis d’argent ne se posaient jamais. C’est sans doute ce qui le rendit particulièrement capricieux.

L’existence équilibre parfois ce que la bonne fortune n’a pas justement réparti. Le gamin tomba malade : un mal mystérieux qui le cloua dans son lit sans que les médecins ni les plus grands spécialistes appelés à son chevet ne puissent découvrir son mal. Ses parents désespéraient de le voir se rétablir et satisfaisaient plus encore tous ses désirs, croyant naïvement que la santé lui reviendrait par tous ces cadeaux.

L’enfant abusa de la situation. Il réclama et obtint bien plus qu’il ne pouvait profiter. Livres, jeux, jouets, confiseries s’accumulaient dans sa chambre sans lui redonner cette santé qui le fuyait. Bien au contraire, plus il recevait, plus il souffrait. Son visage se creusait, il pâlissait et s'affaiblissait de plus en plus .

Cependant les désirs de l'enfant finirent par changer. Il tourna le dos aux jouets pour leur préférer affection, tendresse et considération. Il réclamait de quoi adoucir ses journées cloué dans sa chambre. Il désira un compagnon, un animal qui allait le distraire et lui redonner le sourire.

Il exigea d’avoir avec lui un gentil furet. Il savait qu’on ne lui refuserait pas cette incroyable demande. Il avait hésité entre un renardeau et une fouine. Rien n’était trop beau pour lui et il en profitait. Il obtint son petit carnassier qui pour lui passer le temps fut enfermé dans une cage au pied de son lit.

L’enfant se lassa vite de cette pauvre petite bête qui dépérissait dans sa prison. L’odeur fut vite insupportable tout autant que les bruits que le furet faisaient toute la nuit. La santé du garçonnet s'aggrava par manque de sommeil. Les parents, incapables de prendre une décision contraire au désir de l’enfant, attendirent que le malade lui-même réclamât que l'on sorte l'animal de sa chambre pour enfin assainir la pièce et libérer la malheureuse bête. Le furet retrouva avec joie sa liberté et se mit à courir tout à son aise !

Le temps passa encore, l’enfant était au plus mal. Il réclama, cette fois, un bel oiseau, pour égayer sa chambre. C’est un rossignol, ce merveilleux chanteur qu’il lui fallait sans la cage sur sa table de chevet. L’oiseau, capturé dans la forêt voisine, fut enfermé à son tour dans la chambre de l’enfant.

Quelques jours plus tard, le beau chanteur avait perdu sa voix et ses plumes se ternissaient. La prison était pour lui un supplice. Il regrettait sa forêt et sa liberté. L’enfant oublia vite ce compagnon silencieux. Les parents une fois encore attendirent qu’il demande à en être débarrassé pour libérer l’oiseau qui retrouva alors sa forêt et sa voix.

Les deux cadeaux avaient été deux échecs. Le gamin était si faible qu’il n’avait plus ni l’envie ni la force d’exprimer un caprice nouveau. Il se laissait dépérir, ne mangeait plus ; il s’en allait doucement. Ses parents, au désespoir, avaient renoncé à tout recours : ils passaient leurs journées au chevet de leur cher enfant.

Un matin, son état empira plus encore. L’enfant était si faible qu’il était presque impossible d’entendre son souffle de voix. Dans un soupir il dit : « J’aimerais revoir mon petit furet et mon beau rossignol ! » Aussitôt, les parents lui promirent de les faire revenir. L’enfant, dans un sursaut d’énergie, se souleva et dit : « Oh, non, je ne veux pas les voir malheureux dans leur prison. C’est dehors, en liberté, à ma fenêtre que j’aimerais les voir et les entendre avant de quitter cette terre ! »

Inutile de vous dire l’effet que provoqua cette requête. Cette fois, les parents étaient incapables de satisfaire cette ultime volonté. Leur enfant réclamait quelque chose qui ne peut se faire. Sa demande ne pouvait ni s’acheter ni s’obtenir par la contrainte. Ils lui avouèrent qu’ils ne pouvaient réaliser son désir. L’enfant esquissa un sourire ; c’était la première fois que ses parents lui disaient NON.

Trop affaibli , il allait sombrer dans l’inconscience quand il se passa quelque chose d’extraordinaire. Un homme qui savait des secrets de la nature, un druide eut vent du désir de ce petit malade. Touché par son ultime demande, il s’empressa d’aller dans la forêt. Il invoqua les esprits, il chanta, il psalmodia des prières des temps anciens puis revint souffler quelque chose à l’oreille de l’enfant.

Quelques minutes plus tard, un petit oiseau vint frapper du bec à la fenêtre de la chambre du malade. Posé sur le rebord, le rossignol entonna le plus mélodieux chant qu’on eût jamais entendu jusqu’alors. Sur la pelouse, un furet courait en tous sens, heureux d’aller comme bon lui semblait. Le rossignol s’envola et se posa sur le dos de le furet.

À ce spectacle extraordinaire, l’enfant, que le vieux druide avait placé devant la fenêtre, rit aux éclats. C’était la première fois depuis si longtemps. Il passa des heures à regarder les facéties du furet et du rossignol. Puis ceux-ci s’en allèrent vers la forêt et l’enfant regagna son lit après les avoir salués de la main.

Chaque jour, les deux animaux vinrent rendre visite à l’enfant qui recouvra rapidement des forces et put enfin sortir de sa chambre. Il avait retrouvé goût à la vie : il avait compris que les plus belles choses ne sont pas celles qu’on réclame mais celles qu’on va chercher soi-même. Le rossignol et le furet cessèrent de venir quand ils comprirent que l’enfant était désormais capable de leur rendre visite dans les bois.

Ce fut ainsi que, chaque jour, il arpenta la forêt, observant les uns et les autres, découvrant des merveilles. Il oublia bien vite sa maladie et cessa d’être capricieux. Il avait trouvé sa voie. Il fit des études de botanique et passa sa vie à faire découvrir la faune sauvage et la flore aux enfants.

C’est ce vieux monsieur, mon cher Pitchoune qui me raconta son histoire. Un rossignol voletait au-dessus de sa tête tandis qu’un furet pointait le bout de son museau en dehors de son terrier. J’aurais aimé que Victor fut là lui aussi pour retirer le casque toujours vissé à ses oreilles et écouter cette belle aventure. Puisses-tu la lui faire entendre, mon brave Pitchoune, les enfants aujourd’hui, ont bien du mal à écouter les récits des anciens.

Miraculeusement sien.

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