lundi 15 juillet 2024

Roman fleuve : extrait de lecture

Roman fleuve

Philibert Humm

 


    Ce périple, les trois jeunes gens l’ont entrepris au mépris du danger, au péril de leur vie, et malgré les supplications de leurs fiancées respectives. Ils l’ont fait pour le rayonnement de la France, le progrès de la science et aussi un peu pour passer le temps.


Il en résulte un roman d’aventure avec de l’action à l’intérieur et aussi des temps calmes et du passé simple. Ceci est une expérience de lecture immersive. Hormis deux ou trois passages inquiétants, le suspense y est supportable et l’œuvre reste accessible au public poitrinaire. A noter la présence de nombreux adverbes.


L’éditeur ne saurait être tenu responsable des mauvaises idées que ce livre ne manquera pas d’instiller dans le cerveau vicié des nouvelles générations gavées d’écran et pourries à la moelle.


"Trois hommes, un bateau, un fleuve : une histoire qui prend l'eau dès les premières pages."


 

Thème

    Précédé d’une note « dégageant toute responsabilité de l’éditeur » pour le texte de 281 pages qui la suit et même d’un droit de réponse d’un des héros, 32 chapitres en verve coiffés d’un chapeau aux raccourcis prometteurs rendent le lecteur impatient d’en découdre avec le fil de l’eau. La lecture impérieuse d’un roman aussi atypique s’impose d’emblée. L’auteur, habile observateur et talentueux narrateur, fils prodigue doué pour s’aventurer à prix modique, ne ménage pas ses efforts, coiffé de son bachi de matelot, pour mériter son grade de capitaine autoproclamé d’un frêle esquif nommé « Bateau » pour ne pas vexer les autres. 

Belle réussite puisque l’ouvrage papier tiré de son œuvre liquide a été couronné par le prix Interallié. Il aurait aussi pu concourir pour le Goncourt des aventuriers, s’il existait déjà.


 

Points forts

 

Un week-end, malgré la concurrence d’obligations triviales, je descendis sourire aux lèvres ce fleuve allègre, contredisant la formule de Jean Mistler selon laquelle : « Parmi les romans fleuves, bien peu sont navigables ». Ici la déprime sérieuse en vogue est bannie. Le second degré est de règle et fait appel avec flegme et justesse au futur antérieur ou à l’imparfait du subjonctif quand l’occasion s’y prête. L’humour mijote à bonne température et le fleuve condescendant qu’est la Seine fait bonne figure et reste abordable jusqu’à son embouchure. 

En s’éloignant de Paris, à l’image des héros des  Trois hommes dans un bateau  de Jerome K. Jerome qui sur la Tamise berça mes cours d’anglais, le capitaine du bord, Philibert Humm, remonte le cours de ses souvenirs pour, en huit jours secs, redescendre la Seine dans l’ex-canoë de Véronique Sanson, fusse-t-il au prix de quelques prises de bec, orage compris, avec Adrian alias Bobby et le Major Waquet et d’inévitables frayeurs de la navigation au milieu des remous des navires prioritaires de fort calibre. 

Le récit tient à la fois du reportage fluvial, drôle et inspiré, et du précis de management de « team building » en version équipage à trois pour bateau biplace. Tirant des bords entre conte moral et réflexions philosophiques, livrant une enquête sociologique audiardesque sur les rives embrumées de la batellerie de nuit, il narre une aventure vintage équipée au « Vieux campeur ». L’ouvrage ne fait aucune impasse : le charme des guinguettes oubliées et leur faune assidue, la poésie des méandres, les bouées lancées aux grands auteurs, la découverte pédagogique des lieux aperçus sur la rive, parfois visités pour s’approvisionner, et du mascaret trop tôt disparu. On y retrouve l’esprit hussard des rencontres de terre ferme et les recettes de survie expérimentées en milieu humide. 


 

Encore un mot...

Air potache, naufrages modestes, figures roboratives, digressions contrariées par les courants contraires, chronique piquante bien arrosée, évocation rare des relations mères – aventuriers, roman d’amitié, tout nourrit cette escapade. Philibert Humm illustre avec brio et entrain combien l’aventure nourrit la jeunesse et rend l’exploit modeste.

Qu’on me pardonne ce jeu de nom, ce livre m’a mis de fort bonne humeur et je le recommande sans réserve à tous les types de lecteurs. Trop sérieux s’abstenir.


 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

À quoi rêvent les bateaux qui restent à quai ?

  Partir À quoi rêvent les bateaux qui restent à quai ? Ces éternels prisonniers de leurs entraves Ils ont pour seules v...