lundi 1 juillet 2024

Bouffon qui s'en dédit

 

Mieux vaut en rire.





Si le clown a bonne presse, son nez rouge l'autorisant à toutes les pitreries, pourvu qu'elles ne soient que grimaces et farces, accompagnées de rires enregistrés, le prosateur provocateur doit se garder de vouloir suivre ce chemin. Les paroles s'envolent en se jouant du paradoxe que moins ça vole haut, plus plaisant est le résultat aux oreilles d'un public qui ne demande qu'à pas réfléchir.


Le bouffon a quant à lui, bien du tracas devant la fragmentation de plus en plus clivante d'un auditoire qui n'accepte plus, désormais, de voir ébranler ses convictions et ses croyances. La dérision ou sa forme plus subtile, l'ironie, ne sont permises qu'à la condition de ne pas toucher au sacré, au pouvoir, à l'idéologie dominante, au mode de vie.


Le sexe dans ce domaine constitue la valeur refuge, l'éden de la langue de vipère, le paradis du gros cochon ou de la gentille pintade. Le dessous de la ceinture est d'une redoutable efficacité quand toute tentative de viser un peu plus haut risque de tourner en eau de boudin. Il est vrai que c'est un sexe sans risque qui ne demande aucune précaution oratoire pour au final n'engendrer que des rires gras et vulgaires.


Plus les mots sont directs, plus la chose est étalée sans pudeur, meilleures seront des saillies qui ne risquent pas de faire des petits. La stérilité du propos est confondante. Mais qu'importe, puisque dans ce domaine, l'essentiel est d'être compris par tout le monde. Il semble à ce titre qu'il y ait une culture universelle du grivois en goguette.


Le bouffon n'est pas à la fête d'autant que ses têtes de turcs, les puissants, les dirigeants, les décideurs sont des êtres asexués, dénués à la fois de cœur et de désir, d'humour et de tolérance. Si autrefois, le roi riait des remarques acerbes de Triboulet et consorts, désormais qui s'en prend aux têtes couronnées risque la sienne ou du moins, la censure sous de multiples habits.


La supposée légitimité acquise par le suffrage devrait, selon eux, les immuniser de toute remarque désobligeante lancée en public. Il serait paré d'un bouclier verbal, une forme de pare-feu du propos vachard, de la remarque piquante, de la réplique assassine. Leur statut devrait les mettre à l'abri de la répartie orale, celle qui dans l'instant, met les rieurs contre eux.


La controverse ne peut que venir de leurs opposants, tandis que de la plèbe, des manants, des gueux ne doit venir aucune attaque humoristique. Ce sont d'ailleurs les plus insupportables car ils ne cherchent pas à argumenter mais simplement à dépeindre une vérité qu'ils s'efforcent de gommer, de nier, de refuser d'admettre.


Leur mettre le nez dans la fiente n'est pas tolérable. Ils se préservent en faisant barrage pour que le bouffon soit repoussé des programmations, des scènes et des plateaux. Pire encore, ils s'arrogent le droit de jouer les guignols de service dès qu'un micro pointe le bout de son capteur, pensant ainsi faire montre de cet humour lissé qui les caractérise.


Pauvres pantins sans distance, misérables marionnettes sans oreille, dérisoires discoureurs sans talent oratoire, ils bâillonnent, ils repoussent, ils ignorent, ils maltraitent les rares voix qui usent de la caricature à leur encontre. Ils trouvent des complices dans ces organes de presse, qui pour ne pas les offusquer, tournent systématiquement le dos à ceux dont la parole n'est pas contrôlable.


J'en connais qui ont une peur bleue des horreurs que pourraient dire un agité du bocal, un âne bâté notoire en direct sur leur antenne. Le quatrième pouvoir se plaçant ainsi au service des trois autres, sans honte ni vergogne. Il est vrai que les banalités sont préférables aux vérités qui dérangent. Coupez, la liberté d'expression n'est pas vendeuse...


 

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