mardi 23 juillet 2024

Cycles Helyett

 

Cycles Helyett, une histoire ligérienne.




Alphonse Picard, un garagiste de Sully-sur-Loire, vendait des cycles Peugeot quand il lui prend l’envie de voler de ses propres ailes. L’homme aimait sortir du cadre et n’était pas de ceux qui restent les deux mains sur le guidon. Il construit sa première bicyclette vers 1900  l’
Arcatène  et se lance également dans l’organisation de courses régionales. C’est le plein essor du sport avec notamment beaucoup de canotage sur les bord de Loire.


En 1910, notre entrepreneur sullylois achète un bâtiment dans le faubourg Saint-Germain pour installer des ateliers mécaniques. Avec ses deux fils Gabriel et Raymond, il fabrique ses premiers modèles auxquels il convient de donner un nom. C’est parce que la femme de Raymond apprécie une opérette de Boucheron et Audran du nom de « Miss Helyett » que la firme prend ce nom ! "Helyett" devient ainsi la raison sociale de l’entreprise et une marque déposée en 1919. La Manufacture des Cycles Helyett-Picard frères est née.


Après la grande guerre, la bicyclette a le vent en poupe. Le succès commercial favorise le développement des ateliers d’Alphonse. Suivant le modèle d’Auguste Poulain, c’est par la publicité que la marque se fait connaître surtout en s’appuyant sur les succès des sportifs avec les vélos de course maison.


En 1933, Raymond Picard finance une équipe professionnelle avec les vedettes de l’époque. Nous pouvons citer René Vietto un grimpeur d’exception. Des succursales sont ouvertes à Caen en 1924, Tours en 1930 et Orléans en 1935. Les cycles Helyett sont vendus dans le monde entier. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, 12 000 vélos sortent des usines des bords de Loire chaque année.


Les Allemands, mauvais joueurs, les réquisitionnent. Après la guerre, le champion José Beyaert remporte la « médaille d'or Course en Ligne » aux Jeux olympiques de Londres en 1948 et en 1952. À Helsinki, le jeune Jacques Anquetil remporte une médaille de bronze sur un vélo Helyett. Il passera professionnel et sera fidèle à la marque de ses débuts.


Raymond Picard meurt en 1940, suivi par son épouse Gabrielle en 1945. Leurs fils reprennent la production qui atteint alors 1 200 vélos par mois. L’usine de Sully donne du travail à plus de 100 ouvriers. Malgré les succès de Darrigade et d’Anquetil sur le Tour de France sous le maillot Helyett, le succès massif des vélos à moteur et la démocratisation de l’automobile mettent à mal ce fleuron local. L’usine Helyett est contrainte de fermer en 1962.


L’usine a connu ses heures de gloire dans les années 1950 et 1960 en remportant notamment trois Tours de France avec Jacques Anquetil sous le fameux maillot vert flanqué du nom de la chicorée Leroux. Estimée des connaisseurs et de ceux qui ont vécu l'âge d'or des courses cyclistes, Helyett est longtemps restée méconnue du grand public après la disparition des Établissements Picard en 1962, malgré une notoriété auprès des spécialistes et un palmarès qui la place parmi les plus grands noms avec Alcyon, Bianchi, Gitane ou Peugeot.


Le nom est tombé dans l’oubli durant de longues années, seuls quelques sullylois et des nostalgiques de la petite reine se rappelaient ce nom. La marque renaît au début des années 2000, d'abord par l'édition en 2009 de maillots de cyclisme inspirés des fameux designs vert et blanc, puis avec la parution en juin 2017 de « Dans le progrès, toujours en tête », le livre hommage qui retrace son histoire. En 2017, un entrepreneur s’est lancé dans la construction de cadres de vélo de course fabriqués en France sous cette marque. 



Acatène, tout un art





« En vert » et contre tous, telle devait être la devise d'Alphonse Picard un virtuose de la mécanique. En 1900, il construit son premier vélo qu'il baptise « L'Arcatène ». À en croire la légende, c'est un vélo sans chaîne et c'est la première flèche qu'il va décocher d'où cet Arc qui vient créer le trouble chez les étymologistes.


Je constate que dès le départ, certains perdent les pédales. Il est donc nécessaire de pratiquer le rétropédalage pour s'arrêter un peu sur ce terme d'Acatène. Du latin « catena » qui signifie chaîne et flanqué du privatif « a », ce mot renvoie à l'absence de chaîne pour assurer la transmission du mouvement. Le cardan était alors sur les dents pour prendre le relais de la chaîne dans l'esprit des gens alors qu'il existe d'autres procédés pour assurer la transmission du mouvement : la courroie crantée, le galet, le pignon.


Remarquez qu'au cours de leur formidable histoire industrielle, les ateliers de l'usine que fonda Auguste Picard explorèrent tous les possibles, allant jusqu'à motoriser des bicyclettes qui quoique désormais des vieux clous, n'en sont pas moins les ancêtres du vélo à assistance électrique. C'est donc en bord de Loire que s'établit alors le laboratoire du vélo de demain.


Notre père Auguste et ses fils avaient des fourmis dans les jambes et une ambition qui ne se satisfaisait pas d'être seulement prophètes en leur pays. Il est vrai qu'à Sully-sur-Loire, nombreux étaient les usagers de leur production et je repense encore avec nostalgie au vélo et à la mobylette Helyett de mon père. C'est d'ailleurs juché sur ce fier destrier que je fis mes premiers pas d'instituteur.


Les ateliers produisent des engins roulants de toute nature, de toute forme, de toute transmission. Ils font feu de tout bois dans une effervescence incroyable. La petite reine a trouvé son palais. Mais si l’innovation est la clef de voûte de la boîte, le pragmatisme n'en demeure pas moins le souci économique. Helyett se lance dans la compétition avec un succès qui ne se démentira pas jusqu'en 1962.


Les vélos sullylois vont gagner sur tous les fronts avec des titres olympiques, des courses sur route et la plus grande de toutes : « Le tour de France ». C'est d'ailleurs sur un vélo Helyett que monsieur Jacques Anquetil remportera sa première grande boucle. Le vert bouteille était la couleur de ce maillot en laine au merveilleux charme « vintage » comme on le dit en « haut solognot ».


Ainsi survient le second mystère qui tracasse Bruno Herpin, l'initiateur, créateur et animateur du musée Helyett à l'emplacement même de l'usine d'autrefois. Cette couleur verte à laquelle n'ont jamais dérogé les frères Picard, d'où vient-elle ? Si des personnes peuvent lui apporter la clef de ce mystère, il en sera très heureux. Ne nous engageons pas dans des supputations aussi incertaines que oiseuses pour revenir à cette grande aventure.


En 1910, notre entrepreneur sullylois achète un bâtiment dans le faubourg Saint-Germain pour installer des ateliers mécaniques. Avec ses deux fils Gabriel et Raymond, il fabrique ses premiers modèles auxquels il convient de donner un nom. C’est parce que la femme de Raymond apprécie une opérette de Boucheron et Audran du nom de « Miss Helyett » que la firme prend ce nom ! "Helyett" devient ainsi la raison sociale de l’entreprise et une marque déposée en 1919. La Manufacture des Cycles Helyett-Picard frères est née.

Un musée est né pour assurer la transmission de ce patrimoine qui fit la fierté des sullylois. « L'Arcatène » ne veut pas s'arrêter en si bon chemin. Le vélo ayant le vent en poupe, notre entreprenant créateur entend faire de ce lieu un point de rencontre et de service au-delà de la visite de sa formidable collection. Une buvette, une terrasse, des locations de vélo, des services et bientôt peut-être la mise à contribution d'une Loire qui coule juste devant.


Des projets plein la tête, Bruno Herpin se consacre totalement à sa petite entreprise. Il envisage des animations et vous vous doutez bien que votre serviteur sera du nombre mais encore des créations qui pour l'heure doivent rester secrètes. Il ne reste plus qu'à convaincre les gens du coin de rejoindre tous les touristes de passage qui ont déjà donné vie à ce petit musée au grand cœur.


Comme un petit vélo me trotte dans la tête, le fils du sellier ne pouvait que venir jouer les facteurs pour porter l'ambition de Bruno Herpin au-delà du sullias. Vous n'avez pas fini de lire des histoires de vélos qui se déchaînent en mon beau pays d'en-France.


 


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