lundi 5 février 2024

Un travail sans faim.

Les moissons de pierres.





Le promeneur des régions de notre massif Central admire souvent le long des petites routes et des chemin creux, des murs de pierres qui marquent les parcelles des hommes patients et laborieux. Ces empilements de cailloux de toutes tailles sont le résultat des moissons de pierres, ce travail de gaulois qui scande les travaux des champs.


La terre nourricière se joue des lois de la gravité. Elle aime sans cesse à faire remonter à la surface d'un sous-sol ingrat ces minéraux qui caractérisent ces régions dures à l'homme qui veut la cultiver. Le caillou est la première récolte, la moisson la plus productive de l'année. La pierre se moque des conditions climatiques, elle pousse avec une remarquable constance, sécheresse ou année humide, froid ou grande chaleur ....


Alors, l'homme en appelle à sa famille. Il réunit sa tribu dans le rituel de la moisson de pierres. Il faut chaque année recommencer cette cueillette exténuante. La terre est basse, la pierre lourde, la terre est attachante, la pierre s'y love ne laissant affleurer qu'un saillant discret. La récolte est bonne, elle demande des efforts, elle exige temps et patience pour ce travail sans faim.


Certaines familles se font un point d'honneur à retirer la plus petite trace minérale. Elles viennent munies de fourches pour ne rien laisser sur le sol. Leur application peut paraître excessive d'autant que la pierre, si elle est obstacle cassant à l'outil tranchant, est aussi refuge de fraîcheur et d'humidité, protection utile aux petits animaux, aux vers et aux larves qui sont de précieux associés pour celui qui veut tirer un peu de sa pitance de cette terre hostile.



Le tracteur a remplacé la main d'œuvre d'antan. Il se fait fort de porter dans sa large pelle ce surplus de schiste et de quartz qui affleure cette année encore. Patiemment, le marcheur réapprend les petits pas pour remplir sa mission et mériter sa pitance. L'épreuve est rude, la terre encore humide des pluies de cette mi-juillet alourdit les jambes de celui qui a beaucoup marché. L'empilement se forme, la pelle se remplit, la place vient à manquer.


Il faut déverser cette récolte inutile, lui rendre une fonction digne. Le muret de jadis est bien trop compliqué pour l'homme moderne et pressé. Le fond de ce creux piétiné par les bêtes qui vont paître ailleurs est tout indiqué pour déverser ce surplus minéral, obstacle naturel à l'eau qui stagne. Le cheval mécanique prépare le passage des vaches, la « Limousine » n'est pas regardante et a le sabot solide.


Aux premiers passages, les dignes représentantes de la race bovine marchent néanmoins du bout des pieds. Elles préféraient sans doute la tourbe et la boue. L'éleveur compatissant ajoutera du tout venant pour rendre le passage plus agréable à la corne. Encore une saine occupation pour ce temps entre deux. La pluie recule les vrais moissons, rester à ne rien faire ne serait pas convenable en terre agricole.


On s'occupe comme on peut et quand des estivants viennent demander refuge et hospitalité, il est agréable de leur proposer quelques menus travaux, histoire de rompre la monotonie de la vie citadine tout en montrant que les travaux d'ici sont dignes de Cayenne. Je termine épuisé cette opération d'empierrement tout en gardant le silence. C'est la condition pour pouvoir goûter aux bonnes spécialités de ce pays de gastronomie.


Confit, farçous, flaune, recuite, sanquette de canard, tripoux, aligot, estofinade, échaudés, l'asté najacois, répountchous, fricandeaux, pascades et autres alicots me feront oublier ces travaux forcés. Bon appétit à tous et vive l'Aveyron, terre d'accueil et de traditions.

 





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