Bestiaire d'Orléans
Le Pygargue
époque gauloise
Le Sanglier
Culte celte – trésor de Neuvy
Le Cygne
Culte celte – Légende de Houlipe
Les guêpes
451 Saint Aignan
Le dragon
511 Mesmin et compagnie
Le cochon
1020 Robert le Pieux Foire Saint Aignan
Le Loup
1130 L'orme au Loup
puis à partir de 1548 Les amoureux de Péronville
Et ensuite la Bête de Gidy : 1653 -1680 – 1692 … jusqu'en 1806
Le chat
Manassès de Seignelay, évêque : entre 1207 et 1221
Les Chiens
1251 La croisade des pastoureaux
Les ânes
1338 La famine à Orléans
L'alose
1429 La pucelle
Le castor
1479 Le cadeau royal
L'alouette
1568 Le pâté de mauviettes
Le Bœuf
1639 Le porte-faix bossu
Marine de Loire
XVII et XVIII
La chèvre qui danse*
Le saumon
1994 Interdiction de sa pêche
Époque moderne
Les oies et tous les autres …
Bestiaire
Des animaux, tout au long de son histoire
L'accompagnèrent une période ou un moment
Ils demeuraient sur les rives de la Loire
Et écrivirent une page de son roman
Les uns, à tire-d'aile, certains venant des flots
Quelques autres, de la forêt des Carnutes
Qu'ils y fussent endogènes ou qu'ils vinssent sac au dos
Ils commémoraient Lug et certains Belzébuth
Beaucoup y apportèrent leur contribution
Influant le déroulement des événements
Son blason célébra la participation
D'une petit bête durant plus de mille ans
Après ce miracle un monstre sema la terreur
Crachant le feu sans le moindre discernement
Un moine cénobite attendait son heure
Afin de terrasser l'effroyable méchant
Satan se mit en tête de lui bâtir des ponts
Pour le paiement de cet insigne service
Il dut se contenter d'un bien maigre jeton
Une monnaie de singe pour tout maléfice
La rivière fit la gloire de ses pensionnaires
Les migrateurs y apportant l'abondance
Tout en nourrissant ce curieux imaginaire
D'un extraordinaire pays de bombance
Au fil du temps cependant, ils furent oubliés
Ce bestiaire se retrouva le bec dans l'eau
Seule la petite Lorraine resta honorée
Les Orléanais oublièrent leurs animaux
Un âne bâté se charge de ce lourd fardeau
Les réconcilier avec leur diversité
Tous ces héros hériteront d'un fabliau
Afin de célébrer leur rôle dans leur cité
Pygargue
Du plus profond des âges, vous me verrez surgir
Je suis le plus grand aigle de la région
Quoique ma renommée se vit soudain ternir
Par un rapace et sa médiatisation
Balbuzard a tiré la couverture à lui
Usant d'honteux procédés médiatiques
Pour installer des caméras devant son nid
En un comportement fort peu sympathique
Ainsi, sa tendre femelle sous les projecteurs
Couve ses œufs sans la moindre intimité
Tandis que son cher mari, ce grand pêcheur
Lui fait offrande de poissons à la becquée
Moi qui étais sur les pièces des Carnutes
Qui accompagnais les riches défunts sous terre
Je me contente désormais de discrètes cahutes
Bien trop loin des webcams de mon adversaire
Pourtant mon effigie trône sur le dollar
Pygargue à queue blanche en pleine gloire
Ne pensez pas que ceci est un canular
Je suis revenu m'installer en bord de Loire
Accordez-moi je vous prie la même importance
Tout autant que grande considération
Qu'à cet intrus, le Sénégal pour provenance
Venu ici s'installer sans invitation
Je vous paie mon billet que cette quémande
Restera lettre morte dans tous les esprits
Parce qu'on me met méchamment à l'amende
Pour ma collusion avec les États-Unis
À m'être ainsi compromis dans les eaux troubles
Du terrifiant Satan des Amériques
Ici, dans mon pays, un autre me double
Durant toutes mes traques halieutiques
Le charbonnier n'est pas le maître en sa maison
Pas plus qu'il ne sera prophète en son pays
Si la réputation se moque de la raison
La gloire n'est souvent que simple péripétie
Le goret et la laie
Un gentil goret fort aimable
Tomba sous le charme d'une laie
Cochon domestique de la fable
Décréta de lui écrire un lai
Il repoussa les vers libres
Refusant cette facilité
De la poésie, prend la fibre
Pour lui montrer son assiduité
La donzelle se dit que ce verrat
Rédige de fort plaisants pieds
Pour ce talent elle le chérira
Bien plus que son vieux sanglier
L'affaire tourna en eau de boudin
Quand le solitaire comprit la chose
Même pour ces quelques vilains quatrains
Sanglier goûte guère la prose
Femelle lui explique que la rime
Mérite une autre appellation
Le vieux mâle en pleine déprime
Demanda des explications
En s'inspirant de monsieur Jourdain
Chercha un maître de philosophie
Se trompa ce n'est pas très malin
Il rentra dans une charcuterie
Hélas, de la farce il fut l'andouille
Tandis que la laie et son goret
Tous deux firent une autre tambouille
Se payant sa tête et son pâté
De cet odieux tour de cochon
Comment en tirer une morale ?
Le cocu sous forme de saucisson
Leur causa surcharge pondérale
Cygne noir
Songe d'une nuit de brouillard.
Quand la Loire s'est parée de brouillard
Un manteau blanc recouvre la rivière
C’est le moment choisi par les sorcières
Qui donneront leur grand Sabbat ce soir
Les animaux n’iront pas à ce bal
Le mystère sera maître des lieux
Chacun devine que ce n’est plus Dieu
Qui préside aux destinées de ce val
Un cri déchirant vous glace le sang
Des remous à la surface de l’eau
Laissent entrevoir un curieux rafiot
Surgi des profondeurs en un instant
Voici la princesse Houlippe en personne
Elle dirige son bel attelage
Deux cygnes noirs dans la force de l’âge
Emportent dans les airs notre luronne
C’est le signal attendu dans la nue
De toutes parts surgissent des balais
Les dames blanches et leurs galants valets
Se souhaitent joyeuse bienvenue
On entend un orchestre aux mille cordes
Qui entame une folle farandole
Et la vallée se couvre de lucioles
Pour illuminer la sublime horde
Les danseurs dessous la voûte céleste
S’entremêlent en de furieux ébats
Tandis que Lucifer rit aux éclats
Réjoui de ce spectacle funeste
Cette nuit résonnera des murmures
Des âmes de tous les pauvres noyés
Qui une fois l’an sont ainsi choyés
En cette fête aux milliers de fêlures
Quand au matin le calme revenu
Le Soleil se lève sur notre Loire
Aucune trace de la folle foire
Ne révèle ce qui est advenu
Guêpes
En quittant notre essaim, un beau jour de juin
Nous vous sortîmes d'un détestable guêpier
Piquant de nos dards vengeurs ces monstrueux Huns
Les plus effroyables de tous les guerriers
Chaque grain de sable lancé par l'évêque
Devint par magie l'une de nos congénères
Pour arrêter l'assaut de ces maudits ouzbeks
Tous ces effroyables soldats sanguinaires
Votre cité libérée nous fûmes honorées
Longtemps les guêpes ornèrent votre blason
Tandis que Saint Aignan était commémoré
Durant fastueuse foire portant son nom
Quant une péronnelle à la taille fine
Vous délivra d'un prodige analogue
La gentille bergère, réaction indigne
Bouta notre Saint de votre catalogue
Nous venons ici exprimer notre dépit
Tout pour la Lorraine quand les guêpes sont oubliées
La mémoire est fort courte dans ce curieux pays
Qui finit par brûler ce qu'il a adoré
Pour notre salut, demeure ici des gens biens
Qui n'oublient jamais d'honorer ce miracle
Dussent-ils, à notre image, devenir guêpins
Afin de vous piquer en de cinglants oracles
Perçus alors comme d'odieux barbares
Ceux-là sont mis au ban de votre procession
Car dans le chenil de ces vertueux clébards
Seule Jehanne mérite la béatification
Le ventre jaune rayé de noir, nous reviendrons
Vous insuffler une piqûre de rappel
L'histoire ne se résume pas au seul bourdon
D'une cathédrale célébrant la Pucelle
Dragon
Très longtemps ici j'ai coulé des jours heureux
Vivant en paix au bord de vos rivières
Pour me distraire je faisais un petit feu
Méchoui ou barbecue sans manière
En dépit d'une mauvaise réputation
Je parvins à faire mon trou dans quelques grottes
De là, je surveillais toute la région
Une passion tout autant qu'une marotte
Lorsque surgissaient de vilains envahisseurs
Défendant ce qui était mon territoire
Je pointais vers eux un museau dévastateur
Les condamnant tous à mon crématoire
J'étais alors le maître absolu des lieux
Les gueux se courbaient devant mon oriflamme
Me considérant à l'égal de leurs dieux
Me couvraient d'offrandes pour sauver leurs âmes
Des évangélisateurs venus du levant
Moines cénobites ou bien pauvres ermites
Portant la parole par le fer et le sang
M'imposèrent leurs tristes figures chattemites
Attaquant celui qui pour eux faisait abcès
De par la seule magie de leur croyance
Me terrassèrent sans autre forme de procès
Malheureux dragon condamné à l'absence
Quand bien même je brille encore de mille feux
C'est pour amuser les touristes et les enfants
Une procession, un vitrail deviennent pour eux
La preuve que j'étais l'envoyé de Satan
Des rives de notre Loire en maints endroits
Jusqu'à la Dordogne, l'Èbre ou la Vistule
Le Dragon y régna à l'instar des rois
Avant de partir en fumée : ridicule...
Les récits font la gloire des héros sauroctones
Et le dragon est celui qu'il faut descendre
N'oublions jamais qu'il restera l'autochtone
Lorsque nous nous inclinons devant ses cendres
Cochon pieux
Robert me fit l'honneur d'une grande foire
Pour honorer un évêque et sa mitre
Curieusement m'échut alors la gloire
D'une gourmandise que l'église chapitre
Moi la pauvre bête fixée à un pieux
Je n'étais pas destinée à la renommée
Pourtant je m'échinais toujours de mon mieux
En mille et une façons, d'être consommé
Époque lointaine où je venais à pied
La cuisse altière, le jarret rebondi
Ne m'enveloppais pas de ce gras décrié
Que condamnent tous ceux qui manquent d'appétit
Ma réputation tourna en eau de boudin
Et beaucoup se payèrent ma vilaine tête
Osant me glisser du persil dans les groins
En passant pour l'andouille lors de vos fêtes
Jusqu'au jour où un quidam me fit délice
Me décorant d'un prénom pour faire offrande
Devenant cette gourmandise complice
Que place Saint Aignan, les enfants commandent
Pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris
Moi qui suis le délicieux petit cochon
De lait ou bien de pain d'épices, j'ai conquis
Le cœur et les palais des gourmands du canton
Devenu symbole d'une division cultuelle
Lorsqu'on me fait tourner chèvre à tout propos
Il me faut alors m'incliner devant icelle
Qu'un autre Cauchon mit sur les feux infernaux
J'ai espéré qu'un festival de musique
Me redonne la place qui était mienne
Quand bien des décideurs, souvent amnésiques
Me firent la peau tout autant que la couenne
Pris la tangente sur un chemin de travers
En espérant que d'autres m'honorent à nouveau
Car bien que la doxa me prétende pervers
Je suis le plus charmant de tous les animaux
La bête
Lorsque du plus profond de nos peurs, il surgit
L'époque est alors aux drames et aux malheurs
Les humains voient en lui l'unique ennemi
Contre lequel se prémunir avec ardeur
L'enfant isolé ou la gentille bergère
Sont les victimes de ses attaques sournoises
Semant dans le pays effroi et colère
Pour les gens du peuple courbés sous la toise
Ses attaques focalisent les inquiétudes
Tandis que les injustices se généralisent
Laissant aux ci-devants toute latitude
De maintenir une oppression qui divise
Parfois, pour dissimuler un odieux crime
Il héritera d'une responsabilité
Devenant lui aussi l’innocente victime
De cet assassin, monstre de duplicité
Le pauvre loup est l'accusé bien pratique
Une bête immonde rejetée de tous
Qui dissimulera l'acte d'un sadique
D'un vagabond, d'un détraqué ou bien d'un fou
Sa chasse comme dérivatif idéal
Unira un temps manants et louvetiers
Lors de la traque du terrible animal
Que décrivent les récits des échotiers
Le chasseur héritera de tous les honneurs
Recevant grande dotation de son roi
Aux paysans les souffrances et les pleurs
Dans une insolente monarchie aux abois
L'iniquité use désormais d'autres leurres
Pour assujettir le joug de sa tyrannie
Des hordes sauvages qui feront le bonheur
Des chaînes d'information, ses précieux amis
La bête d'Orléans ou celle du Gévaudan
Ne sont plus à la mode médiatique
Pour effacer les lacunes des gouvernants
Rien de mieux que émeutes erratiques
L'humain seul, capable de falsification
Inventera toujours d'adroits subterfuges
Des bêtes immondes ou d'affreuses contagions
Et des sauvages sortis de leurs refuges
Chat noir
Que l'on me prétendre pitre ou bien encore teigne
Même en faisant pour vous patte de velours
Ma déplorable destiné vous enseigne
Que Satan est toujours tapi alentour
Je vivais tranquillement sur une rive
Ne me rendant jamais sur celle d'en face
Un manque qui provoqua étrange dérive
Moi qui fus malheureux dindon de la farce
Quand un inconnu fit étrange promesse
À l'échevin de la charmante bourgade
En échange de curieuses largesses
Il vous épargnerait à tous la noyade
Jetant dessus la Loire un pont en pierre
Il exigea pour paiement de son ouvrage
Qu'on lui fasse offrande singulière
Rançon par l'intermédiaire d'un otage
Les habitants se refusèrent à cet échange
Le prix à consentir étant terrifiant
La victime renonçant à devenir ange
Pour vivre son éternité dans les tourments
Je fus désigné honteusement contre mon gré
On me jeta en premier sur la passerelle
Moi innocent chat noir n'ayant rien demandé
Je servis de monnaie pour l'odieux Azazel.
Le pacte se trouvait à mon insu respecté
Le méchant trompé agit en mauvais perdant
De colère il donna un terrible coup de pied
Qui déplaça une arche du pont dans l'instant
La moral de cette histoire d'un autre temps
Une fois encore, les humains firent bien peu de cas
Du sort d'un pauvre animal qui a ses dépens
Sortait les balgenciens d'un fort mauvais pas
Eus-je été tigré, blanc ou bien encore roux
J'eusse sans aucune doute échappé à l'enfer
Mais hélas faute rédhibitoire pour un matou
Mon pelage anthracite me donnait mauvais air
Les chiens !
Pour un pastoureau, c'est un fidèle compagnon
Un berger au service du gentil pâtre !
Il n'est point à redouter ses réactions
À moins que la bête soit acariâtre !
Lorsque l'imposante troupe des pieux croisés,
Au tout début de son vertueux périple,
Entra en prières dans la noble cité,
Elle croisa sur son chemin des condisciples
Estudiants toujours prompts à la moquerie
Jeunes gens à l'esprit en ébullition
Des allemands et des « gâs » de la Ligérie
Provoquant le trouble dans la procession
Des injures, des estocades en guise d'accueil
Laissèrent sur le pavé de pauvres quidams
Trente victimes pour autant de cercueils
Pour ceux-là même qui pensaient sauver leur âme
En ce 11 juin 1251
La rixe ne mit pas la ville en ébullition
La croisade poursuivit son pieux chemin
Pas de quoi noircir une réputation !
Hélas, un lointain chroniqueur parisien
Nicolas Pâris accentua l'incident
Trempant sa plume dans un terrible venin
Prétendit qu'en bord de Loire on montrait les dents
Que les Pastoureaux fussent reçus comme des chiens
Il n'en fallut pas plus pour ternir la cité.
Un sobriquet qui fait de vous des vauriens
Des individus qu'il ne faut pas fréquenter
Puis les catholiques enfoncèrent le clou
Quand les vilains parpaillots tenaient la place
Ne voulant pas tomber dans la gueule du loup
Usaient d'une coulevrine pour sauver la face
Le canon faisant bien plus de bruit que de mal
Aboyait à distance sans faire grands dégâts
De cette nouvelle métaphore animal
Les Chiens de l'endroit demeuraient des renégats
Quand ce qualificatif vous colle à la peau
Il convient de ne plus se montrer méprisant
Pour qui se dérobe aux rites épiscopaux
Lesquels font encore rage en Orléans
Âneries en Ligérie
Quand ces fidèles compagnons du meunier
Se proposent de donner leur part aux chiens
Il faudrait surtout ne pas être rancunier
Pour supporter les quolibets des vauriens
Que ceux qui souffrent ainsi de la famine
Osent se gausser de qui se portent à leur secours
Il y a de quoi leur faire mauvaise mine
Et ne plus leur accorder le moindre concours
Heureusement se montrèrent magnanimes
Firent offrande de ces précieux grains de blé
Qu'en dépit d'un détestable patronyme
Ils leur livraient en sincère fraternité
Beaucoup d'eau, depuis a coulé sous leurs deux ponts
La rancune n'a plus lieu de se manifester
Les ânes de Meung-sur-Loire ont fait le dos rond
Pour oublier l'insulte de la grande cité
L'histoire leur a donné d'autres grains à moudre
Pour mériter un si curieux sobriquet
Quand le satyre Silène voulut en découdre
Avec les chenapans qui tuèrent son mulet
Bacchus réparant la mort de la bourrique
En punissant les odieux blasphémateurs
Qui pour un jet d'urine sur la barrique
S'acharnèrent contre le malheureux pisseur
Plus tard, c'est le plus célèbre mousquetaire
Qui fit halte à la Taverne du Franc-meunier
Sa vieille monture n'eut pas l'heur de plaire
À des moqueurs la comparant à un baudet
D'Artagnan ne tira pas pour autant le fer
Préférant répondre par un complet mépris
À ce jugement tout à fait délétère
Digne de la plus grossière des âneries
Un bon prélat n'y voyant nulle malice
Confondit son goupillon et un braquemart
Pour honorer sa coquine cantatrice
Qui sous la saillie faisait grand tintamarre
Les ânes ne font pas que braire en ce pays
Ils y firent belles proses et jolis vers
François Villon, Gaston Couté et compagnie
En seront éternellement les trouvères
La pucelle.
Loin de prétendre boucher ce port ligérien
Elle a jadis sauvé la cité encerclée
Remontant le courant en dépit des vauriens
Ces maudits Anglois qui voulaient nous affamer
Suivant l'appel immuable de son espèce
Elle surgit du ponant comme par miracle
Quand dans le même instant, telle une déesse
Au Levant entra la bergère des oracles
La première couverte de fines écailles
Se lança à l'assaut d'un violent courant
La seconde protégée par sa côte de maille
Contre l'ennemi se porta en chevauchant
Toutes deux parées du sobriquet de pucelle
Firent triomphale entrée dans la grande Histoire
Le peuple reconnaissant offrit à l'une d'elle
Sacrifice de cette autre venue par la Loire
Le temps passa et longtemps la noble cité
Se souvint de cet épisode halieutique
L'évêque offrant en repas aux déshérites
Un plat d'alose en leur chantant des cantiques
Puis les bourgeois oublièrent la jumelle
Ce beau poisson aux trop nombreuses arêtes
Qui pour les humbles se confondait à icelle
Offrande sacrée au rang d'apophorète
Dans un honteux et ultime sacrilège
Baptisèrent Sardine une vilaine guinguette
Un blasphème tout autant qu'un sortilège
Pour de fort mauvais diables en goguette
L'estaminet frappé du sceau de l'infamie
Acheva l'aventure on devait s'en douter
Sombrant sous la colère d'une Loire en furie
Dont la légende avait été outragée
Notre alose, son honneur restitué
Empruntera derechef le fleuve royal
Pour honorer l'héroïne de la cité
Lors d'un humble et respectueux banquet frugal
Queue de poisson
Un animal rongeait son frein
De n'être pas considéré
À l'égal d'un gentil cousin
De tous les humains, admiré
Pourtant en tout point semblable
Pourquoi était-il repoussé ?
Élégant et fort aimable
Que pouvait-on lui reprocher ?
C'est alors que ce Ragondin
Pour singer le gentil Castor
Songea, ce n'est pas bien malin
À modifier son pauvre sort
Après moult observations
À bâbord tout comme à tribord
Arriva à cette conclusion
« Seule sa queue lui faisait tort »
Celle de l'autre, large et plate
Lui tenait lieu de gouvernail
La sienne : mais quelle ingrate
Lui donnait allure canaille
Accroître sa notoriété
Passait par l'élargissement
De cet appendice détesté
Pensa-t-il à bout d'arguments
Mettant à exécution
Sans plus attendre son idée
Offrit à la circulation
L'opération espérée
Une Aronde, sur la queue passa
Du Ragondin suicidaire.
Ce fut un maigre résultat
Une bouillie sanguinaire
Castor en témoin oculaire
Se gaussa de l'imitation
La farce du pauvre compère
Finissait en queue de poisson
À vouloir par trop imiter
Ceux que l'on pense supérieurs
On finit par le regretter
Tout en sacrifiant son honneur
L'alouette
Tout ce qui brille lui a fait beaucoup de tort
Se laissant attirer par un curieux reflet
Elle qui chantait de sa belle voix de stentor
Une mélodie à vous couper le sifflet
Quand le roi Charles IX alla compter fleurette
À sa belle Marie dans le pays des loges
Ne se doutait pas qu'une simple amourette
Du charmant petit oiseau ferait son éloge
Se perdant dans les bois, l’intrépide galant
Tomba nez à nez avec des parpaillots
Ceux là ne se montrèrent nullement méchants
Et lui firent offrande d'un merveilleux fricot
Un goûteux pâté entouré d'une croute
Délecta ce si délicat palais royal
Que le souverain en fit son casse-croute
Avant que de courir à sa bacchanale
Désirant retrouver ce précieux plaisir
Fit venir près de lui le gentil pâtissier
Afin de toujours pourvoir se réjouir
Des alouettes lorsqu'il les aurait plumées
Depuis le pauvre passereau est pourchassé
Attiré par les illusions de ce miroir
Pour, glissé dedans une pâte feuilletée,
Il se cassera le bec contre nos mâchoires
Quelle triste fin pour un merveilleux chanteur !
Simple farce qui le laissera sans voix
Plat indigeste que s'offrent des amateurs
Comme pour les ortolans d'un certain François
On affirme encore que de drôles d'oiseaux
Dispose d'un ramage digne de leur plumage
Que penser alors de tous ces godelureaux
Qui se contentent d'en faire tout un fromage ?
Sans hésiter, volons leur dans les plumes
Pour leur faire payer leur honteuse gourmandises
Par ma faribole ici, les allume
Moquant leur insatiable bêtise
Ne poussez-pas !
Ne poussez pas, ils marchent sur des œufs
Tirant lourde charge derrière eux
Ployant tous deux sous le terrible joug
En peinant dans une profonde boue
Ne cherchez pas à les avoir à l'œil
Bien loin des cormes de nos glaïeuls
Leurs cornes n'expriment nulle puissance
Puisque privés de toute jouissance
Pauvres bêtes de bâts et de tracas
Lorsqu'elles cheminent d'un pesant pas
Se font soudainement du mauvais sang
Pour que le pain de sucre soit bien blanc
En troupeau, ils se rendent à leur trépas
Suivant alors de curieuses voies
Deux trajets qui mènent à la Capitale
Pour une peine qui leur sera fatale
Traversent la Loire en nos villages
Au terme de leur ultime voyage
Ceux du limousin passeront à Meung
Ceux d'Auvergne par Sully feront chemin
Le pont de Jeanne recevra leurs sabots
Alors qu'ici ce sera en bateau
Lorsqu'en 1769
Cinquante jeunes gens remplacèrent les bœufs
Leur embarcation dans l'eau chavira
Pas un seul, hélas n'en réchappera
Déjà en 1551
Pareil drame endeuilla les riverains
Cette route aujourd'hui est oubliée
Sa mémoire perdure dans notre vallée
Quelques croix se dressent dans la plaine
Rappelant cette histoire lointaine
En Orléans au lieu d'un Carnaval
Un bœuf gras servait de bacchanale
Souvenir d'une fatale bamboche
Et ses déplorables anicroches
Nous étions en 1639
Les étudiants faisaient grande teuf
La fête devint émeute navrante
Le sang coula jusque dans les sentes
©La chèvre qui danse.
Dans le port de Recouvrance
Un bel animal très gourmand
Venait voler sa pitance
Quand accostaient les grands chalands
Bateaux chargés de céréales
De l’orge, de l’avoine ou du blé
La chevrette qui s’en régale
Sautait par dessus le pierré
Elle s’en remplissait le ventre
Les mariniers s’en amusaient
Puis retournait dans son antre
Une bergère l’y attendait
C’est à la saison des pommes
Que la chèvre vraie follette
Dévorait il faut voir comme
À s’en remplir la caillette
Un chalandier compatissant
Pour lui permettre de digérer
Remplit un seau de vin blanc
Qu’elle avala d’une seule lampée
S’en retournant en sa maison
Trottinant de hue et de dia
D’avoir bu sans modération
Le tendre caprin culbuta
Sur le port de Recouvrance
Ivre de tant de vin de Loire
Pour cette chèvre qui danse
Une rue célèbre sa gloire
Saumon.
Pour les anciens, il symbolisait le savoir
Puisque l'un des siens mangea les neufs glands sacrés
Puis de la Boyne il passa dans la Loire
Rivière qu'il se plaisait à remonter
Le manger conférait alors la sagesse
À qui, durant sept longues années, le traqua
Noble poisson faisant preuve de largesses
Figurait alors à nombre de nos repas
Abondait par milliers dans la rivière
Au point qu'il fallut limiter son service
Pas plus de trois dégustations hebdomadaires
Pour ne pas se lasser de son sacrifice
Le beau migrateur aperçut de la rive
Les pêcheurs tendaient un filet de barrage
Puis l'époque connut terrible dérive
Dans ses rangs les progrès firent des ravages
Quand il fallut renoncer à le prélever
Nul ne décrypta le terrible message
Notre Planète était déjà en danger
Par la faute d'humains bien loin d'être sages
Celui que nos lointains ancêtres adulaient
Accompagne toujours les repas de fête
Pauvre prisonnier d'élevages si laids
Que sa chair semble totalement contrefaite
On le fume pour dissimuler sa saveur
Insipide goût d'un met de pacotille
Loin de ces saumons qui avec fureur
Affrontaient les carrelets de nos flottilles
De rares spécimens remontent notre Loire
Avant de bifurquer au bec d'Allier
Derniers survivants qui nous laissent accroire
Qu'il faut malgré nous, ne pas cesser d'espérer
Sur leur trajet se présentent tant d'obstacles
Prédateurs, centrales, barrages et abjection
Que pour les derniers, véritable débâcle
L'aventure tourne à la désolation
Les nouvelles migrations concernent les humains
Franchissant eux aussi les mers et océans
Avant de sombrer dans les terribles filets
D'un système effroyablement messéant
Sur le quai …
Sur le quai d'Orléans
P'tit matin gueule de bois
Les poubelles séant
Dégueulent ce qui se boit
La brume dissimule
Des monceaux d'immondices
Quand la nuit accumule
Des fêtards, leurs indices
Des bateaux dorment encore
Le clapot palpite
Sur des coques pléthores
De trop de visites
Immobiles à jamais
Prisonniers d'la bassine
Ces marins qu'ils aimaient
Leur font grise mine
Les oies sont les reines
Gavées de trop de pain
Par des badauds, déveine
Qui désirent leur bien
Les hérons font leur nid
À abri de la houle
Protégés par un duit
Loin de cette foule
Des corneilles à l'affut
Espèrent un faux pas
La négligence qui tue
L'oisillon laissé là.
Noctambules, les castors
Fuyant le brouhaha
Cherchent un autre port
Fort loin de cestuy-là
Une flopée d'balayeurs
Ballet matutinal
Effacent les horreurs
Qui souillent notre Val
Les poissons font des ronds
De fumée dans leur eau
Brochet, carpe ou gardon
Héritent des mégots
Le sable prend le pouvoir
La pluie vient à manquer
La rivière dépotoir
Déplore son passé
Restera un point d'orgue
Vitrine illusoire
Exemple de la morgue
Au festival de Loire
La foire des détritus
Aux relents nauséeux
Cadeau des malotrus
Au fleuve malheureux
La fête reprendra
Le tourisme a ses droits
La Loire s'effacera
La bamboche fait sa loi
Qu'importe le décor
Simple toile de fond
Qui ne fera pas tord
À qui touche le fond
Le vacarme est de mise
En ce monde mercantile
L'animation promise
Au public versatile
Le calvaire riverain
Sans espoir de dormir
La honte c'est certain
D'un laxisme à honnir
Quand Jehanne, loin du bûcher
Pour un bain de siège
Pucelle effarouchée
Traversera à pied
Constat déplorable
Pour qui veut bien le voir
Abandon coupable
De notre chère Loire
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