jeudi 6 avril 2023

Bestiaire Bête et Méchant de notre Val d'Orléans

 

Bestiaire d'Orléans




Le Pygargue

époque gauloise


Le Sanglier

Culte celte – trésor de Neuvy


Le Cygne

Culte celte – Légende de Houlipe


Les guêpes

451 Saint Aignan


Le dragon

511 Mesmin et compagnie


Le cochon

1020 Robert le Pieux Foire Saint Aignan


Le Loup

1130 L'orme au Loup

puis à partir de 1548 Les amoureux de Péronville

Et ensuite la Bête de Gidy : 1653 -1680 – 1692 … jusqu'en 1806


Le chat

Manassès de Seignelay, évêque : entre 1207 et 1221


Les Chiens

1251 La croisade des pastoureaux


Les ânes

1338 La famine à Orléans


L'alose

1429 La pucelle


Le castor

1479 Le cadeau royal


L'alouette

1568 Le pâté de mauviettes


Le Bœuf

1639 Le porte-faix bossu


Marine de Loire

XVII et XVIII


La chèvre qui danse*


Le saumon

1994 Interdiction de sa pêche


Époque moderne

Les oies et tous les autres …

 


 

Bestiaire



Des animaux, tout au long de son histoire

L'accompagnèrent une période ou un moment

Ils demeuraient sur les rives de la Loire

Et écrivirent une page de son roman


Les uns, à tire-d'aile, certains venant des flots

Quelques autres, de la forêt des Carnutes

Qu'ils y fussent endogènes ou qu'ils vinssent sac au dos

Ils commémoraient Lug et certains Belzébuth


Beaucoup y apportèrent leur contribution

Influant le déroulement des événements

Son blason célébra la participation

D'une petit bête durant plus de mille ans


Après ce miracle un monstre sema la terreur

Crachant le feu sans le moindre discernement

Un moine cénobite attendait son heure

Afin de terrasser l'effroyable méchant


Satan se mit en tête de lui bâtir des ponts

Pour le paiement de cet insigne service

Il dut se contenter d'un bien maigre jeton

Une monnaie de singe pour tout maléfice


La rivière fit la gloire de ses pensionnaires

Les migrateurs y apportant l'abondance

Tout en nourrissant ce curieux imaginaire

D'un extraordinaire pays de bombance


Au fil du temps cependant, ils furent oubliés

Ce bestiaire se retrouva le bec dans l'eau

Seule la petite Lorraine resta honorée

Les Orléanais oublièrent leurs animaux


Un âne bâté se charge de ce lourd fardeau

Les réconcilier avec leur diversité

Tous ces héros hériteront d'un fabliau

Afin de célébrer leur rôle dans leur cité





Pygargue




Du plus profond des âges, vous me verrez surgir

Je suis le plus grand aigle de la région

Quoique ma renommée se vit soudain ternir

Par un rapace et sa médiatisation


Balbuzard a tiré la couverture à lui

Usant d'honteux procédés médiatiques

Pour installer des caméras devant son nid

En un comportement fort peu sympathique


Ainsi, sa tendre femelle sous les projecteurs

Couve ses œufs sans la moindre intimité

Tandis que son cher mari, ce grand pêcheur

Lui fait offrande de poissons à la becquée


Moi qui étais sur les pièces des Carnutes

Qui accompagnais les riches défunts sous terre

Je me contente désormais de discrètes cahutes

Bien trop loin des webcams de mon adversaire


Pourtant mon effigie trône sur le dollar

Pygargue à queue blanche en pleine gloire

Ne pensez pas que ceci est un canular

Je suis revenu m'installer en bord de Loire


Accordez-moi je vous prie la même importance

Tout autant que grande considération

Qu'à cet intrus, le Sénégal pour provenance

Venu ici s'installer sans invitation


Je vous paie mon billet que cette quémande

Restera lettre morte dans tous les esprits

Parce qu'on me met méchamment à l'amende

Pour ma collusion avec les États-Unis


À m'être ainsi compromis dans les eaux troubles

Du terrifiant Satan des Amériques

Ici, dans mon pays, un autre me double

Durant toutes mes traques halieutiques


Le charbonnier n'est pas le maître en sa maison

Pas plus qu'il ne sera prophète en son pays

Si la réputation se moque de la raison

La gloire n'est souvent que simple péripétie


Le goret et la laie




Un gentil goret fort aimable

Tomba sous le charme d'une laie

Cochon domestique de la fable

Décréta de lui écrire un lai


Il repoussa les vers libres

Refusant cette facilité

De la poésie, prend la fibre

Pour lui montrer son assiduité


La donzelle se dit que ce verrat

Rédige de fort plaisants pieds

Pour ce talent elle le chérira

Bien plus que son vieux sanglier


L'affaire tourna en eau de boudin

Quand le solitaire comprit la chose

Même pour ces quelques vilains quatrains

Sanglier goûte guère la prose


Femelle lui explique que la rime

Mérite une autre appellation

Le vieux mâle en pleine déprime

Demanda des explications


En s'inspirant de monsieur Jourdain

Chercha un maître de philosophie

Se trompa ce n'est pas très malin

Il rentra dans une charcuterie


Hélas, de la farce il fut l'andouille

Tandis que la laie et son goret

Tous deux firent une autre tambouille

Se payant sa tête et son pâté


De cet odieux tour de cochon

Comment en tirer une morale ?

Le cocu sous forme de saucisson

Leur causa surcharge pondérale




Cygne noir

Songe d'une nuit de brouillard.




Quand la Loire s'est parée de brouillard

Un manteau blanc recouvre la rivière

C’est le moment choisi par les sorcières

Qui donneront leur grand Sabbat ce soir


Les animaux n’iront pas à ce bal

Le mystère sera maître des lieux

Chacun devine que ce n’est plus Dieu

Qui préside aux destinées de ce val


Un cri déchirant vous glace le sang

Des remous à la surface de l’eau

Laissent entrevoir un curieux rafiot

Surgi des profondeurs en un instant


Voici la princesse Houlippe en personne

Elle dirige son bel attelage

Deux cygnes noirs dans la force de l’âge

Emportent dans les airs notre luronne


C’est le signal attendu dans la nue

De toutes parts surgissent des balais

Les dames blanches et leurs galants valets

Se souhaitent joyeuse bienvenue


On entend un orchestre aux mille cordes

Qui entame une folle farandole

Et la vallée se couvre de lucioles

Pour illuminer la sublime horde


Les danseurs dessous la voûte céleste

S’entremêlent en de furieux ébats

Tandis que Lucifer rit aux éclats

Réjoui de ce spectacle funeste


Cette nuit résonnera des murmures

Des âmes de tous les pauvres noyés

Qui une fois l’an sont ainsi choyés

En cette fête aux milliers de fêlures


Quand au matin le calme revenu

Le Soleil se lève sur notre Loire

Aucune trace de la folle foire

Ne révèle ce qui est advenu

 

 

Guêpes


 

En quittant notre essaim, un beau jour de juin

Nous vous sortîmes d'un détestable guêpier

Piquant de nos dards vengeurs ces monstrueux Huns

Les plus effroyables de tous les guerriers


Chaque grain de sable lancé par l'évêque

Devint par magie l'une de nos congénères

Pour arrêter l'assaut de ces maudits ouzbeks

Tous ces effroyables soldats sanguinaires


Votre cité libérée nous fûmes honorées

Longtemps les guêpes ornèrent votre blason

Tandis que Saint Aignan était commémoré

Durant fastueuse foire portant son nom


Quant une péronnelle à la taille fine

Vous délivra d'un prodige analogue

La gentille bergère, réaction indigne

Bouta notre Saint de votre catalogue


Nous venons ici exprimer notre dépit

Tout pour la Lorraine quand les guêpes sont oubliées

La mémoire est fort courte dans ce curieux pays

Qui finit par brûler ce qu'il a adoré


Pour notre salut, demeure ici des gens biens

Qui n'oublient jamais d'honorer ce miracle

Dussent-ils, à notre image, devenir guêpins

Afin de vous piquer en de cinglants oracles


Perçus alors comme d'odieux barbares

Ceux-là sont mis au ban de votre procession

Car dans le chenil de ces vertueux clébards

Seule Jehanne mérite la béatification


Le ventre jaune rayé de noir, nous reviendrons

Vous insuffler une piqûre de rappel

L'histoire ne se résume pas au seul bourdon

D'une cathédrale célébrant la Pucelle





Dragon

 



Très longtemps ici j'ai coulé des jours heureux

Vivant en paix au bord de vos rivières

Pour me distraire je faisais un petit feu

Méchoui ou barbecue sans manière


En dépit d'une mauvaise réputation

Je parvins à faire mon trou dans quelques grottes

De là, je surveillais toute la région

Une passion tout autant qu'une marotte


Lorsque surgissaient de vilains envahisseurs

Défendant ce qui était mon territoire

Je pointais vers eux un museau dévastateur

Les condamnant tous à mon crématoire


J'étais alors le maître absolu des lieux

Les gueux se courbaient devant mon oriflamme

Me considérant à l'égal de leurs dieux

Me couvraient d'offrandes pour sauver leurs âmes


Des évangélisateurs venus du levant

Moines cénobites ou bien pauvres ermites

Portant la parole par le fer et le sang

M'imposèrent leurs tristes figures chattemites


Attaquant celui qui pour eux faisait abcès

De par la seule magie de leur croyance

Me terrassèrent sans autre forme de procès

Malheureux dragon condamné à l'absence


Quand bien même je brille encore de mille feux

C'est pour amuser les touristes et les enfants

Une procession, un vitrail deviennent pour eux

La preuve que j'étais l'envoyé de Satan


Des rives de notre Loire en maints endroits

Jusqu'à la Dordogne, l'Èbre ou la Vistule

Le Dragon y régna à l'instar des rois

Avant de partir en fumée : ridicule...


Les récits font la gloire des héros sauroctones

Et le dragon est celui qu'il faut descendre

N'oublions jamais qu'il restera l'autochtone

Lorsque nous nous inclinons devant ses cendres



Cochon pieux




Robert me fit l'honneur d'une grande foire

Pour honorer un évêque et sa mitre

Curieusement m'échut alors la gloire

D'une gourmandise que l'église chapitre


Moi la pauvre bête fixée à un pieux

Je n'étais pas destinée à la renommée

Pourtant je m'échinais toujours de mon mieux

En mille et une façons, d'être consommé


Époque lointaine où je venais à pied

La cuisse altière, le jarret rebondi

Ne m'enveloppais pas de ce gras décrié

Que condamnent tous ceux qui manquent d'appétit


Ma réputation tourna en eau de boudin

Et beaucoup se payèrent ma vilaine tête

Osant me glisser du persil dans les groins

En passant pour l'andouille lors de vos fêtes


Jusqu'au jour où un quidam me fit délice

Me décorant d'un prénom pour faire offrande

Devenant cette gourmandise complice

Que place Saint Aignan, les enfants commandent


Pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris

Moi qui suis le délicieux petit cochon

De lait ou bien de pain d'épices, j'ai conquis

Le cœur et les palais des gourmands du canton


Devenu symbole d'une division cultuelle

Lorsqu'on me fait tourner chèvre à tout propos

Il me faut alors m'incliner devant icelle

Qu'un autre Cauchon mit sur les feux infernaux


J'ai espéré qu'un festival de musique

Me redonne la place qui était mienne

Quand bien des décideurs, souvent amnésiques

Me firent la peau tout autant que la couenne


Pris la tangente sur un chemin de travers

En espérant que d'autres m'honorent à nouveau

Car bien que la doxa me prétende pervers

Je suis le plus charmant de tous les animaux



La bête

 




Lorsque du plus profond de nos peurs, il surgit

L'époque est alors aux drames et aux malheurs

Les humains voient en lui l'unique ennemi

Contre lequel se prémunir avec ardeur


L'enfant isolé ou la gentille bergère

Sont les victimes de ses attaques sournoises

Semant dans le pays effroi et colère

Pour les gens du peuple courbés sous la toise


Ses attaques focalisent les inquiétudes

Tandis que les injustices se généralisent

Laissant aux ci-devants toute latitude

De maintenir une oppression qui divise


Parfois, pour dissimuler un odieux crime

Il héritera d'une responsabilité

Devenant lui aussi l’innocente victime

De cet assassin, monstre de duplicité


Le pauvre loup est l'accusé bien pratique

Une bête immonde rejetée de tous

Qui dissimulera l'acte d'un sadique

D'un vagabond, d'un détraqué ou bien d'un fou


Sa chasse comme dérivatif idéal

Unira un temps manants et louvetiers

Lors de la traque du terrible animal

Que décrivent les récits des échotiers


Le chasseur héritera de tous les honneurs

Recevant grande dotation de son roi

Aux paysans les souffrances et les pleurs

Dans une insolente monarchie aux abois


L'iniquité use désormais d'autres leurres

Pour assujettir le joug de sa tyrannie

Des hordes sauvages qui feront le bonheur

Des chaînes d'information, ses précieux amis


La bête d'Orléans ou celle du Gévaudan

Ne sont plus à la mode médiatique

Pour effacer les lacunes des gouvernants

Rien de mieux que émeutes erratiques


L'humain seul, capable de falsification

Inventera toujours d'adroits subterfuges

Des bêtes immondes ou d'affreuses contagions

Et des sauvages sortis de leurs refuges

 

Chat noir

 




Que l'on me prétendre pitre ou bien encore teigne

Même en faisant pour vous patte de velours

Ma déplorable destiné vous enseigne

Que Satan est toujours tapi alentour


Je vivais tranquillement sur une rive

Ne me rendant jamais sur celle d'en face

Un manque qui provoqua étrange dérive

Moi qui fus malheureux dindon de la farce


Quand un inconnu fit étrange promesse

À l'échevin de la charmante bourgade

En échange de curieuses largesses

Il vous épargnerait à tous la noyade


Jetant dessus la Loire un pont en pierre

Il exigea pour paiement de son ouvrage

Qu'on lui fasse offrande singulière

Rançon par l'intermédiaire d'un otage


Les habitants se refusèrent à cet échange

Le prix à consentir étant terrifiant

La victime renonçant à devenir ange

Pour vivre son éternité dans les tourments


Je fus désigné honteusement contre mon gré

On me jeta en premier sur la passerelle

Moi innocent chat noir n'ayant rien demandé

Je servis de monnaie pour l'odieux Azazel.


Le pacte se trouvait à mon insu respecté

Le méchant trompé agit en mauvais perdant

De colère il donna un terrible coup de pied

Qui déplaça une arche du pont dans l'instant


La moral de cette histoire d'un autre temps

Une fois encore, les humains firent bien peu de cas

Du sort d'un pauvre animal qui a ses dépens

Sortait les balgenciens d'un fort mauvais pas


Eus-je été tigré, blanc ou bien encore roux

J'eusse sans aucune doute échappé à l'enfer

Mais hélas faute rédhibitoire pour un matou

Mon pelage anthracite me donnait mauvais air





Les chiens !




Pour un pastoureau, c'est un fidèle compagnon

Un berger au service du gentil pâtre !

Il n'est point à redouter ses réactions

À moins que la bête soit acariâtre !


Lorsque l'imposante troupe des pieux croisés,

Au tout début de son vertueux périple,

Entra en prières dans la noble cité,

Elle croisa sur son chemin des condisciples


Estudiants toujours prompts à la moquerie

Jeunes gens à l'esprit en ébullition

Des allemands et des « gâs » de la Ligérie

Provoquant le trouble dans la procession


Des injures, des estocades en guise d'accueil

Laissèrent sur le pavé de pauvres quidams

Trente victimes pour autant de cercueils

Pour ceux-là même qui pensaient sauver leur âme


En ce 11 juin 1251

La rixe ne mit pas la ville en ébullition

La croisade poursuivit son pieux chemin

Pas de quoi noircir une réputation !


Hélas, un lointain chroniqueur parisien

Nicolas Pâris accentua l'incident

Trempant sa plume dans un terrible venin

Prétendit qu'en bord de Loire on montrait les dents


Que les Pastoureaux fussent reçus comme des chiens

Il n'en fallut pas plus pour ternir la cité.

Un sobriquet qui fait de vous des vauriens

Des individus qu'il ne faut pas fréquenter


Puis les catholiques enfoncèrent le clou

Quand les vilains parpaillots tenaient la place

Ne voulant pas tomber dans la gueule du loup

Usaient d'une coulevrine pour sauver la face


Le canon faisant bien plus de bruit que de mal

Aboyait à distance sans faire grands dégâts

De cette nouvelle métaphore animal

Les Chiens de l'endroit demeuraient des renégats


Quand ce qualificatif vous colle à la peau

Il convient de ne plus se montrer méprisant

Pour qui se dérobe aux rites épiscopaux

Lesquels font encore rage en Orléans




Âneries en Ligérie




Quand ces fidèles compagnons du meunier

Se proposent de donner leur part aux chiens

Il faudrait surtout ne pas être rancunier

Pour supporter les quolibets des vauriens


Que ceux qui souffrent ainsi de la famine

Osent se gausser de qui se portent à leur secours

Il y a de quoi leur faire mauvaise mine

Et ne plus leur accorder le moindre concours


Heureusement se montrèrent magnanimes

Firent offrande de ces précieux grains de blé

Qu'en dépit d'un détestable patronyme

Ils leur livraient en sincère fraternité


Beaucoup d'eau, depuis a coulé sous leurs deux ponts

La rancune n'a plus lieu de se manifester

Les ânes de Meung-sur-Loire ont fait le dos rond

Pour oublier l'insulte de la grande cité


L'histoire leur a donné d'autres grains à moudre

Pour mériter un si curieux sobriquet

Quand le satyre Silène voulut en découdre

Avec les chenapans qui tuèrent son mulet


Bacchus réparant la mort de la bourrique

En punissant les odieux blasphémateurs

Qui pour un jet d'urine sur la barrique

S'acharnèrent contre le malheureux pisseur


Plus tard, c'est le plus célèbre mousquetaire

Qui fit halte à la Taverne du Franc-meunier

Sa vieille monture n'eut pas l'heur de plaire

À des moqueurs la comparant à un baudet


D'Artagnan ne tira pas pour autant le fer

Préférant répondre par un complet mépris

À ce jugement tout à fait délétère

Digne de la plus grossière des âneries


Un bon prélat n'y voyant nulle malice

Confondit son goupillon et un braquemart

Pour honorer sa coquine cantatrice

Qui sous la saillie faisait grand tintamarre


Les ânes ne font pas que braire en ce pays

Ils y firent belles proses et jolis vers

François Villon, Gaston Couté et compagnie

En seront éternellement les trouvères





La pucelle.




Loin de prétendre boucher ce port ligérien

Elle a jadis sauvé la cité encerclée

Remontant le courant en dépit des vauriens

Ces maudits Anglois qui voulaient nous affamer


Suivant l'appel immuable de son espèce

Elle surgit du ponant comme par miracle

Quand dans le même instant, telle une déesse

Au Levant entra la bergère des oracles


La première couverte de fines écailles

Se lança à l'assaut d'un violent courant

La seconde protégée par sa côte de maille

Contre l'ennemi se porta en chevauchant


Toutes deux parées du sobriquet de pucelle

Firent triomphale entrée dans la grande Histoire

Le peuple reconnaissant offrit à l'une d'elle

Sacrifice de cette autre venue par la Loire


Le temps passa et longtemps la noble cité

Se souvint de cet épisode halieutique

L'évêque offrant en repas aux déshérites

Un plat d'alose en leur chantant des cantiques


Puis les bourgeois oublièrent la jumelle

Ce beau poisson aux trop nombreuses arêtes

Qui pour les humbles se confondait à icelle

Offrande sacrée au rang d'apophorète


Dans un honteux et ultime sacrilège

Baptisèrent Sardine une vilaine guinguette

Un blasphème tout autant qu'un sortilège

Pour de fort mauvais diables en goguette


L'estaminet frappé du sceau de l'infamie

Acheva l'aventure on devait s'en douter

Sombrant sous la colère d'une Loire en furie

Dont la légende avait été outragée


Notre alose, son honneur restitué

Empruntera derechef le fleuve royal

Pour honorer l'héroïne de la cité

Lors d'un humble et respectueux banquet frugal


Queue de poisson

 




Un animal rongeait son frein

De n'être pas considéré

À l'égal d'un gentil cousin

De tous les humains, admiré


Pourtant en tout point semblable

Pourquoi était-il repoussé ?

Élégant et fort aimable

Que pouvait-on lui reprocher ?


C'est alors que ce Ragondin

Pour singer le gentil Castor

Songea, ce n'est pas bien malin

À modifier son pauvre sort


Après moult observations

À bâbord tout comme à tribord

Arriva à cette conclusion

« Seule sa queue lui faisait tort »


Celle de l'autre, large et plate

Lui tenait lieu de gouvernail

La sienne : mais quelle ingrate

Lui donnait allure canaille


Accroître sa notoriété

Passait par l'élargissement

De cet appendice détesté

Pensa-t-il à bout d'arguments


Mettant à exécution

Sans plus attendre son idée

Offrit à la circulation

L'opération espérée


Une Aronde, sur la queue passa

Du Ragondin suicidaire.

Ce fut un maigre résultat

Une bouillie sanguinaire


Castor en témoin oculaire

Se gaussa de l'imitation

La farce du pauvre compère

Finissait en queue de poisson


À vouloir par trop imiter

Ceux que l'on pense supérieurs

On finit par le regretter

Tout en sacrifiant son honneur


L'alouette

 




Tout ce qui brille lui a fait beaucoup de tort

Se laissant attirer par un curieux reflet

Elle qui chantait de sa belle voix de stentor

Une mélodie à vous couper le sifflet


Quand le roi Charles IX alla compter fleurette

À sa belle Marie dans le pays des loges

Ne se doutait pas qu'une simple amourette

Du charmant petit oiseau ferait son éloge


Se perdant dans les bois, l’intrépide galant

Tomba nez à nez avec des parpaillots

Ceux là ne se montrèrent nullement méchants

Et lui firent offrande d'un merveilleux fricot


Un goûteux pâté entouré d'une croute

Délecta ce si délicat palais royal

Que le souverain en fit son casse-croute

Avant que de courir à sa bacchanale


Désirant retrouver ce précieux plaisir

Fit venir près de lui le gentil pâtissier

Afin de toujours pourvoir se réjouir

Des alouettes lorsqu'il les aurait plumées


Depuis le pauvre passereau est pourchassé

Attiré par les illusions de ce miroir

Pour, glissé dedans une pâte feuilletée,

Il se cassera le bec contre nos mâchoires


Quelle triste fin pour un merveilleux chanteur !

Simple farce qui le laissera sans voix

Plat indigeste que s'offrent des amateurs

Comme pour les ortolans d'un certain François


On affirme encore que de drôles d'oiseaux

Dispose d'un ramage digne de leur plumage

Que penser alors de tous ces godelureaux

Qui se contentent d'en faire tout un fromage ?


Sans hésiter, volons leur dans les plumes

Pour leur faire payer leur honteuse gourmandises

Par ma faribole ici, les allume

Moquant leur insatiable bêtise




Ne poussez-pas !




Ne poussez pas, ils marchent sur des œufs

Tirant lourde charge derrière eux

Ployant tous deux sous le terrible joug

En peinant dans une profonde boue


Ne cherchez pas à les avoir à l'œil

Bien loin des cormes de nos glaïeuls

Leurs cornes n'expriment nulle puissance

Puisque privés de toute jouissance


Pauvres bêtes de bâts et de tracas

Lorsqu'elles cheminent d'un pesant pas

Se font soudainement du mauvais sang

Pour que le pain de sucre soit bien blanc


En troupeau, ils se rendent à leur trépas

Suivant alors de curieuses voies

Deux trajets qui mènent à la Capitale

Pour une peine qui leur sera fatale


Traversent la Loire en nos villages

Au terme de leur ultime voyage

Ceux du limousin passeront à Meung

Ceux d'Auvergne par Sully feront chemin


Le pont de Jeanne recevra leurs sabots

Alors qu'ici ce sera en bateau

Lorsqu'en 1769

Cinquante jeunes gens remplacèrent les bœufs


Leur embarcation dans l'eau chavira

Pas un seul, hélas n'en réchappera

Déjà en 1551

Pareil drame endeuilla les riverains


Cette route aujourd'hui est oubliée

Sa mémoire perdure dans notre vallée

Quelques croix se dressent dans la plaine

Rappelant cette histoire lointaine


En Orléans au lieu d'un Carnaval

Un bœuf gras servait de bacchanale

Souvenir d'une fatale bamboche

Et ses déplorables anicroches


Nous étions en 1639

Les étudiants faisaient grande teuf

La fête devint émeute navrante

Le sang coula jusque dans les sentes





©La chèvre qui danse.

 




Dans le port de Recouvrance

Un bel animal très gourmand

Venait voler sa pitance

Quand accostaient les grands chalands


Bateaux chargés de céréales

De l’orge, de l’avoine ou du blé

La chevrette qui s’en régale

Sautait par dessus le pierré


Elle s’en remplissait le ventre

Les mariniers s’en amusaient

Puis retournait dans son antre

Une bergère l’y attendait


C’est à la saison des pommes

Que la chèvre vraie follette

Dévorait il faut voir comme

À s’en remplir la caillette


Un chalandier compatissant

Pour lui permettre de digérer

Remplit un seau de vin blanc

Qu’elle avala d’une seule lampée


S’en retournant en sa maison

Trottinant de hue et de dia

D’avoir bu sans modération

Le tendre caprin culbuta


Sur le port de Recouvrance

Ivre de tant de vin de Loire

Pour cette chèvre qui danse

Une rue célèbre sa gloire


Saumon.

 



Pour les anciens, il symbolisait le savoir

Puisque l'un des siens mangea les neufs glands sacrés

Puis de la Boyne il passa dans la Loire

Rivière qu'il se plaisait à remonter


Le manger conférait alors la sagesse

À qui, durant sept longues années, le traqua

Noble poisson faisant preuve de largesses

Figurait alors à nombre de nos repas


Abondait par milliers dans la rivière

Au point qu'il fallut limiter son service

Pas plus de trois dégustations hebdomadaires

Pour ne pas se lasser de son sacrifice


Le beau migrateur aperçut de la rive

Les pêcheurs tendaient un filet de barrage

Puis l'époque connut terrible dérive

Dans ses rangs les progrès firent des ravages


Quand il fallut renoncer à le prélever

Nul ne décrypta le terrible message

Notre Planète était déjà en danger

Par la faute d'humains bien loin d'être sages


Celui que nos lointains ancêtres adulaient

Accompagne toujours les repas de fête

Pauvre prisonnier d'élevages si laids

Que sa chair semble totalement contrefaite


On le fume pour dissimuler sa saveur

Insipide goût d'un met de pacotille

Loin de ces saumons qui avec fureur

Affrontaient les carrelets de nos flottilles


De rares spécimens remontent notre Loire

Avant de bifurquer au bec d'Allier

Derniers survivants qui nous laissent accroire

Qu'il faut malgré nous, ne pas cesser d'espérer


Sur leur trajet se présentent tant d'obstacles

Prédateurs, centrales, barrages et abjection

Que pour les derniers, véritable débâcle

L'aventure tourne à la désolation


Les nouvelles migrations concernent les humains

Franchissant eux aussi les mers et océans

Avant de sombrer dans les terribles filets

D'un système effroyablement messéant



Sur le quai …





Sur le quai d'Orléans

P'tit matin gueule de bois

Les poubelles séant

Dégueulent ce qui se boit


La brume dissimule

Des monceaux d'immondices

Quand la nuit accumule

Des fêtards, leurs indices


Des bateaux dorment encore

Le clapot palpite

Sur des coques pléthores

De trop de visites


Immobiles à jamais

Prisonniers d'la bassine

Ces marins qu'ils aimaient

Leur font grise mine


Les oies sont les reines

Gavées de trop de pain

Par des badauds, déveine

Qui désirent leur bien


Les hérons font leur nid

À abri de la houle

Protégés par un duit

Loin de cette foule


Des corneilles à l'affut

Espèrent un faux pas

La négligence qui tue

L'oisillon laissé là.


Noctambules, les castors

Fuyant le brouhaha

Cherchent un autre port

Fort loin de cestuy-là


Une flopée d'balayeurs

Ballet matutinal

Effacent les horreurs

Qui souillent notre Val

Les poissons font des ronds

De fumée dans leur eau

Brochet, carpe ou gardon

Héritent des mégots


Le sable prend le pouvoir

La pluie vient à manquer

La rivière dépotoir

Déplore son passé


Restera un point d'orgue

Vitrine illusoire

Exemple de la morgue

Au festival de Loire


La foire des détritus

Aux relents nauséeux

Cadeau des malotrus

Au fleuve malheureux


La fête reprendra

Le tourisme a ses droits

La Loire s'effacera

La bamboche fait sa loi


Qu'importe le décor

Simple toile de fond

Qui ne fera pas tord

À qui touche le fond


Le vacarme est de mise

En ce monde mercantile

L'animation promise

Au public versatile


Le calvaire riverain

Sans espoir de dormir

La honte c'est certain

D'un laxisme à honnir


Quand Jehanne, loin du bûcher

Pour un bain de siège

Pucelle effarouchée

Traversera à pied


Constat déplorable

Pour qui veut bien le voir

Abandon coupable

De notre chère Loire

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Une chanson, bref moment d'éternité

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