dimanche 25 juillet 2021

L'art de la sieste

Une petite pause fort agréable.





Je viens de vivre l'une de ces merveilleuses parenthèses, qui au milieu de la journée, sur la digestion d'un repas méridien, vous conduise au pays des songes. Je me réveille d'humeur taquine, un nouveau départ s'offre à moi, un recommencement qui a effacé bien des fatigues. La coupure fut propice à bien des réflexions, des récits intérieurs et des oublis miraculeux. C'est d'un nouveau pied que je reprends le cours des choses …


Je me garderai bien d'évoquer ici la sieste graveleuse, la mésienne friponne qu'on espère garder dans le secret de l'alcôve. Si au bout des agitations mutuelles, des tendresses et des fatigues divines, on finit par sombrer, là aussi, dans un doux sommeil réparateur, les corps sont chargés d'odeurs musquées, de quelques perles de sueur issues des prouesses réalisées, des délicatesses consenties, des acrobaties expérimentées . Les draps sont défaits, le lit chamboulé et rien de ce qui se passe alors n'évoque la sieste gentillette dont je compte vous parler !


Non, restons seul pour cette sieste tranquille et avouable. Elle est un moment en suspension, un retour sur soi-même pour goûter un peu plus encore ce temps qui vous sépare de l'heure de se coucher vraiment. Chacun a sa manière personnelle de jouir de ce repos discret, de cet abandon sans contrepartie.


Il y a ceux qui se laissent surprendre ou qui nous le font croire. Juste après le café, posés benoîtement sur un fauteuil confortable, ils décrochent soudainement de la conversation. Leurs muscles se relâchent, leur souffle se fait plus puissant. Ils sont partis pour quelques minutes, vous ont laissé en plan sans la moindre gêne. On les regarde, on en sourit, on les envie de se soucier si peu des convenances ou des codes sociaux. Quand ils se réveillent, chacun fait semblant de rien, devenant ainsi complice de ce doux délice.


Il y a ceux qui s'allongent, sur un canapé, un sofa ou bien une pelouse. Ils ont besoin de l'horizontalité pour s'abandonner à leur tour au plaisir de la rupture avec le réel. Ils ferment les yeux, s'endorment bien vite. On les laisse tranquille, on évite de les déranger. Ils imposent le respect, ils ont coupé les ponts, osé le lâcher prise sans la moindre culpabilité.


Il y a les magiciens, les princes de l'illusion. Ils sont assis à leur bureau, elles sont devant le clavier de leur ordinateur. On les pense affairés, en phase de réflexion intense. Rien dans leur posture ne trahit l'échappée belle qu'ils s'offrent à la dérobée. Ils ont fermé les yeux, elles ont coupé le contact. Leur sieste est brève, elle n'en est pas moins profonde et réparatrice. Ils se remettent au travail, elles reprennent leurs occupations comme si rien ne s'était 'dissipé' le temps de quelques songes enchanteurs.


Il y a enfin ceux qui ont besoin d'aller jusqu'au bout du caprice. Ils ont besoin de fermer les volets, elles se réfugient dans leur chambre. Les uns s'allongent sur le lit quand les autres éprouvent le besoin d'aller jusqu'à se glisser dans les draps frais. Pour eux, point de compromission, pas de cachoterie, la sieste est pleine et entière, rupture franche et assumée, elle les conduira après un long tunnel vers un réveil un peu vaseux.


La sieste n'est pas l'apanage des vacances même si elle n'aime rien tant que les journées accablées de chaleur et de lumière. Elle se plait encore à meubler les jours de congé, à prolonger les repas trop arrosés, à préparer les veillées que l'on devine excessives. Elle aime se glisser à l'improviste dans le cours trop bien organisé d'une journée de travail. Elle symbolise pour certains le privilège de la retraite quand pour d'autres elle demeure à jamais l'affreuse obligation de l'enfance.


La sieste ne s'encombre pas des insomnies. Si le sommeil vient à vous fuir, elle se plait pourtant à prolonger ce moment en retrait. Vous êtes à l'écoute des murmures de la maison, vous devinez les mouvements de ceux qui sont restés debout. Vous n'êtes pas pressés de les rejoindre, vous avez droit à ce petit plaisir des pensées intérieures. Vous allez sans doute finir par vous assoupir, vous perdre à votre vigilance, vous glisser dans un sommeil minuscule.


La sieste ne se partage pas ou bien elle devient tout autre chose. Elle se plait à l'exercice solitaire en tout bien tout honneur. D'ailleurs personne n'est jamais dupe quand deux personnes prétendent aller se reposer un peu. Il en faut de l'aplomb pour affirmer cela en compagnie, une bonne dose de rouerie pour croire que nul ne s'imaginera autre chose. Mais la sieste se moque bien du qu'en dira-t-on et de toutes les convenances. Elle peut surprendre n'importe qui et se moque de ce qu'on pense d'elle !


La sieste peut dormir sur ses deux oreilles, elle n'est pas prête de disparaître de nos mœurs. Il parait même qu'elle est de plus en plus conseillée dans le monde de l'entreprise, qu'il est des pays où elle est organisée sur le lieu du travail. Elle décuple la productivité, elle adoucit les relations sociales, elle apaise les fatigues, redonne envie et dynamise. J'espère qu'elle m'aura permis de trouver l'inspiration sinon il me faudra retourner faire un petit somme ...


Hamaquement vôtre.


 

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