jeudi 29 juillet 2021

Cartes sur table

 

On ne peut y couper !






Curieuse activité au demeurant que celle qui consiste à poser un tapis sur la table en lieu et place de la nappe habituelle. Nous pourrions en rester là des propositions saugrenues mais souvent la farce continue tandis qu’un chien s’invite lui aussi à la fête. Et que penser alors de la chose quand l’un des participants fait le mort, y compris un jour de Toussaint ? On lui avait promis de lui tirer les cartes, le voilà étendu, du plomb dans la tête, pissant le sang et se refusant à jouer son dernier atout…


Les poings frappent la table, les propos dépassent le seuil tolérable tandis que les regards scrutent le mensonge, le bluff ou bien le signe discret. Voilà des cartes avec lesquelles on se perd en chemin, oubliant la courtoisie pour tromper son monde, le perdre ou le confondre. C’est ainsi que s’achève les repas quand la météo joue des tours aux convives. On se dit qu’une petite belote passera le temps avant de découvrir, bien trop tard hélas, qu’elle met en jeu bien plus que cela.


Le valet se fait cavalier, le roi perd sa couronne, la dame se donne au plus offrant et chacun s’évertue alors à sortir un as de sa manche. Le neuf se la joue, lui qui d’un coup se prend pour un quatorze tandis que la belote cherche à doubler la mise en voulant gagner un autre pli. Je coupe pour gagner une levée, je plie quand on me coupe et j’espère secrètement être sous la goulotte à moins qu’un malotru pisse honteusement sur la table.


On se met en quatre pour faire la paire. Si le nombre ne vous convient pas, il y a encore le tarot pour ajouter un comparse à moins que ces cartes-là ne soient de sortie que pour prédire l’avenir. Chacun cherche une excuse pour justifier ce curieux passe-temps immobile. On pense avoir toutes les cartes en main au lieu de quoi on tue le temps en les jetant sur le tapis.


Les enfants à deux se contentent d’une bataille bien inoffensive, jeu si simple qu’il n’y a pas de quoi se retourner. Puis le temps passe, on pioche, on jette, on écarte, on triche, on bluffe. Tout est permis pourvu que cela se passe les yeux dans les yeux. On n'en voit pas de toutes les couleurs même si elles ne sont que deux, le rouge et le noir pour l’éternité.


Les cartes biseautées sont de la partie, il faut bien aider le destin, mettre tous les atouts dans son jeu quitte à tricher un peu. C’est la règle qui s’accorde quelques libertés, s’octroie des largesses et se donne toute latitude pour leurrer l’adversaire. Les cartes en main, il est trop tard, c’est avant que tout se joue et se dénoue. Je distribue de main de maître, je mêle le vrai et le faux pour ne pas rester sur le carreau !


Il ne faut pas avoir de cœur pour agir de la sorte. Je me pique quant à moi de ne jamais jouer aux cartes de peur de me laisser prendre à ce jeu de faux semblant. Je laisse les joueurs à leurs vociférations, leurs insinuations et leurs querelles, leurs mimiques et les propos codés. Je préfère de loin ceux qui se prennent pour des agents du planning familial, faisant des couples, des associations, des familles, des parties carrées dans l’univers complexe des têtes couronnées flanquées de leurs vassaux.


Ceux-là pourtant ne se la jouent pas franc-jeu. Ils ont besoin de mettre un comparse dans le coup, un certain joker capable de tenir tous les rôles. D’autres ont eu recours à l’excuse, chacun trouvant nécessaire d’adjoindre une carte de visite. Au final, seuls les onanistes du jeu de cartes trouvent grâce à mes yeux, faisant et défaisant sans cesse leur destinée, cherchant au travers d’un rituel compulsif, les clefs du futur.


Qu’elle réussisse ou bien échoue, la partie se passe à la fois de partenaire et d’adversaire. Elle vous permet au moins de gagner en sérénité. L’ennui venant, vous pouvez encore construire des châteaux, en Espagne ou bien en bord de Loire, constitués d’un patient assemblage des cartes qui s’empilent sans le moindre permis de construire ni de nuire. Tout finit par s’effondrer, métaphore parfaite de nos existences, avec ou sans trèfle à quatre feuilles.


La nuit s’avance, le tapis s’enroule, les cartes retournent à leur sabot. La table reprend ses droits et c’est bien là que je joue au mieux la seule partition que je maîtrise : celle des petits plats que l’on glisse dans les grands. Le valet de pied fera le majordome et tous les invités seront rois et reines, couronnés non d’un couvre-chef mais de quelques taches de bon aloi exprimant leur contentement. Ne prenez pas la peine de présenter votre carte de visite, ma table est ouverte et les jeux sont bien moins faits que les convives en fin de partie !


Cartomanciennement vôtre. 


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Un écureuil s'éprit d'une taupe

  Amours énantiotropes Un écureuil s'éprit d'une taupe Comble d'un amour énantiotrope Lui perché sur son gra...