vendredi 2 juillet 2021

Jargeau : une histoire de Loire !

 

Au pays des chats et du chêne.





La Loire durant son histoire a pris des aises dans ce vaste Val au sein duquel elle n’a cessé de changer de lit. Était-elle volage, indécise ou bien versatile ? Chacun donnera son interprétation à ces fréquentes tergiversations. Toujours est-il que Jargeau fut tour à tour oublié par la rivière, île ou bien riveraine. Le nom de ses rues atteste de la présence de terres sableuses ou peu fertiles : Sablon, Chapotte, Brosses, Chaîntres, Bâte et Varannes.


L’eau a envahi bien des terres, les transformant en marais ou bien en zones d’écoulement. C’est ainsi que nous trouvons des rues portant traces du passage de l’eau : Boyau, Bezis, Bourdinières, Marchais, Avallées et Boires. Nous devinons aisément que le territoire ne fut pas simple à domestiquer face à cette diablesse instable.


La présence humaine fut malgré tout très ancienne, la Loire attirant toujours les implantations des groupes de chasseurs, cueilleurs, pêcheurs. Des bifaces découverts dans le secteur tout comme la présence d’une rue de Mein, semblent attester d’une lointaine pierre Mégalithique. Pour assurer durablement la vie des ligériens, comme bien souvent ce sont des communautés chrétiennes qui ont œuvré.


Au IV ° siècle, une église se bâtit sous l’impulsion de sainte Hélène, une amie de Saint Martin. À chaque fois qu’on évoque le moine guerrier, il convient de chercher le culte Celte qui a été effacé par son passage. À Jargeau, l’interrogation demeure même si la légende du pont du diable atteste certainement que les vieilles croyances demeuraient encore à fleur d’eau.



L’influence de l’abbaye de Fleury peut s’être fait sentir même s’il n’est pas exclu que comme pour Saint Martin d’Abbat, ce soient les clunisiens qui s’imposèrent ici. Les cultes de Saint Vrain, patron des vignerons de l’Orléanais et de saint Marcouf, Saint guérisseur qui n’a jamais mis les pieds à Jargeau mais dont les vertus thérapeutiques étaient toutes indiquées compte tenu de l’influence d’une Loire qui n’est pas encore certaine de son lit : tuberculose, écrouelles, furoncles, abcès, anthrax.


À partir du X° siècle, Jargeau fait son apparition sur les cartes royales et les bulles pontificales. En 1154, sous l’impulsion de l’évêque Manassès de Garlande, la Foire aux "Châts" (ce sont des châtaignes) est créée. C’est forcément le début de la légende. Quelques années plus tard, Manassès de Seignelay, évêque d'Orléans, lance les travaux du premier pont de pierre connu à Jargeau entre 1207 et 1221. Une belle histoire pouvait naître, de celle qu’on retrouve aussi à Beaugency comme dans maintes régions françaises. En cette lointaine époque, Satan avait monté une vaste entreprise de génie civil même s’il fut toujours payé en monnaie de singe.


Est-ce les remous sous le pont qui provoquèrent alors les turbulences historiques qui agitèrent la cité des chênes (Garrigoïalum, de Garrig signifiant le chêne) ? Toujours est-il qu’il y a eu du mouvement en bord de Loire entre la guerre de cent ans et la guerre de religion. C’est naturellement Jeanne d’Arc qui offre à la cité son heure de gloire le 12 juin 1429. Après la délivrance d’Orléans le 8 mai, la Pucelle se lance dans la libération des ponts enjambant la Loire.


D’une importance stratégique considérable, le pont est également un enjeu économique. La Lorraine ne s’y trompe pas puisqu’elle monte à l’assaut des maudits anglois. Dans le tumulte, Jeanne d’Arc pose une échelle le long des remparts de la ville. Un Anglais sournois lance une grosse pierre contre l’assaillante qu’il blesse à la tête. Elle poursuivra son périple de la Loire à cheval en libérant le Pont de Meung-sur-Loire le 15 juin puis celui de Beaugency les 16 et 17 juin. La demoiselle ne perdait pas de temps.



Puis l’église réformée s’implante de manière très importante dans notre région. L’Orléanais en devient même la place forte au Nord de la France (ne le répétez pas). Les querelles ne manquent pas d’éclater entre les tenants des deux cultes. Jargeau connaît son lot de désolantes destructions. Les édifices religieux subissent de graves dégradations.


Fin août 1572, malgré l’édit de pacification entre catholiques et protestants, la tension est à son comble. Après l’annonce du massacre de la saint Barthélémy, les catholiques du Loiret ne veulent pas être en reste. Le 25 août et les jours suivants, ils se lancent dans des crimes épouvantables. Les insurgés reconnaîtront la mort de 1200 hommes, près de 600 femmes et des enfants en grand nombre, tous jetés à la Loire qui sera rouge sang.


Les tueries se prolongeront jusqu’au début septembre et naturellement Jargeau aura à son tour à connaître l’effroi toute comme au château de l'Isle, seigneurie de Jérôme Groslot, à Beaugency, Fleury, Châteauneuf, Saint Benoît-sur-Loire. Une conséquence de cette désastreuse explosion de violence sera l’interdiction de manger les poissons de Loire durant un long moment, abreuvés qu’ils furent de sang humain. Hélas cette fois, les chats avaient fait comme les chiens !


L’Édit de Nantes en 1598 fait de Jargeau une place de sûreté protestante (d’où la rue du Temple). Vingt-trois ans plus tard, la ville repasse dans le camp catholique et du Duc d’Orléans. La fronde apportera elle aussi son lot de heurts et de malheurs en 1652. La ville d’Orléans est acquise à la révolte des Princes (ne l’ébruitez pas). Louis XIV passera par Jargeau pour gagner Gien et sauver son trône.



La Révolution apportera elle aussi son lot de troubles. La nuit du 4 août, Jargeau échappe à la tutelle de l’évêque d’Orléans et devient chef-lieu de Canton. Les représentants communaux se réunissent au Châtelet. La terrible débâcle de 1790 emporte le pont, la ville sera frappée de plein fouet par le double effet des troubles politiques et de la perte de son précieux pont.


Le degré des vingt lieux du parlement de Paris en 1577 va considérablement modifier l’agriculture locale. De Châteauneuf à Beaugency, la monoculture de la vigne sera reine. Jargeau n’échappe pas à cette folie. Les rues portant le nom de clos attestent de cette longue histoire qui s’achèvera avec la crise du phylloxera de 1876 à 1891. La fin de la Marine de Loire sera elle aussi durement vécue à Jargeau, ville qui avait l’honneur d’avoir la chopine de la plus grande contenance.


Les grandes crues de 1778, 1825, 1846, 1856, 1866 apportèrent elles aussi leur lot de drames et de destruction. Les levées furent remontées par Napoléon III tandis qu’un déversoir en amont de Jargeau fut construit. Il convient enfin d’évoquer les ponts, celui en bois de 1833, puis le pont suspendu de 1927 dont les câbles furent sectionnés pour ralentir l'armée allemande en 1940. Les travées effondrées sont reconstruites jusqu'en 1943 et le pont fut bombardé par l'aviation alliée en 1944 et reconstruit en 1945. Il sera détruit en 1989. Un nouveau pont le remplacera sous laquelle la Loire devient souvent un passage infranchissable avec les restes des autres ponts.


La chronique des ponts n’est sans doute pas éteinte puisqu’un nouveau pont fait polémique. Gardons-nous de prendre parti dans un sujet trop complexe pour l’évoquer rapidement. Si vous avez apprécié ce récit, venez donc samedi à Jargeau  écouter le Bonimenteur et ses histoires en alternance avec les chansons de Jacques Duval. Animation de 11 h 30 à 17 h


Gergoliennement vôtre.


 

 

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