vendredi 5 février 2021

Les histoires de la Malnoue

 Pastiche solognot 




Comment faire tomber un aquadieau ?


Dans ce village de Sologne, il y avait longtemps qu’il n’avait pas plu. L’eau venait à manquer dans les puits comme dans les fontaines. L’eau des étangs n’était pas consommable. Les gens du pays étaient fort ennuyés et se rendirent en délégation auprès de La Malnoue, une birette redoutée, perdue dans sa masure au fond des bois.


La vieille, heureuse qu’on vienne enfin quérir un service qui ne nuirait à personne, rit dans sa barbe avant de réclamer une grande bassine d’eau fraîche. Il fallut courir par monts et par vaux pour trouver ce qu’elle réclamait. La sorcière alors de retirer son inséparable blouse et de la laver dans le baquet sous le regard horrifié des villageois. « Nous manquons cruellement d’eau et la sorcière lave son linge au lieu de nous aider ! » hurlèrent les plus virulents.


La Malnoue sourit, demanda de l’aide pour essorer son vêtement puis l’accrocha à un fil à linge. Aussitôt le ciel s’obscurcit et une belle arnapée tomba du ciel. Les Solognots de se signer et d’évoquer un miracle du très haut quand La Malnoue leur demanda de se taire et proféra ses paroles blasphématoires.

« C’est toujours la même chose avec ce mécréant du ciel. Chaque fois que j’étends mon linge, il fait pleuvoir… »



La luciole


La Malnoue flânait dans la forêt à la cueillette de quelques champignons quand elle aperçut une luciole sous un bosquet. La petite bête brillait d’une faible lumière et la bonne sorcière lui posa alors une question qui lui brûlait les lèvres depuis toujours : « Pourquoi diable, petite luciole, ne brilles-tu que la nuit ? »


La luciole répondit alors à La Malnoue dans une langue que celle-ci pouvait comprendre :

« Quand le soleil est dans le ciel, qui d’autre que toi chercherait à trouver ma lumière ? Face à ce monstre lumineux, je suis si peu de chose ! »



Le crapaud


La Malnoue se promenait au bord d’un étang quand un héron attrapa dans son bec un petit crapaud qui passait à proximité de l’oiseau aux aguets. Le pauvre batracien se trouva pris au piège de l’oiseau qui, importuné par la présence de la sorcière, s’envola pour déguster sa prise plus loin. Le héron trouva sur son chemin une corneille agressive qui l’attaqua en plein vol. Pour se défendre, il lâcha le crapaud qui tomba au pied de La Malnoue.

Comme toute bonne sorcière de Sologne, La Malnoue croyait aux signes du destin. Elle prit le crapaud dans sa main, l’observa attentivement. Elle savait qu’elle était trop vieille pour profiter d’un époux ; le temps était passé de batifoler dans la forêt et de mener grand sabbat. Mais elle se sentait seule et eut envie d’avoir un fils à chérir qui s’occuperait d’elle. Elle embrassa le crapaud qui se transforma sur-le-champ en un jeune berger.


Durant deux années, La Malnoue et son fils adoptif vécurent heureux. La vieille avait cessé de jeter des sorts ; les gens du voisinage s’en trouvaient fort bien. Elle passait son temps à raconter des histoires à dormir debout à ce fils qui lui était tombé du ciel. Le pauvre diable commençait à trouver le temps fort long, d’autant que sa vieille mère radotait de plus en plus sérieusement. De son côté, La birette s’ennuyait de s’être montrée si gentille depuis tout ce temps. Ce fils finissait par lui peser grandement.


Un jour, elle lui demanda ce qui lui ferait plaisir et le jeune ingrat de réclamer une jeune bergère pour unir sa destinée à la sienne. La Malnoue se gratta la verrue qu’elle avait sur le bout d’un nez aussi aquilin que possible et constatant que la région était infestée de caquésiaux, décida sur le champ de satisfaire son rejeton. Elle fit deux ou trois prières à sa façon, cracha par terre et le berger redevint crapaud. Une petite femelle crapaud passa justement par là et les deux animaux se plurent dans l’instant. Ils eurent beaucoup de petits crapauds qui mangèrent énormément de maragouins. La Malnoue en fut satisfaite et retrouva dans l’instant son humeur belliqueuse ….


Le rêve de La Malnoue Birette


Cet hiver-là était si rude en Sologne que les arbres se fendaient sur pied, que les étangs étaient pris par les glaces et que tous les oiseaux cherchaient refuge ailleurs. Les hommes et les femmes se désolaient et notre sorcière n’échappa pas au grand frimas.


Ce soir-là, elle s’endormit sous des édredons et des couvertures dans un lit qu’elle avait préalablement chauffé avec deux ou trois briques. La tiédeur de sa couche la conduisit au pays des rêves ; une vieille femme a parfois d’étranges songes …


La Malnoue s’imaginait à la recherche d’une bonne bouteille de vin. Le précieux liquide avait gelé dans les barriques, il était devenu si rare que c’est de vin qu’elle rêvait cette nuit-là. Miracle, elle en trouva dans un coin de sa maison, bien à l’abri du froid : une bouteille avait échappé miraculeusement à ce froid sibérien. Elle s’en pourlécha les moustaches et se mit en demeure de s’offrir un grand et bon vin chaud pour se réchauffer. Elle prépara cannelle, sucre, clou de girofle, vanille et un peu de poivre. Oranges et citrons n’étant pas accessibles en cette lointaine époque.


Quand son breuvage fut prêt, qu’il sentait si bon, elle se le versa dans un grand bol mais hélas, se réveilla à l'instant … La Malnoue de s’écrier alors : « J’aurais dû boire ce vin froid et ne pas perdre tant de temps à le faire chauffer ! »



Le miroir


Un jour la Malnoue birette rendit un grand service à un châtelain qui lui avait réclamé quelques mauvais sorts pour chasser un braconnier qui sévissait sur ses terres. Quoiqu’elle n'eût guère le sens de la propriété, la Malnoue s’exécuta car le Raboliot en question avait été fort désagréable avec elle. Elle se contenta de lui octroyer un flux du ventre qui le clouerait quelque temps sur sa chaise percée, loin des terriers du domaine.


Le châtelain en guise de récompense lui offrit un superbe miroir, un objet qui jusqu’alors, était totalement inconnu de notre sorcière. Il était soigneusement emballé. La Malnoue découvrit cette étrange chose dans sa vieille masure. Quand elle se vit, elle cria « Quelle horreur ! Ce châtelain est un fort mauvais homme pour me présenter pareille créature ! » La sorcière jeta le miroir loin d’elle et inversa le sortilège. Le châtelain passa sept années durant sa vie dans ses tinettes tandis que Raboliot put, tout à loisir, poser des collets dans la propriété du pauvre diarrhéique.



La poule et le couteau.


Un poule de Sologne ayant trouvé un couteau se mit à défendre bec et ergots ses poussins comme elle-même. Elle menait grand tapage et menaçait tout ceux qui venaient dans le poulailler dans le dessein de lui voler un œuf ou bien d'occire un de ses petits. Le renard en fut pour ses frais et personne n’y trouva à redire. Le fermier à son tour subit les désagréments de la dame et s’en vint trouver la Malnoue pour qu’elle mette fin à ce prodige.


La vieille, pour être sorcière, n’en était pas moins sage et raisonnable. Elle rit aux éclats devant l’homme et lui affirma qu’il n’y avait rien à faire. L’homme alors de s’énerver et de lui demander une autre fois : « Mais il faut faire quelque chose au plus vite. Vous vous rendez compte, une poule avec un couteau ? »


Alors la Malnoue de s’exclamer : « Le danger n’est pas très grand. Imaginez un peu que ce soit un homme qui ait trouvé ce couteau ! »


Le hibou


La Malnoue aimait à se promener la nuit dans sa chère Sologne. Elle était alors en communion profonde avec toute la nature et les hôtes de ces bois aimaient sa compagnie. Un jour de nouvelle lune, où il faisait nuit noire, un hibou appela la sorcière qui passait sous son nid : « Dame birette, venez voir, mon fils vient de sortir de son œuf. Il n’est pas plus bel hibou que celui-ci ; je peux vous l’assurer. »


La Malnoue alors de se fendre d’un grand sourire : « Attends donc qu’il fasse jour pour en juger un peu mieux et nous verrons ce qu’il en est vraiment. En attendant, réjouis-toi sans te montrer aussi vaniteux ! »

Les bons conseils de la Malnoue



Il était une fois en Sologne un homme aussi sot qu’il était courageux et serviable. C’est ainsi que les bonnes gens usaient et abusaient de lui en se moquant du pauvre bougre, sans jamais le récompenser à la hauteur des services rendus. Le pauvre finissait par se rendre compte de la tromperie et voulut trouver conseil auprès de la Malnoue. Elle seule était en mesure de le déniaiser un peu par quelques formules magiques dont elle avait le secret


L’homme se mit en chemin dans la forêt profonde pour rompre la malédiction qui pesait sur lui quand il croisa un loup tirant la langue, au corps efflanqué et à la parole aisée. Petit bazin se pencha vers lui et lui demanda pourquoi il allait si mal. Le loup en geignant lui avoua qu’il en avait assez de poursuivre des proies et qu’il aimerait bien comprendre pourquoi il devait ainsi chasser pour toujours trouver sa pitance. Toujours prompt à se montrer utile, l’homme proposa au loup d’interroger la sorcière à ce propos. Elle avait réponse à toute chose.


Il continua ainsi son chemin quand il tomba sur un orme qui pleurait toutes les larmes de ses feuilles. Intrigué, le brave nigaud, peu surpris qu’un arbre puisse agir ainsi, l'interrogea sur les raisons d’un tel chagrin. L’orme lui avoua qu’il ne comprenait pas ce qui l'empêchait de grandir et que c’était là un grand souci. Le simplet promit, une fois encore, d’interroger celle qui sait tout.


Plus loin, c’est une charmante jeune femme, vivant seule dans une chaumière isolée qui se trouva sur son chemin. La belle éplorée lui déclara qu’elle ne pouvait vivre heureuse en restant seule dans cette forêt profonde. Elle voulait comprendre ce qui pouvait éclairer son existence. Le bredin, le cœur sur la main, promit d’interroger la Malnoue.


Après bien des efforts, il arriva auprès de la Malnoue. Il lui soumit alors les raisons de sa venue et commença tout d’abord par son souci personnel. La birette, amusée et bonne sorcière, le rassura. Je vais dans l’instant te donner l’occasion de changer ton sort. C’est à toi de saisir ta chance et les autres cesseront dans l’instant de te prendre pour un couillon. L’homme fut surpris de cette réponse énigmatique . Il se dit qu’il n’était pas encore assez malin pour la comprendre mais qu’avec un peu de patience, cela arriverait bientôt.


Puis il évoqua le problème du loup et la Malnoue, qui savait commander aux loups lui demanda de répéter au loup que sa pitance viendrait à lui si elle était assez stupide pour se jeter d’elle-même dans sa gueule. À propos de la femme, la Malnoue déclara qu’elle n’avait besoin que d’un bon mari et que l’amour changerait dans l’instant sa triste existence. Puis elle évoqua cet orme qui dépérissait en disant au berlaudiaud qu’il avait sous son tronc un coffre contenant un trésor et que c’était ce trésor qui l’empêchait de bien grandir.


Notre homme, heureux de ces réponses, se hâta de rebrousser chemin. Il trouva d’abord la jeune femme et lui répéta les paroles de la sorcière. La belle se jeta aux pieds de notre homme et lui dit : « Épouse- moi, je te rendrai aussi heureux que tu peux le rêver ! » Hélas, l’homme avait à faire et repoussa cette déclaration. Il lui fallait trouver l’orme et lui dire le secret de ses souffrances. C’est ce qu’il fit et l’arbre aussitôt le supplia de déterrer le coffre et d’emporter le trésor afin qu’il puisse enfin plonger ses racines profondément dans le sol. Le pauvre imbécile de répondre qu’il devait avant ça, porter une réponse au loup ; l'arbre trouverait sans doute un sauveur moins pressé.


Enfin notre gros nigaud trouva le loup et lui raconta ses diverses aventures. Le loup en rit aux éclats et s’inquiéta de ce que la Malnoue avait bien pu dire à son propos. Alors le simplet répéta les paroles de la sorcière : « Ta pitance viendra d’elle-même jusqu’à toi si tes proies sont assez stupides pour se fourrer d’elles- mêmes dans ta gueule ! » Le loup s’en lécha les babines mais poussé par la curiosité, il voulut également savoir le conseil que la birette avait donné à ce parfait imbécile. Quand le gros couillon répéta : « C’est à moi de saisir ma chance si je ne veux pas rester plus longtemps un pauvre imbécile! » Le loup comprit que le cas du pauvre diable était désespéré et le croqua dans l’instant sans autre forme de procès.




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