vendredi 19 février 2021

Pauvre Pinson !

 


Un qualificatif passé de mode …

 

 



Notre pauvre pinson n'a plus droit au chapitre. Adieu ses belles trilles, sa joie contagieuse. Il est victime de la modernité et de la folie des hommes à donner d'autres sens à ce qui était si beau. Nous perdons là un merveilleux compagnon, une source de joie et de naïveté. Il nous faut nous y faire désormais, on lui a cloué le bec. Gare à celui qui voudrait se prétendre son ami, ce rapprochement serait immédiatement porteur d'interprétation tendancieuse.


Pourtant, qu'il était joli ce bel adjectif court et charmant. Nous étions gais et n'avions pas peur de le revendiquer. Le mal était contagieux, la gaieté s'affichait à Montparnasse et ailleurs. On pouvait s'amuser sans honte, sans crainte d'être pris pour autre chose. Les mots n'avaient pas tourné casaque, c'était un temps de grande simplicité.

 



Puis le pinson a perdu ses couleurs. D'outre Atlantique, un mot nouveau est venu sonner le glas de sa belle fantaisie. Son adjectif, se parant d'un « y » est devenu cri de ralliement, revendication virulente, fierté ostentatoire. Chacun est libre après tout de se réclamer de telle ou telle chapelle, je n'y vois aucun inconvénient à la condition d'appeler un chat un chat et de ne pas couper les ailes de notre ami le pinson.


Depuis, il est mal venu de se prétendre « gai ». L'assertion fait sourire au mieux ou peut déclencher l'ire maladif d'intolérants calotins. Cet adjectif a désormais mauvais genre, il doit s'effacer devant ce qui passe pour certains comme un titre de gloire ou une marque d'infamie. Ils ont bien raison de sortir de l'ombre de nos amis les nouveaux compagnons du pinson sans pinsonne, de refuser désormais l'ostracisme et le rejet, la honte et le silence. Mais pourquoi diable sont-ils venus dérober ce qualificatif heureux.

 



Ce Gay est à la mode, il se porte en bandoulière comme un slogan politique, une image qui fait mode. Il y avait bien d'autres mots en somme pour qualifier ce qui a toujours porté un nom. Homosexuel n'a jamais été me semble-t-il un terme humiliant. Ce sont les mal pensants, les fous d'un Dieu de discorde et de mépris qui ont sali l'idée et non le terme. D'autres mots furent employés pour faire de cette manière de vivre sa sexualité des insultes sales, des expressions qui claquent comme un coup de fouet. Mais jamais homosexuel ne fut mis à l'index.


Maintenant, par votre faute, c'est l'adjectif gai qui se trouve dévoyé. Quand vous avez réclamé, ce qui était parfaitement légitime, le droit au mariage gay, vous supposiez, au nom de je ne sais quel renversement de l'histoire ou d'une vengeance longtemps rentrée, que le vieux mariage, celui qui unit un homme à une femme, ne pouvait qu'être triste.

 



C'est bien là la perversion des mots qu'on usurpe. Ils induisent des glissements sémantiques de mauvais aloi. Le Pinson en sort contrarié et l'amoureux des mots tout autant. Je sais que ce billet sans importance va déclencher le courroux de ceux-là même qui se sont appropriés cet adjectif. Je ne vois pas quel besoin vous aviez de faire main basse sur cette belle qualité, c'est le seul message de ce petit coup de bec.


Redonnons à notre ami le pinson, qu'il fut passif ou bien picosseux ses belles dispositions à nous rendre heureux. Qu'importe nos manières d'être ou de vivre notre sexualité. Être gai est un art de vivre, d'aborder l'existence en la prenant du bon côté. Non, messieurs, il n'y a aucune allusion graveleuse, acceptez l'usage ancien des mots et des expressions et ne tirez pas toujours la couverture à vous.

 



Je redonne à la langue ce mot qui n'aurait jamais dû être pris en otage. Je suis gai et en réclame le droit tout en me déclarant profondément hétérosexuel. Qu'il en fut autrement n'aurait rien changé au bonheur de cette joie simple et contagieuse que nous appelons la gaieté. Il est grand temps que la raison revienne sur ce sujet épineux. Seul le bonheur des uns et des autres devrait nous préoccuper et que tous fussent gais comme pinson ne serait pas pour me déplaire.


Gaiement vôtre.


 

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