Lancelot
et Margot.
Lancelot
erre sur les chemins de l'aventure. Il en a soupé des défis et des
épopées, des batailles incertaines et des combats si peu loyaux.
Lancelot a compris qu'il agissait ainsi pour une pure illusion.
Guenièvre n'est pas celle qui accepte les élans du cœur. Elle
aime, certes, l'amour galant car celui-ci lui permet de faire de
jolies mines et de tendres sourires, sans devoir accorder plus à son
gentil héraut, mais la dame reste froide et roide devant les
vibrations du garçon.
Lancelot
en a vraiment soupé de ces tournois factices pour des amours qui ne
se réalisent jamais. Son corps réclame ce que les mots finissent
par ne jamais lui accorder. Il sent monter en lui une sève qui
l'étouffe, qui lui fait perdre la tête tandis que sa dame, stoïque
et lointaine, semble ne rien éprouver, n'avoir ni désir ni envie.
Il
est certain que l'éducation de l'époque n'est pas favorable à
l'épanouissement des pulsions intimes, des désirs charnels qui
semblent réservés au commun des mortels : ces pauvres hères
qui vivent tout juste comme des bêtes. La chevalerie a une éthique,
un code d'honneur et des valeurs qui rendent la vie triste et le
corps prisonnier des convenances. Lancelot, la lance en berne, ne
désire plus le sourire gentillet de dame Guenièvre.
Il
la veut lascive et offerte. Il souhaite la prendre dans ses bras, se
perdre en baisers brûlants, en caresses torrides. Mais comment
faire, engoncé dans cette maudite armure, enfermé dans des
conventions qui sont bien trop convenables ? Le poids du
religieux s'impose à tous : Guenièvre est aux mains de son
confesseur : un être à la face d'hypocrite qui se délecte de
juguler ainsi l'amour des deux jeunes gens sous une ganse de
préceptes moraux absurdes.
Lancelot
a fait son deuil de sa belle. Elle n'est que simagrées et
minauderies. Il veut partir à la quête d'une vraie femme, d'une
amante libre et émancipée, d'une louve qui saura se faire chatte,
d'une lionne qui osera lui donner des coups de griffes avant que de
s'abandonner dans une sarabande de frissons intimes.
Hélas,
son époque n'est pas de celles où il a la moindre chance de trouver
chausse à son pied. Il doit franchir la porte des siècles, aller
quérir son inaccessible étoile. Quelque part justement dans un
palais froid et lugubre, une princesse se morfond. Elle a épousé un
sacré luron, un homme qui ne pense qu'à collectionner les femmes,
les saisir à la va-vite, jouir sans délicatesse de la donzelle
avant que d'aller rechercher un autre trophée.
Son
Henry sent l'ail, le vin, la mauvaise éducation. Nulle finesse dans
sa conversation. L'amour pour lui n'est que le prolongement de la
guerre. Il encercle la place, en fait un siège de façade, finir par
l'investir sans fleur ni roucoulade. Henry prend, se goinfre sans
partage, laisse la proie à sa toilette et se remet en chasse.
Ses
manières l'exaspèrent. C'est un soudard sans imagination. Il force
le passage, se dispense de la moindre caresse. Il s'introduit pour se
déchaîner en de brefs soubresauts. Il se répand en un râle qui
tient plus de la bête que du gentilhomme, tel que Margot avait cru
le discerner parmi les chevaliers de la table ronde. Décidément,
elle s'est fourvoyée en ce siècle de sang et de guerre religieuse.
C'est
alors que, sur son fier destrier, Lancelot franchit le miroir devant
lequel Margot pleurait en silence. Il était là, le preux chevalier
de ses songes, le porteur de tous les rêves, de tous les espoirs
qui donnaient à ses nuits des allures d'épopée magnifique où elle
sentait monter en elle les vibrations d' un plaisir dont elle
ignorait tout. Margot voyait toujours ce noble cavalier et voici que
,soudain, il venait se prosterner à ses pieds.
Ce
qui se passa alors ne doit pas être décrit. Les amants ont besoin
du secret de l'alcôve. Ils avaient tout à découvrir l'un de
l'autre et, pour eux, le plus délicat était de se mettre à nu. La
dame était revêtue d'une multitude d'étoffes, toutes plus
chatoyantes les unes que les autres, dissimilant son pauvre corps
sous des monceaux de tissus. Lancelot n'était pas mieux loti et
jamais il n'avait appris à se défaire de son carcan de fer sans son
fidèle écuyer.
L'effeuillage
releva de l'épreuve initiatique et de la brûlure la plus folle. Ils
étaient braises, ils se perdaient en maladresses innombrables, en
énigmes vestimentaires. Mais comment diable retirer ce pourpoint ?
Que faire de cette guêpière ? Je vous passe les mille et une
entraves qu'il leur fallut faire sauter.
Margot
se faisait fontaine, Lancelot étendard douloureux. Leurs bouches
découvraient le goût de l'autre, leurs mains se mêlaient, leurs
corps se réclamaient. Quand, après bien des efforts, la peau
s'offrit au regard de l'autre, il n'était plus temps de susurrer à
l'oreille des phrases éternelles et des mots chevaleresques. La lave
coula dans leurs veines ; ils se diluèrent totalement dans le
feu de la passion.
C'est
ainsi que Lancelot trompa sans vergogne le brave Henry. Le Navarrais
n'en sut rien. Un couteau vint se ficher dans son dos ; la
poule au pot obtenait ainsi sa revanche. Margot fut lavée du péché
d'adultère par l'entremise de Ravaillac, bonne âme qui lui rendit
ce fier service. Dans un murmure d'extase, Lancelot cria à sa belle
: « Tu es ma reine ! » et tous deux s'envolèrent dans
une bulle de savon …
Uchroniquement
leur.
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