Les haleurs du Canal
Au tout petit matin, par un froid de chien
Se réveillent tout engourdis par leur courte nuit
L'François et le Jean-Nicolas, nos bons amis
Ne tarderont guère à se remettre en chemin
Leur profession, c'est là leur plus grand malheur
Les place tous deux au rang des bêtes de somme
Sur les chemins de halage ne sont plus des hommes
Mais des forçats qui ploient sous leur rude labeur
Quand vient l'heure pour ces colosses de s'harnacher
Enfilent précautionneusement le las
Ce maudit harnais qui au rythme de leur pas
Enserrera leur ventre toute la journée
C'est alors qu'ils s'empilleront la bricole
La toile matelassée en bandoulière
Qui durant la journée toute entière
Leur brisera l'épaule à l’instar d'un licol
À deux cordes de chanvre, chacun s'attelle
Accrochées au verdon de la flute sur l'avant
L'un à hue, l'autre à dia, ils s'en vont marchant
Saquent le batiau telles de vieilles haridelles
L'inertie de la flute vaincue sous l'effort
Le bateau se met lentement en action
Un effort qui engendre satisfaction
Sans qu'ils en obtinssent le moindre réconfort
Ployant sans répit sous la terrible pression
De temps à autre désembouclaient leur brocile
Soulageant l'épaule d'une douleur indocile
Tiraient sur les reins en marchant à reculons
Puis reprenaient leur lancinante avance
Une pesée sur l'épaule suivie d'un temps mort
Pesée, temps mort ; pesée temps mort ; pesée temps mort …
Ils appuient et ils relâchent en cadence
Ne jamais perdre l'allure batelière
En maintenant l'inexorable mouvement
Ne s'arrêtant qu'une heure pour un petit mangement
Jusqu'à ce qu'enfin, la nuit ne les libère
Au terme de cette journée de galère
Ils pouvaient enfin se détacher, tudieu
Ayant parcouru seulement quatre lieues
Pour un si maigre salaire de misère
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