dimanche 28 mars 2021

Le connecté permanent.

 L'à cran plat !






Il est un homme qui n'a pas une minute à lui, toujours occupé, toujours l'œil sur un écran, il mène son chemin sans perdre de vue l'essentiel à ses yeux. C'est ainsi qu'il méconnait les beautés qui s'offrent à lui, les paysages qui croisent sa route, les autres qui n'ont pas l'heur d'apparaître sur ces cristaux liquides …


Il est le petit fils de l'homme nasal. Son aïeul, bien que gardant en partie la même posture, avait la main baladeuse et le regard fixé sur la ligne bleue des Vosges. Ce sont les fosses nasales qui occupaient l'homme d'alors, curetage en règle, nettoyage précis, quelques poils à arracher, vous permettaient de passer le temps et d'accepter les temps morts.


Il est le lointain ascendant du charretier. Celui-là avait les mains occupées, par le fouet et les rênes. Il ne perdait pas de vue une miette de ce qui défilait devant lui. C'est la langue, qu'il avait vagabonde : jurons, injures, blasphèmes et autres quolibets, fleurissaient son langage et parsemait son chemin d'un crottin magnifique et d'un discours abondant. À hue à dia, fouette coché !


Mais les temps ont bien changé, les mains n'ont plus tant à faire et notre homme d'aujourd'hui a bien d'autres chats à fouetter. Le Monde entier est à sa fenêtre, il défile sous ses yeux sans qu'il ait besoin de se déplacer. Mais la folie lui interdit de rester en place ! C'est en allant son train qu'il va d'écran plat en écran plat, d'occupations diverses en sollicitations parasites !


Il ne peut se déplacer sans faire suivre les mélodies de son cœur. Les oreilles bourdonnent de musique ou de nouvelles, il ne faut rien manquer de l'actualité de la planète ou des nouveautés de la scène. Le curseur ne cesse de se déplacer sur une bande F.M. qui nécessite grande vigilance. Parfois, il dispose, pour lui simplifier la tâche, d'une molette opportune !


Il doit rester en contact avec la bande de ses amis, relations ou clients potentiels. L'oreille collée à son téléphone modulaire, il est en relation quasi permanente avec ceux qui vont une autre route que lui. Il répond, il appelle et quand la farandole cesse, il s'autorise quelques messages qu'il pianote d'un doigt expert.


Il se se satisfait pas de ces seuls écrans. Il a besoin de tout savoir. Homme sans idéologie, il a besoin d'un guide, d'une voix à suivre qui le rassure et le berce de la douce illusion de ne pas se perdre en route. Il lui faut commander la boîte magique, indiquer sa destination, proposer une bifurcation si le flux se fait trop dense. Il pianote encore d'un autre doigt, d'une autre main, avec un œil sur l'un et l'autre, accessoirement sur son chemin.


Il s'est encore doté d'un plus petit écran. Un animal rusé, petit canidé d'Amérique du nord qui l'avertit quand, des humains éponymes cherchent à faire de lui une vache à lait. Il est à l'affut de tout, guette le contrôle inopiné et indique sa présence d'un nouveau doigt disponible pour que ses frères rusés évitent eux aussi de tomber dans le panneau.


Il est le chef d'orchestre de tous ces écrans. Il est contrôleur aérien, réalisateur de télévision, ingénieur ou scientifique. Il faut veiller à tout, rester attentif au moindre signal, au plus petit appel. C'est un emploi à plein temps, une jonglerie virtuose. Passer de l'un à l'autre, ne rien manquer et tout contrôler.


Il en oublie de s'occuper pourtant de ce qu'il était censé faire. Monsieur conduit une voiture, il aime aller vite, ne respecte ni les limitations ni les règles contraignantes qu'on s'échine à vouloir lui imposer. Il va sa route, relier par tous ces fils invisibles qui finissent par le détourner de sa mission première. Il ne regarde pas droit devant lui, un camion se trouve sur son chemin et ses écrans ne lui disent rien. L'à cran de la communication, passe sous le monstre, c'est à son tour d'être tout plat. Hélas, s'en est fini de lui, toutes ces communications sont coupées !


Platement leur.


 


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