jeudi 11 mars 2021

L'arbre généalogique.

 

Faire souche.

 





Français de souche : la belle expression qui fleurit dans la bouche de nos joyeux agitateurs est remarquable à plus d'un titre. Elle mérite qu'on s'y arrête pour mesurer l'incongruité de la métaphore au royaume des arbres généalogiques. La souche est, si je ne trompe, cet entre-deux qui sépare de manière incertaine le tronc et les racines. Si près du sol, la souche est encore solidement fixée à la terre. Mais est-ce encore celle de ses ancêtres ?


Il ne faut pas nier nos racines : ce sont elles qui nous ont fait grandir, nous ont nourris et nous ont construits. Les unes courent au ras du sol, d'autres s'enfoncent profondément dans la terre. Toutes se ramifient, se divisent indéfiniment à mesure qu'elles s'éloignent du tronc. Ce sont des racines que les charpentiers tiraient les membrures des bateaux : ces parties arrondies qui maintenaient solidement l'embarcation à flot ; c'est l'élément sur lequel l'individu s'appuie et se définit. C'est grâce à elles que le bateau reste à flot dans les tourmentes des temps incertains ...


Nos racines, si nous ne pouvons les nier, demeurent cachées, mystérieuses, invisibles à la surface. Elles sont notre code génétique, notre carte de visite secrète. Elles n'ont pas à être exposées ; elles doivent se terrer dans l'ombre pour nous apporter toujours et encore cette sève qui nous nourrit. Si l'on coupe notre tronc nos racines disparaissent, l'inverse est pareillement vrai.


La souche n'existe dans la forêt que lorsque le tronc a été coupé, a subi l'assaut des bûcherons. À bien regarder Nadine Morano, on comprend que les ouvriers sylvestres aient commencé par étêter les branches avant que de s'attaquer au corps. Mais à part cette dame, personne, doué d'un minimum de compétences botaniques, ne peut prétendre qu'un arbre ne repose que sur sa seule souche.



Laissons cette pauvre femme persister dans l'erreur. Au bout de ses branches, je ne serais pas surpris de trouver des glands. Je n'imagine pas d'autres fruits issus d'un arbre pareil. Les lois de la génétique sont redoutables : elles portent la sentence d'une plantation incertaine. Aucune greffe ne saurait prendre sur un arbre sans racine, la dame semble l'avoir oublié.


Nous sommes des troncs qui donnons des branches. Ces dernières produisent des fruits qui iront semer d'autres arbres. Ceux-là auront des racines et ainsi se perpétuera la longue chaîne de la vie. Le fruit ne germe que sur la terre où il se pose, il ne surgit pas par la seule intervention du Saint Esprit, influencée par nos origines judéo-chrétiennes. Les arbres n'ont pas de religion, c'est ce qui me les rend sympathiques.


Alors laissons la dame s'inventer une histoire qui n'a pas de sens. La souche est le talon d'Achille de sa pensée, pour improbable que puisse être une pensée chez elle. Elle n'a sans doute pas eu le ticket gagnant : les racines du mal-être sans doute. Le tronc est tordu, les branches maigrelettes, les feuilles clairsemées et les fruits indigestes. Il serait préférable que la dame ne fît point souche.


Quand les mots se coupent de la réalité, quand la souche remplace les racines, on peut s'interroger sur le glissement qui se joue. On remarque, et c'est singulier, que la souche est unique quand les racines sont multiples, comme si ces gens voulaient choisir parmi leurs ancêtres ceux qui étaient dignes de considération, présentables et conformes à leur idéologie de la pureté des races.


Nous avons vu par le passé les dégâts de la sélection, les méfaits du refus des mélanges. Cette souche sent l'eugénisme et le racisme. Autant de qualités qui conviennent bien à la dame. Elle fait feu de tous bois avec ses propos scabreux ; elle sème le vent et oublie que c'est l'ennemi des arbres, les plus solides qui soient. A-t-elle seulement lu La Fontaine un jour ?


Ignorons donc cette absurde facilité de langage. L'arbre a des racines et sa souche n'est que ce qui reste de lui quand il s'en va à la scierie. Une destination que ferait bien de prendre cette noble dame. Touchons du bois pour qu'elle cesse de faire tort à l'intelligence. Rien ne serait pire que de penser qu'elle puisse semer ses idées nauséeuses un peu partout. Pourvu qu'elle ne fasse pas de rejets ni de boutures sur des souches d'origines certifiées ...


Botaniquement sien.


 

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