jeudi 27 août 2020

Les Arènes d’Orléans



De l’abreuvoir à l’Aréna



Il y eut à Orléans un théâtre antique, des arènes qui devront laisser place dans l’esprit des orléanais à une construction pharaonique : l’Aréna pour abriter les dieux du stade et du monde du spectacle. Un A majuscule qui fait la différence sans doute tout comme la lettre finale et ce plagiat patronymique en référence à l’Orléans Aréna de Las Végas. Prenant conscience de la confusion, la chose prend de la hauteur pour annoncer quelques malheurs financiers et devient la Co’Met. Au jeu de la roulette, les 10 000 spectateurs de ce projet effaceront les vestiges d’un passé trop lointain.

Si la première construction laissa place bien plus tard à un abreuvoir, la seconde relève davantage du puits sans fond. Mais l’essentiel est de donner du pain et des jeux aux contribuables toujours mis à contribution. Même si comparaison n’est pas raison, mesurons la vacuité de toute chose à l’aulne du passé ...

Le théâtre antique date du premier siècle de notre ère. Il est en bois et se love à l’extrémité orientale de la cité romaine, à deux pas de la Loire sur la rive droite. Les fouilles ont laissé apparaître les murs curvilignes supportant les gradins. Puis, un siècle plus tard, les occupants construisent en dur, bien décidé qu’ils sont à rester vivre dans notre Val. Un vomitoire est attesté, non pas pour y évacuer le trop plein de vin de Loire mais pour laisser le public accéder aux gradins même si en cette lointaine époque la vente de l’alcool n’était pas prohibée dans les stades.

L’arène n’a rien à envier à la future Aréna. La mégalomanie ne date pas d’aujourd’hui. L’édifice est vaste, un diamètre de plus de 100 mètres dont 38 mètres pour la fosse centrale. Les éléments décoratifs en dur ont été vraisemblablement éparpillés quand ce lieu de culture ne fut plus qu’une carrière de pierre. Il y eut sans doute une pandémie pour justifier pareil désastre... Certains furent retrouvés en bord de Loire cependant lors de l’aménagement du port. C’était des pavés en calcaire cristallin très dur venant de Beauce tout comme le blé pour financer tout ça. Des blocs moulurés attestent de la volonté d’esthétisme à l’époque.

En raison de ses dimensions et de sa forme, le théâtre suppose une grande surface libre pour son implantation. Il est donc à la périphérie de la cité. Le théâtre est constitué de trois parties inscrites dans un demi-cercle : les accès et les gradins (cavea), l'orchestre, la scène. Scène et une arène sont réunies pour des représentations théâtrales ainsi que des spectacles de combats et de chasses. D'abord bâti en bois il est remplacé progressivement par une construction en dur. Comme pour la muraille du quatrième siècle, le mur est constitué de rangs de pierres et de briques alternés. Le théâtre romain possède un mur de scène figurant souvent une façade de palais, ce sont ces parements qui ont été retrouvés ailleurs.

Lieu de distraction, le théâtre permet à la plèbe et aux notables de s'y côtoyer. Il est ainsi un outil de socialisation contrairement à nos nouvelles arènes avec leurs loges au-dessus des gradins du peuple. Mais oublions ces comparaisons d’un autre temps pour replonger dans notre antique théâtre disparu.

Rapidement, le théâtre devient une carrière de pierres. Moins de deux siècles plus tard, elles alimentent les constructions voisines, preuve que grandeur et décadence ne sont jamais éloignées. Gageons qu’il n’en ira pas différemment pour ce monstre de béton et de verre que nous érigent nos nouveaux princes. Un millénaire plus tard, l’endroit retourne aux véritables valeurs puisqu’une vigne y est cultivée après que les pierres encore restantes furent enlevées pour d’autres usages. Le tout fut remblayé pour planter les ceps et faire ainsi du vin véritablement sang d’une terre qui aura connu certaines turpitudes. Aujourd’hui il n’est plus qu’une lointaine référence pour ceux qui lisent encore les plaques de rue.

On peut imaginer ce que deviendra l’Aréna quand le sport et les manifestations à grand spectacle se seront dissouts dans la déliquescence de notre société en perdition. D’ici là, nous ne serons plus que poussière, nous aussi. Il n’y aura plus ni pain ni jeu qu’importe la forme adoptée pour donner au bon peuple sa dose d’anesthésiant.

Architecturalement leur. 


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