De
l’abreuvoir à l’Aréna
Il
y eut à Orléans un théâtre antique, des arènes qui devront
laisser place dans l’esprit des orléanais à une construction
pharaonique : l’Aréna pour abriter les dieux du stade et du monde
du spectacle. Un A majuscule qui fait la différence sans doute tout
comme la lettre finale et ce plagiat patronymique en référence à
l’Orléans Aréna de Las Végas. Prenant conscience de la
confusion, la chose prend de la hauteur pour annoncer quelques
malheurs financiers et devient la Co’Met. Au jeu de la roulette,
les 10 000 spectateurs de ce projet effaceront les vestiges d’un
passé trop lointain.
Si
la première construction laissa place bien plus tard à un
abreuvoir, la seconde relève davantage du puits sans fond. Mais
l’essentiel est de donner du pain et des jeux aux contribuables
toujours mis à contribution. Même si comparaison n’est pas
raison, mesurons la vacuité de toute chose à l’aulne du passé
...
Le
théâtre antique date du premier siècle de notre ère. Il est en
bois et se love à l’extrémité orientale de la cité romaine, à
deux pas de la Loire sur la
rive
droite. Les fouilles ont laissé apparaître les murs curvilignes
supportant les gradins. Puis, un siècle plus tard, les occupants
construisent en dur, bien décidé qu’ils sont à rester vivre dans
notre Val. Un vomitoire est attesté, non pas pour y évacuer le trop
plein de vin de Loire mais pour laisser le public accéder aux
gradins même si en cette lointaine époque la vente de l’alcool
n’était pas prohibée
dans les stades.
L’arène
n’a rien à envier à la future Aréna. La mégalomanie ne date pas
d’aujourd’hui. L’édifice est vaste, un diamètre de plus de
100 mètres dont 38 mètres pour la fosse centrale. Les éléments
décoratifs en dur ont été vraisemblablement éparpillés quand ce
lieu de culture ne fut plus qu’une carrière de pierre. Il y eut
sans doute une pandémie pour justifier pareil désastre... Certains
furent retrouvés
en
bord de Loire cependant lors de l’aménagement du port. C’était
des pavés en calcaire cristallin très dur venant de Beauce tout
comme le blé pour financer tout ça. Des blocs moulurés attestent
de la volonté d’esthétisme à l’époque.
En
raison de ses dimensions et de sa forme, le théâtre suppose une
grande surface libre pour son implantation. Il est donc à la
périphérie de la cité. Le théâtre est constitué de trois
parties inscrites dans un demi-cercle : les accès et les gradins
(cavea), l'orchestre, la scène. Scène
et une arène
sont réunies pour des représentations théâtrales ainsi que des
spectacles de combats et de chasses. D'abord bâti
en
bois il est remplacé progressivement par une construction en dur.
Comme pour la muraille du quatrième
siècle,
le mur est constitué de rangs de pierres et de briques alternés. Le
théâtre romain possède un mur de scène figurant souvent une
façade de palais, ce sont ces parements qui ont été retrouvés
ailleurs.
Lieu
de distraction, le théâtre permet à la plèbe et aux notables de
s'y côtoyer. Il est ainsi un outil de socialisation contrairement à
nos nouvelles arènes avec leurs loges au-dessus des gradins du
peuple. Mais oublions ces comparaisons d’un autre temps pour
replonger dans notre antique théâtre disparu.
Rapidement,
le théâtre devient une carrière de pierres. Moins de deux siècles
plus
tard, elles alimentent les constructions voisines, preuve que
grandeur et décadence ne sont jamais éloignées. Gageons qu’il
n’en ira pas différemment pour ce monstre de béton et de verre
que nous érigent nos nouveaux princes. Un millénaire plus tard,
l’endroit retourne aux véritables valeurs puisqu’une
vigne y est cultivée après que les pierres encore restantes furent
enlevées pour d’autres usages. Le tout fut remblayé pour planter
les ceps et faire ainsi du vin véritablement sang d’une terre qui
aura connu
certaines turpitudes. Aujourd’hui il n’est plus qu’une
lointaine référence pour ceux qui lisent encore les plaques de rue.
On
peut imaginer ce que deviendra l’Aréna quand le sport et les
manifestations
à
grand spectacle se seront dissouts dans la déliquescence de notre
société en perdition. D’ici là, nous ne serons
plus
que poussière, nous aussi. Il n’y aura plus ni pain ni jeu
qu’importe la forme adoptée pour donner au bon peuple sa dose
d’anesthésiant.
Architecturalement
leur.
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