Itinérance
poétique
C’est
un lampion à la main qu’une curieuse troupe remonte une passerelle
hésitante, transformant leur progression incertaine en une danse
chaloupée. Au crépuscule, les aventuriers de la démarche
artistique s’en vont affronter la nuit, une végétation
luxuriante, des embuscades inattendues et poétiques. Ils suivent un
chemin lumineux, tracé à même le sol par des lampions allumés
sans doute par de joyeux farfadets.
L’obscurité
dissimule les installations déposées sur cette île artificielle
qu’on nomme ici un duit, offrandes d’artistes créateurs,
provoquant surprise et réflexion, interrogation et surprise.
Qu’importe, il conviendra de revenir en plein jour pour jouir du
spectacle. Ce soir, l’essentiel est ailleurs …Nous devons
accepter de nous laisser guider, porter au delà de nos oripeaux
d’humains formatés, conditionnés, privés de leur imaginaire.
La
métamorphose n’est cependant pas aisée. Les maudits portables
continuent leur ronde destructrice de la capacité d’admiration.
Les irréductibles posent devant une statue ou pire encore, se
mettent au centre de la proposition. Il leur faut encore filmer ou
photographier tout ce qui passe à leur portée, comme si, admirer
n’avait désormais plus d’intérêt. La nuit venue, ils
renonceront enfin à leur prothèse pour devenir à leur tour, de
véritables acteurs de l’aventure et non point des « Tintin
reporter » d’un univers qui n’existe qu’à travers leur
écran.
Il
y a pourtant tant d’émotions à vivre, simplement avec son cœur
et ses yeux, qu’il n’y a pas besoin de truchement numérique.
C’est toujours par surprise que surgit une invitation à la pause.
Le groupe à la queue leu leu, se fige soudain, le silence (condition
essentielle à ce voyage initiatique) s’impose et chacun de
considérer comme il l’entend ce qui se présente à son
interprétation.
Décrire
par le menu les invitations n’a pas vraiment de sens. Chaque
nocturne déroule son propre projet, un programme original qui fait
de ce trajet, une aventure unique, bien dans l’esprit du créateur
de cette merveilleuse folie. Qu’importe les obstacles dressés par
l’intendant des généralités, les réserves ou le désintérêt
de l’échevin, l’incompréhension de la culture officielle
locale, Nano reste fidèle à ses envies, ses désirs et ses
convictions.
Il
a encore l’immense chance d’être suivi par une bande de
bénévoles qui pour une fois est constituée d’un large
échantillon d’âges, de conditions, d’origines. C’est encore
ce qui fait la richesse de ce moment unique dans la vie d’une cité
plus soucieuse de conformisme que de cette incomparable touche
d’excentricité créative.
Mais
revenons à ce parcours d’un soir, au milieu d’une Loire qui
propose des reflets inquiétants certes mais plus encore d’une
incroyable beauté, curieusement du reste, sur cette rive oubliée
des bourgeois de l’endroit. Un danseur aux membres démesurés ,
posté sur un tronc d’arbre nous propose la métaphore de la genèse
de l’humain. Affranchi de son arbre, il lui faudra encore
s’émanciper de ses chaînes avant que d’accéder au langage.
Plus
loin, c’est un charmeur de serpent qui enchantera le long périple
de notre serpentin lumineux. Sous les piles d’un pont, la musique
fait écho, la nuit donne alors à ce moment une dimension
fantasmagorique qui ne peut qu’émouvoir ces gens, enfin contraints
à l’émerveillement. La magie opère désormais et chaque invite
sera acceptée avec cette qualité qui nous fait si souvent défaut
sur la terre ferme : « La Curiosité ! ».
Des
chorégraphies toujours plus symboliques parsèmeront notre long
cheminement plus intérieur qu’itinérant. L’émotion à chaque
fois est palpable, les spectateurs hésitant parfois à applaudir
tant il apparaît évident que le moment vécu exige respect et
admiration sincère. Des artistes se mettent en danger dans la nuit,
profitant des arbres pour illustrer le grand théâtre de
l’existence.
Parmi
ceux-là, une graine va germer. Fragile, elle s’élèvera vers le
faîte de son arbre en une danse majestueuse tandis qu’un récitant
invisible, en appelle à notre déraison : « Lorsque la peur
de déplaire cesse, de la créativité, un individu émerge ! »
C’est certainement la leçon d’un parcours unique et magnifique.
Vous pouvez vous aussi en jouir, cette année ou bien les années
suivantes pourvu que les méchants ne viennent pas entraver ce voyage
libérateur.
Le
retour sur la rive sud est accompagné de deux danseurs évoluant sur
l’eau. Ici, on s’émancipe de toute logique. L’essentiel est
au-delà du visible, nous avons été un temps, naufragés du réel,
pour notre plus grand plaisir. Merci à tous ceux qui ont contribué
à ce moment en suspension, à ce rêve éveillé qui modifie notre
perception des choses.
Reconnaissancement
leur.
Ne comptez pas sur moi pour vous montrer la magie du duit
Allez-y !
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