L’habitude
ne fait rien à la colère …
Voilà bien une expression
qui va comme un gant de boxe à la langue française d'autant plus
que depuis que la langue de bois flotte parmi les écueils de la
politique, nous sommes abreuvés de situations qui nous contraignent
à appliquer à la lettre ce déplorable conseil. À longueur de
temps, il nous faut donc prendre des
vessies pour des lanternes sans que mensonges et tromperies
apportent, d’ailleurs, la moindre lumière sur l’obscurité des
temps.
Nous eussions pu tout aussi
bien prendre ces vessies que nous avons mises à la tête de notre
nation pour des citernes. Hélas, ce sont elles qui font réserve,
qui accumulent avantages et profits tandis que nous devons sans cesse
cracher au bassinet et vider nos bourses pour entretenir ces si
ternes personnages.
D’autres ont cru un
instant que le candidat de leur cœur était un messie qui allait
éclairer le monde de sa formidable lucidité. Nous avons payé pour
voir combien ces beaux parleurs n’étaient rien que des vases
creux, de pauvres pantins incapables de mettre en application des
programmes qui ne servent qu’à leurrer les électeurs. Nous
n’espérons plus rien de l’homme providentiel : la foi vient
à manquer à un nombre croissant d’électeurs.
L’énurésie est
désormais notre lot commun. Nous faisons cauchemars sur cauchemars
dans cette nation dont plus aucune institution ne borde le lit de la
colère qui monte. Si lanternes il y a, elles seront sans doute
brandies à bout de bras pour y promener quelques tête de ci-devant.
Les plus souffreteux passent désormais leurs nuits debout pour
éviter de nouvelles fuites. S’il le faut, ils rajouteront de
nouvelles couches pour faire comprendre le message du ras-le-bol.
La vessie de porc n’est
plus consensuelle. La lanterne à huile non plus. Il y a de
l’électricité dans l’air entre les amateurs de charcuterie et
les communautés qui brocardent le verrat. L’éteuf de jadis, celui
qui permettait de faire grandes et belles parties de soule devient un
objet de discorde, une baudruche prête à éclater. Voilà une
vessie qui ne se fait plus rengaine, elle annonce des temps de
luttes intestines : l’histoire risque fort de tourner en eau
de boudin.
Le lent terne qui nous
tient lieu de phare présidentiel souhaite conserver le pouvoir en
dépit de son impopularité sidérante. S’il y a matière à
plaisanter sur sa capacité à faire pleuvoir, ce n’est pas ainsi
pourtant qu’il réussira à remplir vessie et bourses, urnes et
mission. S’il y quelques lumières à son approche, ce ne sont que
celles de l’ambulance sur laquelle il ne convient plus de tirer,
tant la messe est déjà dite !
Nous pourrions encore
prendre cette triste vessie pour une baderne : cette tresse qui
met le navire à l’abri des chocs. Hélas, le pauvre garçon ne
nous a en rien préservé du risque
frontiste mais en prime, il a encore amplifié celui
de la lourde menace. Capitaine de pédalo, il sera bon qu’il
profite de la quille pour prendre enfin le large, loin des suffrages
tourmentés.
Il ne nous reste plus qu’à
aller remplir nos vessies dans quelques tavernes borgnes, ces lieux
où l’on refait le monde. Il y a tant à faire en ce domaine ! Nous
avons bu la coupe jusqu’à la lie, nous sommes devenus des
pisse-froids, des pauvres déçus du grand soir. En levant nos
verres, nous allons retrouver cette fraternité qui nous a manqué
jusqu’alors pour bouter tous ces guignols d’un pouvoir qu’ils
usurpent depuis trop longtemps.
Car voyez-vous, en
changeant les règles, en refusant l’égalité du temps de parole
pour les différents candidats, en s’accaparant les fonds publics
pour financer leurs campagnes, en organisant des primaires qui sont
de vastes supercheries afin de ne parler que d’eux; nos joyeux
drilles du mensonge et de la forfaiture nous ont, encore une fois,
fait prendre des vessies pour des lanternes. Je crois que, cette
fois, la corde a fini par casser :
le bon peuple n’en peut plus et se dresse pour leur donner congé.
Dehors, les aristocrates à la lanterne … Ah ça ira, ça ira !
Nous ne pisserons plus dans un violon, nous les y mettrons
définitivement !
Lanternement leur.
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