Partir
À quoi rêvent les bateaux qui restent à quai ?
Ces éternels prisonniers de leurs entraves
Ils ont pour seules visions devant leur étrave
Des anneaux rouillés et cette maudite jetée
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Ils aimeraient partir à l'aventure
Demeurent figés ici pour l'éternité
Pauvres coques immobiles et délaissées
Un pied à terre en villégiature !
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Ils se voyaient en intrépides coursiers
Toujours en action à travers la planète
Ils se retrouvent pendus à des cordelettes
Condamnés à ne voir passer que des pieds
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Ils espèrent ne serait-ce qu'un passage
Maigre considération que puisse accorder
Qui se croit armateur sans même naviguer
Préférant le ponton au grand vent du large
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Ces bateaux ne sont que de belles façades
De riches jouets qu'on expose pour affirmer
Une réussite qui permet de parader
En se prenant pour l'amiral de la rade
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Ils s'imaginent affrontant de gros rouleaux
Résistant aux assauts d'une mer démontée
Goûtant à cette merveilleuse liberté
D'être intrépide, luttant contre les flots
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Un jour, ils ont été un simple caprice
Une envie qui sera hélas sans lendemain
Un acquéreur, qui bien que novice
Se pensait le plus prestigieux des marins
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Depuis ils demeurent à jamais entravés
Abandonnés à ce roulis impavide
Sans autre espoir que de délicats clichés
Que leur accorderont des regards trop vides
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