vendredi 4 novembre 2022

Petite fugue d'autrefois ...

 

Le maître des chœurs

 


 



Le Grand Compositeur universel a mis l’Europe à feu et à sang pour que cette histoire prenne corps dans un petit village du Gers. Une étrange symphonie aussi pathétique que pastorale va nous conduire à travers temps et espace pour vous narrer la mirifique aventure du maître des chœurs.


Tout a commencé bien avant lui, il faut l’avouer, par une crise économique, copie prémonitoire à celle que nous vivons aujourd’hui. L’histoire aime à faire des pieds de nez sans rime ni raison et aussi paradoxal que cela puisse paraître, notre homme ne serait pas là sans la crise de 1929 …


Avec un nom à parcourir le monde à bicyclette, un bel italien quitta soleil et racines pour s’en aller quérir le labeur et sa pitance dans la grisaille d’une Alsace qui se pensait française. Il trouva femme et pignon sur rue, pays de naturalisation et destin à venir. Au fil des naissances, une famille se constitua pour affronter le pathétique qui se présentait à l’horizon de la ligne bleue des Vosges.


Le café familial attisait la jalousie d’une voisine qui condensait déjà toutes nos bassesses nationales. Elle avait une devise qui sera partagée par bon nombre de ses contemporains : « Trahir en dénonçant ! »


Les clients d’alors étaient des soldats français dans l’attente insouciante d’une guerre qui se devait d’être victorieuse et rapide. De génération en génération, la soldatesque ne brille pas dans l’art complexe de la divination … Un couvre feu contourné, une première dénonciation pour se faire la main et préparer la fugue à venir.


Quelques mois plus tard, les uniformes avaient viré au vert de gris, le décor n’avait pas changé et la voisine se mit au germanique pour rappeler les origines douteuses de cette honorable famille. La kommandantur avait suppléé la préfecture et la famille devait partir. Trente kilogrammes de bagages, aucun objet de valeur, et tous les souvenirs d’une vie qu’on laisse derrière soi !


Tous les étrangers de la terre ont appris la terrible loi de l’exil ; cette dépossession de tout qui vous prive aussi de vous-même. Les charters d’aujourd’hui ou les trains d’avant-hier conduisent toujours vers ces centres de détention ou de rétention où l’homme se résume à un matricule.



Leur camp fut celui de Mauvezin. Trois semaines de paillasse et d’angoisse, la peur du mouchard et du lendemain. L’horreur dans un village pourtant si joli. L’administration, cette entité souveraine en tout à toutes les époques, décréta que Le Houga serait le point de chute de notre famille alsacienne.


La famille Binda débarqua au cœur d’un village désert. Des marches furent leur bouée de détresse en attendant l’arrivée du maire à bicyclette. La roue du destin venait de tourner même si le ciel n’était pas encore dégagé !


Dans le Gers, on sait accueillir à l’exception de quelques inévitables brutes qui traitèrent de sales « boches » ceux qui osaient ainsi venir manger le pain des vrais français ! Ceux-là, ont encore aujourd'hui des descendants zélés qui ne supportent pas tous les porteurs d'accents exotiques. Ils doivent nous servir de repoussoir, ces êtres craintifs et peureux, dangereux et lâches.


Nous laisserons ici la place qu’à tous les gestes généreux que la famille Binda trouva en ce beau pays. Par conviction religieuse, politique ou simplement humaine, des gens ordinaires tendent les bras et le cœur quand d'autres montrent d'un doigt vengeur !


La solidarité de la communauté italienne fit le reste et permis de passer ses heures sombres. Ils avaient tout perdu, il leur était aisé de se satisfaire de presque rien ! Puis la vie bascula pour Mariette, la fille Binda trouva auprès de Fernand, le gars du pays, le bonheur dont la folie des hommes et une voisine d'Alsace avaient voulu la priver.


La guerre devint un mauvais souvenir, Mariette resta dans le Gers et les autres Binda, retrouvèrent une Alsace à nouveau française. Ils retrouvèrent une auberge où plus rien n'était resté. La voisine zélée lorgnait sans doute sur quelques jolis meubles qui avaient changé de maison. Contrairement à l'adage, il y a parfois des biens mal acquis qui profitent pour la vie.


Irène reviendra quelques années plus tard dans ce département où son accent restera toujours merveilleusement exotique. Elle y épousera le René. A Magnan, une maison se remplit d’enfants. A chaque nouvelle naissance, l’arrivée du petit dernier se précisait. Dix ans avant que l’homme ne marche sur la Lune, un dernier enfant sourit à celle-ci ! Le maître de chœur était né et cette histoire là, ne nous concerne pas …




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les anodontes pour quelques grains de folie

  L'anodonte. Loin de n'être que coquille vide Elle fut jadis prisée par les humains Lorsque les cours d'...