lundi 21 décembre 2020

Échanges à fleurets pas toujours mouchetés

 Un billet et tous ses commentaires.




    Écrire un billet quotidien n'est pas l'essentiel du défi que je m'impose depuis quatre longues années. Le texte est envoyé au fil de la grande vague, il vit sa vie et provoque parfois des réactions, des réponses, des commentaires auxquels je me suis astreint à répondre systématiquement. Parfois, le billet ne provoque aucun écho, pas le plus petit émoi, ni la moindre colère. C'est un coup d'épée dans l'eau, un silence lourd de reproches et d'indifférence.
    
    D'autres fois, il provoque une avalanche de remarques. Le débat fait rage, la réplique est cinglante, le propos vif ou virulent, acide ou bien perfide, méchant et carrément vachard. L' auteur n'en mène pas large, il prend des coups et doit riposter, il reçoit des éloges et ne doit pas tout à fait leur donner crédit, il est moqué et ne peut s'en offusquer. Il est balloté d'un sentiment à l'autre et souvent pour le même billet.
    
    Ayant fait le choix, par les circonstances plutôt que par une volonté initiale mégalomaniaque de proposer ma prose en divers lieux, je suis confronté à des publics et des réactions très différentes suivant les sites. Cependant, on peut trouver des invariants qui déterminent des grandes familles de commentateurs. Je vais essayer de n'oublier personne. Quant à n'en froisser aucun, la chose est impossible sur la toile.
    
    Il y a les amis fidèles. Inconnus pour la plupart, ils ont pris l'habitude de venir lire et le plus souvent de déposer un petit mot au bas de la page. Ceux-là sont amicaux, compréhensifs, bienveillants et fraternels. Ils sont le plus souvent en phase avec les opinions que vous avancez. Pas de surprise, ils ne vous mettront jamais en difficulté. Mais ils sont si souvent là que quand ils ne vous adressent aucun signe, vous devinez que votre production leur a déplu, ne fut pas à la hauteur des précédentes. Leur silence est le plus lourd des reproches …
    
    Il y a les opposants permanents. Jamais en accord, toujours en décalage, ils viennent vous piquer, vous provoquer, tenter de vous fâcher avec une régularité qui ne cesse de vous surprendre. Parfois irrité, blessé, courroucé par un commentaire plus agressif que les autres, vous leur avez répondu avec la même veine. Vous avez pensé les écarter définitivement. Que nenni, un lien curieux de répulsion réciproque vous pousse à les retrouver le billet suivant. Eux aussi font un peu partie de la famille.
    
    Il y a les adversaires idéologiques. Ceux-là ne pointent le bout de leur clavier que pour des sujets à forte valeur politique. Ils sont sans pitié. Chaque mot est décortiqué, retourné, analysé, commenté avec une redoutable précision. Vous ne pouvez échapper à leur rhétorique. Répondre point pour point serait entrer dans une vaine polémique, une perte de temps et d'énergie. La pirouette, l'humour, le jeu de mot, la réponse à contre temps sont alors manière élégante de rester courtois sans entrer dans le conflit qui fâche.
    
    Il y a les sympathisants, les partenaires de routes, les membres du même clan. Il n'est pas facile de leur répondre. Redonder serait leur manquer de respect, flatter serait mal venu. Il faut trouver un angle d'attaque, éviter la paraphrase, aller plus loin et parfois ailleurs. Ils doivent sentir la connivence tout en percevant une légère différence. Ceux-là exigent réflexion et mesure. Une réponse trop brève pourrait les blesser.
    
    Il y a les rois de la pique ou du trait. Un mot, une phrase bien sentie et qui fait mouche. En accord ou en opposition, on devine qu'ils ont peaufiné la réplique, soigné la saillie. C'est avec le même esprit de synthèse qu'il faut leur répliquer. C'est là une belle école de la langue, de l'à propos, de la formule qui gicle. L'humour est de mise, la vacherie se doit d'être ironique. Ils vous poussent dans vos retranchements, ce sont de terribles censeurs.
    
    Il y a les commentateurs si bavards qu'ils vous renvoient des réponses plus longues que votre billet. Ils partent en tous sens, usent et abusent de références et de renvois, cherchent la petite bête, exigent une précision de professionnel. Il n'est pas question de rentrer dans leur jeu. Face à leur logorrhée délirante, vous n'avez d'autres ressources que la concision et la sélection. Vous prenez une seule remarque et répondez d'une pirouette, d'un aphorisme, d'un trait d'esprit. Au-delà, vous risquez d'être mangé tout cru.
    
    Il y a les experts. Ceux-là, sont les plus redoutables. Vous avez osé venir sur leur plate-bande. Vous vous retirez sur la pointe des pieds, vous les félicitez pour leur combat, leur savoir, leur énergie. Vous évitez d'apporter des arguments, vous n'êtes pas de taille. Vous reconnaissez leur victoire, baissez pavillon et virez courtoisement de bord. De toute manière, vous ne ferez jamais le poids !
    
    Il y a les trolls, les tenants d'une pensée à sens unique. Ils sont impitoyables, grossiers, vulgaires, obtus. Rien à tirer de ces moulins à truismes, de ces rois de la réponse fournie dans un groupuscule quelconque. Ils débitent un catéchisme idéologique d'une rare virulence. Vous ne devez pas vous laisser engluer par leur prose. Vous devez vous sortir du piège en mettant les rieurs de votre côté. Il y va de votre survie car les trolls font vite des petits.
    
    Il y a encore tous les autres, les occasionnels, les timides, les incertains, les émotifs, les taiseux, les maladroits, les impudiques, les incompréhensibles, les illisibles, les grossiers, les poètes, les princes du copier-coller, les chantres de You-Tube, les accros du cliché, les spécialistes du smiley. Chacun fait avec ses moyens et vous aurez alors à trouver réponse adaptée.
    
    Il y a tous ceux qui ne vous envoient pas de commentaires. Lecteurs silencieux, ils gardent pour eux leur impression, leur colère ou leur plaisir. Ils sont le plus grand nombre et c'est à eux que vont aujourd'hui mes pensées affectueuses. Quant aux autres, j'espère qu'ils ont trouvé chaussure à leur pied. Je vous souhaite à tous bien le bonsoir !

    Commentairement vôtre.




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