mercredi 16 décembre 2020

Ces couleurs qui ne se mêlent pas.

À ces manifestants opiniâtres ...

 





    D'aussi longtemps qu'il m'en souvienne, je n'ai jamais goûté ces longs serpents bigarrés qui déambulent dans les rues de nos villes au rythme de phrases toutes faites, à la poésie douteuse et à la scansion si peu mélodieuse.

    Mon vieux fonds de misanthropie, s'il me permet de coucher quelques billets acides, m'interdit de naviguer à mon aise dans une foule qui revendique une colère légitime que je partage mais que j'exprime différemment.

    En ce premier mai d'exaspération, j'ai souhaité mettre mes actes en conformité avec mes écrits et me suis approché de cette place de Loire où se rassemblaient toutes les composantes de notre colère locale.

    L'attente me fut agréable ; conversations amicales, poignées de main chaleureuses, saluts discrets d'une connivence qui fait du bien, petit brin de muguet et tract intégré. Puis, la partie clanique repris le dessus. Les drapeaux se déroulaient et se rassemblaient dans un souci de cohérence chromatique. L'entre-soi est une règle qu'il faut respecter par les truchements de ces couleurs identificatrices.

    Le rouge se distingue plus que partout ailleurs. Il se décline dans toutes ses composantes plurielles. Il se pare de sigles ou de symboles forts qui se suffisent à eux-mêmes. Il se joue des différentes nuances de la palette et s'essaie aussi à l'orange. Le bleu fait un peu tache. Une recherche d'originalité qui marque une indépendance de vue. Les drapeaux semblent plus récents … Une minuscule tache verte atteste qu'une idée qui fait son chemin n'emprunte pas nécessairement le chemin du défilé classique.

    L'oriflamme vole au vent de Galerne. À Cenabum on n'aime rien autant que brandir l'étendard : un atavisme local que je ne partagerai jamais. Même dans un stade, cet affichage des couleurs m'insupporte. Tout ce petit monde s'organise sous la sympathique onction des forces de l'ordre républicain.

    Le cortège s'ébroue, les incontournables sonos se règlent et déversent déjà des décibels qui compenseront les absents qu'on ne compte plus. Les couleurs s'avancent en paquets homogènes. Elles prennent soin de maintenir un espace de sureté entre elles avec des banderoles :  parapets idéologiques. Il faut se garder de cette unité qui diluerait les différences !

    Le P.S., certain que prochainement tout ce petit monde finira par le rejoindre pour porter l'estocade finale, ferme la marche. Il démontre une curieuse conception du rapprochement !

    Les animateurs patentés sortent leurs fiches pour entamer la danse des microphones. Les slogans du jour sont scandés sur des rythmes peu différents de ceux de nos stades. Ce « Tous Ensemble – Tous Ensemble ! » pourrait parfaitement venir d'une association dissoute.

    Le serpent est parti à un train de déambulateur. Je n'ai pu me résoudre à partager sa lente reptation urbaine. Je n'ai pas de couleurs à brandir ni l'envie de répéter quelques stances si maladroites dans la forme. C'est trop sage, c'est trop policé, c'est trop organisé. C'est sans doute anachronique ; je ne vois pas beaucoup de jeunes dans cette manifestation rituelle.

    La foule demeure une barrière infranchissable, je m'en retourne à mon clavier déverser ma bile et mon amertume de ne pas me reconnaître dans cette forme de contestation pourtant si utile à en croire ceux que j'ai croisés. Il faudrait pourtant que ce monde change au plus vite !

    
    Agoraphobiquement vôtre




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