mardi 13 décembre 2022

Au pays de Rabelais, le vin de Taffetas.

 

Édouard aux vins d'argent.



Texte pour rendre hommage à notre ami Édouard






Édouard est un personnage sorti plus sûrement d'une bade dessinée que d'une école d'œnologie. Il y a du pied nickelé chez ce petit fils d'un amiral de la Navy. Né en Amérique, sa famille le destine à une brillante carrière de financier. Édouard n'a pas la fibre malhonnête, il se déplait profondément dans ce métier de requin. L'eau n'est pas son domaine, c'est dans le vin qu'il va trouver sa voie.

L'aventure débute bien avant son inflexion professionnelle. Le grand-père marin a acheté en 1947 un magnifique château en Touraine, au pays de Rabelais. Sur les coteaux qui dominent la Vienne, à quelques encablures de la confluence avec la Loire, sa gentilhommière dissimule bien des trésors dans ses entrailles. On en trouve trace dans les archives dès 1750.

Ces secrets vont rester ainsi endormis durant de longues années jusqu'à ce qu'un jour de 1994, Édouard décide de tout laisser tomber pour découvrir le métier de vigneron. Il a déjà de la bouteille, notre malicieux bonhomme. Son œil pétille lorsqu'il raconte cette aventure insensée qui mènera sous le regard goguenard et quelque peu dubitatif des autochtones.

Qu'importe les sourires en coin, Édouard à de la suite dans les idées et une envie chevillée au cœur. Il y a sous son vieux châteaux des galeries souterraines creusées dans le tuffeau. Dorment là des centaines de tonneaux, moisis, couverts de champignons. Il y a encore des cuves creusées dans la roche et des installations d'un autre temps qui attestent qu'ici, autrefois, on faisait du vin.

Il fit venir un sourcier, un homme capable de ressentir les vibrations de la terre. Ils arpentèrent tous deux le haut du coteau, juste au dessus des ces caves oubliées depuis si longtemps. Le sorcier ressentit un message, c'est un clos pour le Chenin, ce cépage arrivé en Touraine en 945. Tout autour, on se gausse, le cabernet a pris la place depuis belle lurette … Édouard s'en moque, Bacchus lui a envoyé un signe, le grand amiral s'appelait Le Breton, nom qu'on donnait justement à son cépage autrefois.

Édouard se fie à l'intuition de l'enchanteur. Il plante un peu plus de trois hectares de Chenin et pendant que ses vignes grandissent, il retourne à l'école suivre quelques cours au Lycée agricole de Montreuil Belay. Il avoue qu'il ne fut pas un excellent élève puisqu'il n'a jamais rien compris à la taille. Je doute qu'il dise la vérité, nous sommes fait pour nous entendre.

De la théorie à la pratique, il y a cependant un monde qui transformera les premières récoltes en aventure épique. Édouard ne va pas se décourager, il a deux certitudes qu'il veut pousser jusqu'au bout. Son domaine est fait pour le Chenin et c'est dans les fûts de chêne que sera élevé son vin, patiemment, longuement, naturellement, comme c'était jadis pratiqué en ce lieu.

Son obstination finit par produire ses fruits. Il lui faut trois années pour que l'alchimie mystérieuse du Tuffeau, des caves obscures et de l'élevage exclusif dans les tonneaux produisent des trésors. Ses vins ne ressemblent à aucun autre. Chaque année, une nouvelle surprise, un résultat radicalement différent du précédent. Édouard n'est pas là pour dupliquer d'année en année, le même produit standardisé, il laisse faire la magie d'une nature si généreuse.

Je vous laisse découvrir ce personnage. Demandez lui à parler de ces vins, de leur robe, de leur nez. Il est poète, il est alchimiste, il est enchanteur. Un petit passage au château de la Trochoire est une immersion gourmande au pays de Rabelais. Vous gouterez un vin tel que le grand François a du l'apprécier. Vous comprendrez alors l'âme de ce pays de cocagne.


 

Édouard à d'autres talents à son arc. Je l'ai retrouvé le soir même lors d'une petite soirée amicale. J'avais envisager de dire quelques contes pour les amis du pays. Avec sa comparse théâtrale Anne-Marie, il joua un impayable marinier dans une adaptation de Vert-Vert ou le Voyage du perroquet de Nevers, le célèbre poème composé de quatre chants en décasyllabes de Jean-Baptiste Gresset, publié en 1734.

Voilà une bien belle manière de passer délicieuse soirée dans ce pays béni des Dieux. Laissons au maître François la conclusion de ce récit : « Boire est le propre de l'homme, boire vin bon et frais, et de vin, divin on devient. »




Les vins d'argent n'existent plus et leur créateur a rejoint la Voie Lactée

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le loup est sur les dents

  Il y a comme un loup … Le voilà sur les dents En recherche d'indices Le museau en avant Guettant la pelisse Le...