Cochon pieux
Robert me fit l'honneur d'une grande foire
Pour honorer un évêque et sa mitre
Curieusement m'échut alors la gloire
D'une gourmandise que l'église chapitre
Moi la pauvre bête fixée à un pieux
Je n'étais pas destinée à la renommée
Pourtant je m'échinais toujours de mon mieux
En mille et une façons, d'être consommé
Époque lointaine où je venais à pied
La cuisse altière, le jarret rebondi
Ne m'enveloppais pas de ce gras décrié
Que condamnent tous ceux qui manquent d'appétit
Ma réputation tourna en eau de boudin
Et beaucoup se payèrent ma vilaine tête
Osant me glisser du persil dans les groins
En passant pour l'andouille lors de vos fêtes
Jusqu'au jour où un quidam me fit délice
Me décorant d'un prénom pour faire offrande
Devenant cette gourmandise complice
Que place Saint Aignan, les enfants commandent
Pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris
Moi qui suis le délicieux petit cochon
De lait ou bien de pain d'épices, j'ai conquis
Le cœur et les palais des gourmands du canton
Devenu symbole d'une division cultuelle
Lorsqu'on me fait tourner chèvre à tout propos
Il me faut alors m'incliner devant icelle
Qu'un autre Cauchon mit sur les feux infernaux
J'ai espéré qu'un festival de musique
Me redonne la place qui était mienne
Quand bien des décideurs, souvent amnésiques
Me firent la peau tout autant que la couenne
Pris la tangente sur un chemin de travers
En espérant que d'autres m'honorent à nouveau
Car bien que la doxa me prétende pervers
Je suis le plus charmant de tous les animaux
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