lundi 27 juin 2022

Le pain de tous nos quotidiens

 

La mie qui tient la croûte !

 




Avertissement : Que les vils tenants de la biscotte, les apatrides du pain de mie, les mutants des mollesses sous cellophane passent leur chemin où je leur fais une Cène !


Je me souviens du bonheur tous les matins recommencé de goûter le pain croustillant tout chaud sorti du four de notre boulanger de voisin. Ce plaisir à nul autre pareil, si simple alors et maintenant si compliqué. Un pain qui tenait la croûte et craquait sous la dent, une mie compacte qui ne laissait jamais la confiture se dérober par quelques trous fallacieux, un pain qui avait du goût, un pain qui vous menait par la baguette sur les chemins du délice …


Puis les artisans matutinaux se sont fait vendeurs et comédiens. Nos belles Talemeries (boulangeries) de jadis qui fleuraient bon le feu de bois et le pain chaud sont devenues des pièges à chalands n'aimant rien tant que ce pain blanc mou et fade. Les belles croûtes grises sont honnies comme la peste, la denture d'aujourd'hui se complaît dans la mollesse.


 


L'enfourneur à la chaîne est un éleveur de pâte congelée. Il se contente de manier grossièrement la lame, pressé qu'il est de tenir une cadence 'infournale'. Puis, plein de gloire factice, il vient dans sa boutique, déposer son forfait sur un tapis roulant qui enverra ces mauvais épeautres cuire en place publique. Quelques parfums artificiels viennent leurrer l'acheteur potentiel qui se précipite dans ces boutiques pour la bassesse de ses prix.


D'autres à rebours ont joué la carte de la tradition, de la complexification et forcément de l'augmentation. Leurs pains se paient au prix fort et, devant leurs établissements se traînent des files d'attente dignes de celles que connurent leurs prédécesseurs pendant l'occupation. La mode, le bouche à merveille font de ces boulangeries une manne miraculeuse pour le propriétaire du lieu.


Beaucoup ne cherchent pas à rivaliser avec ces artistes aux pains consacrés. Ils se contentent de produire eux-mêmes des baguettes aussi insipides que celles des industriels. On leur accorde une visite unique, se promettant de ne plus remettre les pieds chez ces mitrons désolants. Leurs baguettes ne tiennent ni le pavé ni la distance. Elles mollissent aussi vite quand le temps est humide, qu'elles durcissent à ne plus être mangeables quand on les oublie une journée.


 


Elles ont cependant la dignité de rester roides quand tout va bien et ne s'effondrent pas au premier coup de canif. Car d'autres ont été congelées après cuisson par des commerçant soucieux de ne pas gâcher, en oubliant simplement de préciser quelle médiocrité ils viennent de vous fourguer.


Quand au hasard d'une journée d'imprévoyance vous faites ce constat terrible : «  Ciel, il n'y a plus de pain ! », vous succombez à la déprime hexagonale de celui qui n'a plus rien à se mettre sous la dent. Pour parer à pareilles tragédies domestiques d'aucun congèlent une boule de secours, d'autres se munissent précautionneusement d'un pain tranché pour les jours de disette.



 


Dans un cas comme dans l'autre, seule l'apparence est préservée. Le plaisir est aux panetiers absents. L'un s'émiette et l'autre tient plus de l'hostie que de la tranche qui s'encroûte. Il faut vite oublier ce repas insipide qui ne sera sauvé que par des pâtes alimentaires. Puis la nuit sera longue comme une fournée sans pain, le petit déjeuner, privé de sa substance essentielle vous mettra au supplice, vous êtes dans le pétrin !


On peut tout aussi bien céder aux sirènes des croissants. Eux aussi ont subi de plein fouet la prolifération des malfaiseurs de pain. Ils n'ont ni goût ni caractère, fondent plus facilement dans la tasse que dans la bouche et sont aussi indigestes qu'une chronique panetière.


Le lecteur mécontent me mettra au pain sec, d'autres affirmeront qu'ils ne mangent pas de ce pain-là et passeront bien vite leur chemin.


Quignonnement vôtre.


 

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