vendredi 8 octobre 2021

Petite mémoire du vent


Exposition :

 Les Girouettes de Paulette.






La tête dans les nuages, Paulette Rhode a passé une grande partie de son existence à la recherche des trésors oubliés de nos territoirs. Si elle a su mener à son terme son recensement des croix des chemins dans le département du Loiret, son travail sur les girouettes et les girouets n’en finit pas de rebondir sans cesse par dessus les toits de nos maisons.



En juin 1993, Paulette se désolait : « La blanchisseuse a disparu. Endommagée par les intempéries, la girouette enseigne des dernières lavandières, ne surveillera plus les allées et venues du jardin des plantes de sa cité. Qui prend encore le temps de remarquer, d’observer ces silhouettes de tôles ou de zinc placées au faîte des toits pour indiquer l’orientation du vent ? Les unes simples ou naïves, d’autres aux dessins très élaborés ; savamment découpées, elles offrent en même temps une grande diversité de sujets »



Pour remédier à cette amnésie collective, notre curieuse se pencha sur cette forme d’expression artistique, ce langage en images qui exprima longtemps le quotidien d’un passé révolu avant que de subir depuis peu un renouveau qui enchanterait notre amie. C'est en exploratrice du patrimoine oublié que Paulette partait l’appareil photographique en bandoulière pour saisir ces vestiges qui rouillaient alors dans l’indifférence générale avant de disparaître à tout jamais, rongé par la rouille et les intempéries.



Elle a sillonné la région région, le regard toujours tourné vers les cieux, cherchant cet étrange vestige d'un art brute, d'une expression sans doute naïve d'une volonté d'afficher sa différence. Elle n’eut de cesse que de traquer ce qui était alors les dernières survivantes de cet art de l’héraldique à la portée de tous.



Passons sous silence les difficultés techniques pour faire cliché du bel ouvrage d’un artisan qui fut créé en une époque où ni les antennes, ni les fils de toutes natures ne venaient perturber l’admirable travail de celui qui l’avait fixé là pour qu’il tourne au vent, zéphyr fripon ne manquant jamais de se réveiller pour empêcher la prise de vue. L’essentiel est ce témoignage indirect que la dame a voulu nous léguer afin que nous n’oubliions jamais ce qui fut jadis une marque de distinction sociale.

 



Au Moyen-âge, la girouette fut un privilège de la noblesse pour afficher les armoiries de la maison. Découpée en bannière pour les chevaliers bannerets, elle se contentait d’être taillée en pennon pour les simples chevaliers. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le parlement de Grenoble autorise le vassal gentilhomme à « porter » girouette comme le seigneur. Les gueux en étant privés, ils se firent un malin plaisir à descendre et souvent à détruire cette marque hautaine d'un privilège annonciateur des tempêtes à venir.



Si les girouettes coiffant les maisons passent souvent inaperçues pour qui ne sait pas regarder, il n’est en pas de même de ce fier volatile qui trône sur nos clochers. C’est essentiellement au XIXe siècle que la mode des girouettes ornant les toits se généralisèrent dans toutes les catégories sociales, une revanche surtout pour les gens simples alors que la République s’installait enfin durablement. Conservant leur fonction originelle, elles se firent enseignes pour définir la profession de leur propriétaire à moins qu’elles n’indiquent son loisir préféré ou un pan de son histoire personnelle. Pour d’autres, ce sont des animaux familiers qui grimpent sur le toit.

 



Les belles demeures bourgeoises se démarquèrent de ces représentations trop communes aux yeux des bourgeois. Elles purent ainsi se couvrir d’oriflammes découpées des initiales du maître de maison à moins que ce ne fut des figures allégoriques : tête de loup ou chimères tandis que le dragon les garantissait sans doute des feux de cheminée.



Dans nos campagnes, nombre de girouettes représentent des engins modernes : tracteur, moissonneuse, voiture et parfois des bateaux ou des scènes de la vie quotidienne. Les girouettes en indiquant la direction du vent informaient du temps à venir. Le bulletin météorologique n’existait pas tandis que les humains, proches de la nature, avaient grand besoin d’établir des prévisions fiables. En examinant le ciel et en connaissant la direction du vent, les anciens pouvaient prédire le temps de manière fiable. Notre territoire était donc couvert de girouettes et celles-ci se trouvaient placées sur un hangar de manière à être visible de la ferme.



Aujourd'hui, la girouette couronne la demeure, elle exprime le bonheur d'avoir un toit sur la tête et la fierté d'afficher une passion, un loisir, une activité. Elle fait parfois tâche d'huile comme dans cette petite rue de Mardié où d'une maison à l'autre, les gens se répondent en faisant tourner les têtes. Elles ont cessé de couiner dans le vent, exprimant leur désarroi d'avoir été oubliées. Elles sont la fierté de ceux qui s'en sont coiffés et font bien des envieux qui tôt ou tard, céderont eux aussi à l'appel de l'union du vent et du ciel. 


 

 

Expositionnement sien.


 

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