samedi 30 octobre 2021

La fin des temps …

 

L’heure endettée





Dans la nuit de samedi à dimanche, sur le coup de deux heures, ma sonnette résonna dans le silence d’une ville anesthésiée. Que se passait-il donc de si grave pour que quelqu’un enfreigne les règles du confinement ? Malgré la crainte et le danger, j’allai ouvrir à ce mystérieux visiteur…


C’était un huissier de justice, débordé par le labeur, qui ne respectait nullement les horaires officiels pour sa charge. Il me présenta un papier bleu : « Je viens saisir toutes vos horloges, pendules et montres, tous les objets qui s’imaginent vous imposer leur rythme ! » déclara-t-il, péremptoire. J’avoue que je tombais des nues. Je n’avais jamais connu les affres des difficultés financières majeures.


« Mais je suis en règle mon ami. Je ne dois rien à personne, du moins en terme financier ! » L’autre de rire et de me répondre : « Mais ce n’est pas vous qui êtes sur la sellette. C’est l’heure qui est endettée à partir de cette minute même ! » Je fus contraint de le laisser remplir sa sinistre mission. Je sentais ma dernière heure arrivée quand l’autre, dans le feu de l’action déclara « Faites-vite, nous n’avons pas une minute à perdre ! ». Au lieu de me rassurer sa remarque aggrava mon angoisse.


Elle arriva à son comble quand l’individu, d’un geste violent, brisa les trotteuses. « Mais pourquoi agissez-vous de la sorte, ça n’a pas de sens ! » L’huissier me fixa d’un air méprisant : « Il y a toujours un sens à ce que je fais, c’est d’ailleurs le sens chronologique et même celui de l’Histoire. Mon pauvre ami, vous ne comprenez décidément rien. En cette période de confinement, les trotteuses sont un danger potentiel qu’il convient de réduire au silence ! »


J’étais totalement sidéré. Le temps lui aussi était mis aux arrêts, contraint de se figer, d’arrêter sa course pour un petit grain de sable venu bloquer les rouages que l’on croyait bien huilés d’une société devenue folle. J’osai pourtant une remarque : «  La trotteuse dispose elle aussi de la possibilité de courir dans un rayon de 1 km ! »


Que n’avais-je pas dit là ? Le visiteur du petit matin me fixa : « C’est précisément ce mariage contre nature qui a enclenché le terrible processus que nous subissons aujourd’hui ! » Que pouvais-je comprendre à ce message énigmatique. Il se rendit compte qu’il n’avait pas affaire à un esprit éclairé.


Il s’expliqua : « Il est venu le jugement dernier, celui où nous devons rendre des comptes. L’union du temps et des distances a engendré un enfant terrible, un monstre qui a englouti la planète dans son délire ! » J’avais besoin d’une explication supplémentaire, ne percevant pas la portée de son message apocalyptique.


Il reprit pour me mettre enfin les pendules à l’heure : «  La VITESSE mon ami, c’est la vitesse qui nous a plongés dans ce gouffre. Elle a aboli les distances, elle a rendu fous les individus qui ne prennent plus le temps de vivre. Ma traque est impérieuse, c’est la seule susceptible d’inverser le cours des choses ! »


J’étais éberlué. Cet homme avait raison. L’heure avait abusé du crédit que lui accordait de manière démesurée la vitesse. Il convenait de payer l’ardoise, de retrouver la raison et le temps de vivre. L’Ankou usait désormais du TGV, de l’avion et d’autres véhicules motorisés pour faucher son lot quotidien d’humains. La mort a accéléré le pas, le temps est devenu son complice, le Charon a accéléré le mouvement


Puissions-nous tous retrouver la raison et nous recentrer sur le rythme naturel. Cette heure endettée qui s’émancipait abusivement du cycle solaire était l’incarnation du diable. Il est temps de prendre le temps, pas celui qui court à notre perte, mais celui qui prend le temps de vivre au rythme universel.


Solairement vôtre.


 Le temps de remettre les pendules à l'heure

Une pause s'impose


Rendez-vous le dimanche 7 novembre




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