Ceux d'la rivière...
Nous sommes les crève-la-faim
Gagne-petit, pauvres misères
Tout juste des bons à rien
Trimant au bord de la rivière
Que les marchands au ventre gras
Exploitent jusque z'à la trogne
Se nourrissant sur nos gros bras
Et sans pitié et sans vergogne
Nous sommes les cht'iots calfats
Les besogneux dessus le quai
Passant le goudron et la poix
Plus méprisés que vos laquais
Un travail juste pour les chiens
Que l'on paie d'un os à ronger
De quelques miettes de pain
Avant de nous donner congé
Nous sommes aussi les portefaix
Les costauds au pied des bateaux
Pour soulever tous vos effets
Et les porter sur les chariots
De nos vieilles mains calleuses
Nous soulevons ces lourdes charges
Que vos moqueries si honteuses
Alourdissent encore davantage.
Nous sommes encore les gobeux
Les haleurs du bout de nos ponts
Tirant aussi fort que des bœufs
Les trains de bateaux vers l'amont
La bricole nous scie les reins
Nous luttons contre le courant
Pour empocher just' trois fois rien
À la santé des commerçants
Nous sommes les tireux de sable
Et nous puisons dans la rivière
Les précieux grains si friables
Qui bâtissent votre chaumière
Tous les jours au milieu des flots
La queue de singe dans les mains
Nous remplissons notre bateau
En un labeur fort peu humain
Nous sommes les crève-la-faim
Gagne-petit, pauvres misères
Tout juste des bons à rien
Trimant au bord de la rivière
Que les marchands au ventre gras
Exploitent jusque z'à la trogne
Se nourrissant sur nos gros bras
Et sans pitié et sans vergogne
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