dimanche 7 novembre 2021

Le miséreux au grand cœur.

 

Hugues de Lunac.





J'allais sur le chemin d'une marche nocturne quand sur un banc, solitaire, un vieil homme nous guettait. Son bonheur de ce jour était de saluer les chalands. Il n'en espérait qu'un salut en retour. Lors de mes itinérances, j'ai croisé bien des gens en somme. On m'a tourné le dos, on m'a ignoré superbement, on m'a ouvert son cœur et sa porte, on m'a confié des secrets. Jamais il ne me fut donné de pénétrer dans fermette plus sordide, dans un univers misérable et d'y trouver un homme au cœur bien plus riche que la multitude de nos semblables.


L'homme se cachait sous un bob enfoncé jusqu'au ras des yeux. À La main il arborait un bâton par lui-même sculpté. Les décors étaient naïfs mais grand le soin donné à leur réalisation. À ses pieds un seau plein de plumes, indiquait qu'il se nourrissait de sa production.


Je ne me contentais pas d'un bonjour renvoyé, je vins à lui pour lui serrer la main et demander en plaisantant si c'était ici qu'on offrait l'apéritif. Il me renvoya un grand et franc sourire édenté et d'une voix bien vite essoufflée, il nous pria de le suivre …


L'homme marchait à petits pas hésitants. Il était plus bringuebalant que chancelant et le bâton lui servait de tuteur. Il s'arrêta plusieurs fois sur la courte distance pour reprendre souffle et un peu contenance. Sans la moindre hésitation il nous pria d'entrer dans sa modeste fermette délabrée.


L'intérieur dans lequel nous pénétrâmes nous fit faire un voyage dans le temps et la détresse humaine. Nous étions dans un décor digne des reportages de l'ami Depardon. Le siècle dernier n'était pas encore né à quelques détails près.


Une table de bois toute de guingois couverte d'un capharnaüm immense, d'un désordre absolu. Les reliefs de la vieille, des outils aussi, des objets déplacés, des fragments de vie nous étaient ainsi exposé au hasard.


Au fond de l'âtre, un poêle à bois avec insert pour unique chauffage. La porte est cassée et l'opacité du verre ne permet pas d'en voir beaucoup plus. Plus loin, un petit four électrique est tout autant brisé. Tout au fond, une télévision minuscule réconforte le visiteur, nous sommes bien dans ce siècle.


Les fils courent fixés à la poutre dans un réseau confus et sans doute incertain. La noirceur du lieu vient des fenêtres closes et d'un état des murs qui ont depuis longtemps effacé toute peinture. Sur la poutre de la cheminée trônent fièrement des obus de cuivre sculptés.


Sur le sol, à l'entrée, une bonbonne à oxygène atteste que notre homme n'est pas au mieux de sa santé. Il se lève pour d'un pas traînant nous apporter bouteilles bouchées et cirées. Il veut à tout prix honorer ses deux visiteurs et leur offrir ce qu'il a de meilleur lui qui n'a presque rien.


Au fond de la pièce, une fontaine de faïence bleue lui permet de recevoir l'eau courante. Il est le point relais des organisateurs de la marche qui viennent se servir dans sa vielle masure. Nous les prions de ne point oublier le bonhomme et dans la soirée de lui apporter une part de potée. J'espère que nos lascars auront tenu parole …


Nous partageâmes avec lui une bière un peu tiède qu'il nous servit dans des verres très propres. La dignité se pare de détails anodins qui montrent que l'humanité n'a pas besoin de grande richesses pour s'exprimer pleinement. Il nous raconta sa vie, son métier du temps des batteuses et des sacs de 120 kg qui vous brisaient le dos. Il était bien plus riche de ses souvenirs simples que beaucoup de nos concitoyens méfiants. Nous laissâmes à regrets notre hôte au grand cœur pour retrouver la troupe qui l'avait simplement ignoré.


Chaleureusement sien.


 

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