dimanche 29 novembre 2020

Le silence des fourbes

 Le réflexe mémoriel

 




    Un professeur tué, une agression aussi sordide qu'épouvantable qui réveille le réflexe de nos dirigeants : l'exploitation à tout prix ! Le malaise social, les problèmes culturels, la difficulté à accepter l'autre, la perte des repères et de la tolérance, tout peut donner sens à ce drame. Pourtant, la priorité ministérielle demeure l'utilisation du fait divers au service du pouvoir.

    Une communauté scolaire souffre et rien ne remplacera celui qui est parti. La douleur sera leur lot quotidien, il faudra, un temps, y ajouter le feu des projecteurs. Rien n'épargne les pauvres gens quand l'intérêt supérieur de l'état est en jeu.

    Lors de ses allocutions à la nation, notre merveilleux président a réactivé le mot « Fraternité ». Parent pauvre de notre réalité républicaine dans sa cinquième version, ce mot, si éloigné des valeurs libérales, devait être réactivé par la classe dirigeante. Les charognards se précipitent sur le cadavre encore chaud pour placer ce pion qui enchantera notre bon Monarque.

    Le ministre de l'éducation Nationale ; porte parole du gouvernement, confond ses fonctions et s'empresse de réclamer une minute de silence pour honorer le nouveau martyre. Il ajoute, avec une opportunité digne des plus grands courtisans :  « Je suggère  aux enseignants d'organiser également des temps de parole pour réfléchir collectivement sur la fraternité, le respect de l'autre et la dignité de la personne humaine."

   La minute de silence est désormais le passage obligé dans bien des enceintes. Tout est prétexte à commémoration, célébration, affliction officielle. Le culte mémoriel, la frénésie de la minute de silence, ce rendez-vous avec soi-même qui supplée à la dissolution de la prière, sont devenus des armes de communication. L'indécence n'a plus de limites.

    Célébrer, Commémorer, Honorer sont devenus les actes essentiels de la bien pensance. Rien de plus légitime si nous nous inscrivions dans une logique tournée vers l'avenir. Hélas, le passé n'est ici qu'anesthésiant du présent, un outil au service d'un dessein archaïque..

    Analyser, Proposer, Construire seraient des verbes plus utiles dans nos lycées et nos collèges. Le mal y est profond, la haine : de l'autre, du différent, de l'adulte, du flic, du professeur, de la société, progresse un peu plus chaque jour. Et cette minute de silence n'y changera rien !

    Le pouvoir n'a nullement l'intention de changer la société. Faire des courbettes et des grimaces en public, respecter un plan communication établi dans un cabinet secret, voilà le secret de la componction officielle. Les professeurs, une fois de plus se trouvent confrontés à une injonction à la réflexion, à la mémoire, à l'émotion. Une minute de silence assourdissante, une réflexion imposée et simultanée, le devoir plus que la mémoire, le silence plus que la colère, l'obéissance plus que l'intelligence.

    Ce n'est bien sûr pas le moment de ressortir les revendications habituelles : les moyens, le personnel d'encadrement, la sécurité. Ce drame échappe à ces problématiques tout comme il est étranger aux intentions de nos décideurs. Pourtant le mal est fait. Au malheur d'une famille, au traumatisme des camarades et des proches, au désarroi de ceux qui œuvrent dans ce lycée,  nous allons ajouter la publicité, l'impudeur, l'exposition médiatique. Abominable !

    Puisque notre Ministre suggère de réfléchir à la dignité de la personne humaine, je lui propose de mesurer à l'aulne de cette valeur incontournable, ce qu'il vient de mettre en œuvre. J'espère qu'en conscience, il pourra déclarer devant les Hommes que nulle pensée indigne n'a inspiré sa réaction. J'attends …

    Fraternitédignement vôtre.




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