L'hiver,
enfin !
Le
vent a tourné, le ciel s'est obscurci et une pluie glacée a sonné
le glas de cet interminable été de la Saint Martin. Nous voilà
enfin revenus aux plaisirs de saison. Les châtaignes veulent s'unir
aux flammes de la cheminée et la maison tout entière souhaite se
lover dans la douceur d'un feu bienfaisant. C'est du moins ce que
vous pensez.
Même
s'il y avait jubilation à se vautrer sur les terrasses et à prendre
le temps de flâner sous ce soleil de décembre, l'hiver réclame sa
part. Nous en avions besoin pour nous retrouver, blottis au chaud,
grelottant, un peu avant que de céder à la moiteur d'un intérieur
où trône la cheminée. Le feu nous enchante de ses flammes et des
crépitements qui nous font sursauter juste à l'instant où
l'assoupissement gagnait la partie.
La
cheminée dévore ce que vous lui aviez confié. Il faut que vous
affrontiez à nouveau les rigueurs du temps pour aller quérir des
bûches qui deviendront cendres sous sa gourmandise insatiable. Vous
vous habillez ; la réserve est si loin, tout au fond du jardin.
Que diable ne pas avoir pensé à la mettre au plus près de cette
bouche qui a toujours faim ? Ce petit frisson en appellera d'autres
….
La
cheminée a son compte ; elle couve devant tout ce bois qui,
l'espace de quelques instants, a eu raison des caresses des flammes.
Vous entendez la bataille qui se joue devant vous. Les joues vous
chauffent, elles rosissent. Vous devez vous délester de quelques
vêtements superflus. Puis, les flammes à nouveau emportent la
partie ; elles enveloppent ces bûches qui, l'instant d'avant
leur faisaient obstacle. Vous succombez à votre tour au feu
intérieur.
Le
feu vous enveloppe. Vous vous laissez porter par ses douceurs. Vous
voulez jouir de ces moments intimes. L'hiver a enclos chacun dans son
intérieur douillet. Vous vous retrouvez avec votre amour. La nuit
tombe si vite, entre chien et loup, tous les chats se grisent ;
l'instant est propice à des folies que nous n'imaginiez certes plus.
Osez cet abandon, osez cette folie des sens. Les flammes peuvent bien
être celles de l'enfer : vous risquez simplement le plus beau
des paradis.
Vos
caresses s'inspirent du jeu troublant des flammes sur le bois. Elles
s'insinuent, vous les imitez ; elles lèchent, elles
s'adoucissent puis soudain, font "éruption" là où vous
ne les attendiez pas. Vous êtes, tout à tour, bûche et flamme,
tous les deux, sur ce canapé qui vibre d'une intensité sublime. Le
feu gagne la maison, la déraison est de saison, l'hiver provoque le
dérèglement climatique intime ; la banquise fond et plus rien n'a
d'importance.
Puis
les corps repus et comblés se laissent emporter par le sommeil. La
cheminée, complice, vous berce. Elle se délecte de vos souffles
apaisés. Elle sait qu'à votre réveil, le tumulte qu'elle a su
imposer réclamera quelques réconforts. Le poêlon à châtaignes
viendra trouver quelques braises pour que claquent les fruits de
l'automne.
La
bonne odeur vous redonne de la vigueur. Quelques caresses avant que
de jouir de ce bonheur gustatif. Vous mangez, oubliant en ces
instants votre nudité comblée. On sonne à la porte, vous vous
surprenez à ne plus savoir que faire. C'est l'affolement général.
Vous vous vêtez en toute hâte, dans le désordre des vêtements
jetés n'importe où.
L'un
de vous aura retrouvé ses esprits le premier. Tant bien que mal, il
ira jusqu'à la porte, s'étonnera du regard des amis. Le désordre
de sa mise est sans équivoque. Les amis arrivent sur le théâtre
des turpitudes. Vous affirmez vous être endormis auprès de la
cheminée. Vous les invitez à manger quelques châtaignes. Ils
sourient, ils se lancent des regards complices. L'état du canapé
est sans équivoque. L'odeur de l'amour couvre celle des marrons.
Ils hument ce parfum et s'en imprègnent à leur tour.
Vos
amis prétextent une excuse quelconque. Ils veulent vite rentrer chez
eux et mettre, eux aussi, le feu aux poudres. Qui a prétendu que
l'hiver n'était pas la saison des amants ? Ceux qui n'ont pas de
cheminée ni de foyer ouvert sur le monde des sens sans aucun doute.
Soufflez sur les braises, rallumez la flamme ; il n'est rien de
mieux à faire, je puis vous l'assurer.
Braisement
vôtre
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