mardi 21 septembre 2021

Passion Loire

 

Hors programme

 

 


Vous qui sur les bords de ce quai en fête, regardez passer les bateaux de bois, écoutez donc les histoires vraies ou enluminées d'une passion Loire. Les mariniers d'aujourd'hui, rois du Festival, princes des tavernes aux allures étranges ont revêtu les habits des mauvais gars d'antan, ceux-là même qui étaient condamnés à tirer la corde le long de la berge, à pousser la bourde ou à lever la voile quand le vent était favorable. Ils leur rendent hommage parce que leurs glorieux devanciers ont été durant des siècles l'honneur de cette rivière

 

Ne voyez pas dans leurs manières une nostalgie déplacée, un retour en arrière pour refuser d'aller vers la proue. Hommes ou femmes, ils voguent sur l'onde par amour de la belle dame brume, ce flot tumultueux et étrange qui les aimante. Acceptez de les suivre et d'ouvrir les yeux et les écoutilles ; en vous tournant en cette belle occasion vers ce courant imprévisible et indomptable qui s'ensauve vers le ponant.


 



 Tout a commencé, il y a bien loin de là, du côté des Cévennes. Quelques sources éparses se disputent la paternité de ce long ruban qui au bout de sa course, ira noyer son vague à l'âme dans les parages de Saint Nazaire. Mince filet d'eau, elle prit vite allure et force en descendant de ses collines. Elle ne pouvait naître que d'un ancien volcan, c'est ainsi que dès cet instant elle mit le feu aux poudres et aux passions. L'orgueil la poussa à préférer l'Atlantique alors que la Méditerranée toute proche, lui faisait de l'œil. Mais elle avait déjà caractère bien trempé : on ne peut attendre moins d'une rivière.

 

Elle roulait alors des épaules, charriait tout ce qui lui tombait sous la main, se faisait torrent impétueux. La belle roulait gros cailloux pour les réduire à sa merci et en faire petits grains de folie. Usante à souhait, elle faisait son lit à la force de son courant, creusant son passage dans des gorges de plus en plus profondes. Par cette érosion folle, elle avançait, filant vers le Nord dans une course échevelée. Là, point n'était question de se glisser sur son dos. La dame n'était encore que bien frêle jeune fille sauvageonne !

Petit à petit, elle se fit adolescente, ne sachant plus trop où donner de la boussole. Elle virait, tournoyait, se faisant méandre pour vous tourner la tête. Elle creusait toujours, mais ce sont des berges plates qui subissaient ses assauts. Quand une rive se faisait tranquille, l'autre savait qu'il fallait subir ses attaques perfides, ses morsures profondes. C'est l'art complexe des boucles de la demoiselle.



 Mais de toutes ces voleries, il fallait bien se délester. Elle proposa aux gens du voisinage banc et iles pour couler des soirées heureuses. Fantaisie et rouerie ne l'abandonnèrent pourtant pas. Ces cadeaux, déposés de ci de là, ne cessaient de changer de place et de proposer jolis pièges à qui ne les connaissaient pas. C'est de là qu'elle se fit mauvaise réputation et que beaucoup d'entre vous lui tournèrent le dos.



Plus loin dans sa course désespérée vers un océan qui la dévorerait tout entière, elle accepta de se prêter à la fantaisie des mariniers. Elle toléra leur fréquentation, se gardant bien de rendre leur projet aisé. Elle leur fit bien des misères, mettant en danger leur vie et leurs embarcations. Ce n'est que bien plus loin à l'ouest qu'elle consentit à se faire navigable même si jamais elle ne renonça à leur jouer de mauvais tours.

En son sein, ses pensionnaires coulaient des jours heureux. Poissons de toutes eaux, elle n'était pas regardante. Le saumon, l'alose, le mulet, la lamproie, l'anguille et l'esturgeon venaient de la mer, le brochet, le goujon, l'ablette et les gardons des bords de terre. Ils remuaient de la queue pour affronter les flots, allaient de l'avant ou rebroussaient chemin jusqu'à ce que les hommes décident, navrants et tout puissants, de barrer sa route de quelques vilains murs de béton.



Mais de tout cela, vous n'avez cure. Vous, vous voulez de l'authentique, du véridique, des coups de tabac et des coups de cœur, des raconteries et des rengaines. Alors, n'attendez pas des mariniers qu'ils vous livrent leurs secrets. Prenez plutôt la peine de vous lever au petit matin, d'admirer la brume qui recouvre la belle, d'écouter la faune qui s'éveille et de vous laisser bercer par le doux murmure d'une rivière qui sort de sa torpeur nocturne.

Éloignez-vous des villes, aventurez-vous sur les sentiers qui la bordent. Observez cette vie qui s'agite, ses mouvements d'eau et de sable, ses oiseaux qui peuplent les îles. Ils sont si nombreux que les nommer ici serait trop long. Venez avec jumelles et appareils photos et jamais plus vous ne la regarderez de la même manière. Prenez-bien garde de ne pas la souiller de vos papiers gras et autres immondices que trop de malotrus abandonnent en ses rives. Prenez donc la peine de les ramasser.

Si vous n'êtes pas encore convaincus, c'est au soir, quand un soleil rougeoyant embrase le Ponant que la dame vous tirera par le cœur. Jamais plus belle lumière vous ne verrez. Les feux du ciel se mêleront à l'eau, le bonheur des yeux, l'émotion et la passion Loire qui pour toujours, alors, seront vôtre aussi. Vous pourriez tout aussi bien profiter de l'aubaine pour écouter les contes et les légendes de la belle, même s'il semble que le Festival ne se prête guère à ce désir insensé de s'adresser à votre cœur.

Festivalement sien.

Photographies de Christian Beaudin

Texte écrit par un individu qui ne mérite pas de figurer au programme du Festival

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