dimanche 10 janvier 2021

De la dyspraxie au pied de la lettre …

 


La tyrannie de l'écrit dans la norme.





J'ai assisté à une formidable conférence intitulée : Dyspraxie et « bientraitance », menée de langue de maître par un expert du sujet et de la communication : Alain Pouhet. J'avoue mon admiration devant le savoir-dire de notre animateur tout en ayant éprouvé, à bien des égards, quelques agacements qui justifient ce billet. Mais, n'allons pas si vite en besogne et reprenons le cours du propos, la redoutable double tâche risque de me perdre en chemin …


La domination féminine est incontestable dans l'assistance. Près de soixante dames pour une petite poignée d'hommes. Les quelques minutes d'attente sont d'ailleurs marquées par ce rapport de force. J'ai l'impression d'être dans une volière bruyante, je me tiens coi dans mon coin pour ne pas me faire remarquer. La prudence s'impose !


L'incontournable Power-Point trône sur le devant de l'écran. Je redoute toujours cet outil, souvent si mal utilisé. Avec notre conférencier pourtant, il ne servira que de contrepoint, d'illustration discrète et pertinente d'un discours qui alternera entre informations précises et anecdotes parfaitement éclairantes. Le tout agrémenté de quelques traits d'humour et de saillies décalées ; vraiment du grand art !


Je ne suis plus vraiment dans le monde formolé de l'éducation nationale. La conférence sera suivie d'un lunch sponsorisé par deux laboratoires privés. Cette annonce perturbe mes convictions sans pour autant me pousser à fuir. Cependant, dès la fin de l'exposé, je filerai à l'anglaise pour ne pas risquer de me compromettre. Décidément, je ne suis pas au bout de mes surprises dans ce curieux monde du handicap.


Le grand spécialiste prend la parole pour ne plus la lâcher durant une heure trente d'un exposé brillant et édifiant. Je découvre les mécanismes de la dyspraxie et ne vous ferai pas l'injure d'en proposer un résumé. Le site de notre homme vous permettra sans aucun doute de vous documenter bien plus utilement que je ne pourrais le faire ici.


C'est quand il en vient aux cas d'école que je me sens fort mal dans mon statut d'enseignant. Mes collègues en prennent plein leur grade. J'avoue que ce trouble, estampillé handicap, déstabilise au plus haut point les croyances et les convictions de ces bons élèves qui finissent par se retrouver de l'autre côté du bureau.


J'aurais aimé que notre homme compatisse quelque peu devant le tsunami d'interrogations et d'incompréhensions que représente un élève incapable de maîtriser l'écriture manuelle. C'est le fondement de l'école qui est mis à mal par cette difficulté manuelle, ce trouble complexe qui rend l'écriture illisible, chaotique et bien plus encore.


Bien sûr, devant l'évidence, il faudrait admettre les difficultés et se lancer sans réticence dans les procédures d'évitement, de compensation et d'aide à ces gamins, qui souvent, sont brillants à l'oral. C'est faire peu de cas de la pression des normes et des missions de l'école, des représentations qui peuplent l'inconscient des maîtres. Une écriture de cochon est forcément le fruit d'un mépris pour la chose enseignée.


C'est facile de se gausser de ces professeurs qui n'ont pas eu l'information. C'est parce qu'on les place sans aucune formation digne de ce nom, devant des élèves, qu'ils ne sont pas en mesure de comprendre ce qui échappe à leur logiciel scolaire. J'aurais aimé de la compréhension et des précautions oratoires. J'en aurais moins souffert.


Je ne crois pas que ce trouble, pour sévère qu'il soit, justifie, comme j'ai pu l'entendre ailleurs, la disparition de l'écriture cursive. Je me moque que des pays s'orientent vers le tout clavier. Je demeure persuadé de la primauté de l'écriture manuelle dans certaines situations, quand on a la chance de savoir écrire. Cette fuite en avant au profit du seul ordinateur, constituerait à mes yeux, une grave erreur et une grande perte. Il faut être capable de nuances et de dosages parfois, d'adaptation au cas par cas, d'intelligence individuelle des maîtres et ne pas se laisser obnubiler par des directives venues d'en-haut.


Tout aussi déplorable, je dois le reconnaître, le refus de certains collègues d'accorder aux élèves touchés par ce handicap, des moyens spécifiques pour compenser leur trouble opératoire. Je sais les ravages que font dans notre école les exigences supposées d'égalité à tout propos. Notre conférencier l'a, cette fois, fort bien démontré : l'égalité n'existe pas à l'école ; les élèves ne sont pas tous sur la même ligne de départ. Les inégalités sont légion et seul l'impératif d'équité devrait s'imposer à tous. Un postulat intolérable pour les parents, incapables le plus souvent de penser en dehors du seul cas de leur cher petit ange.


Mais cette fois, c'est risquer la révolution dans la classe quand on donne des droits et des devoirs distincts parmi les élèves. Ce refus de répondre aux difficultés spécifiques de chacun, cette incapacité à envisager une pédagogie différenciée est bien le mal de notre conception de la formation, encore héritière d'une idée de compétition et de classement des élèves entre eux. Cette fois, notre spécialiste dénonçait clairement le vrai problème d'une école qui, contrairement à ce que le discours officiel ne cesse de prétendre, n'a jamais changé de paradigme.


Finalement, cette conférence, dont je ne vous ai rien dit, pointe du doigt les incohérences d'une école contrainte d'intégrer des enfants de plus en plus différents, ayant des parcours et des capacités si dissemblables et qui se refuse encore à modifier radicalement ses méthodes et ses principes. Tous les élèves faisant obligatoirement la même chose dans une école où la presque totalité des contenus passe encore par le seul écrit.


Bouleversement leur.


 

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