samedi 30 janvier 2021

Tous ceux de la rivière ...

 

Les Pt’its métiers

 




Je suis un gars de la rivière

Qui a fait tous les petits métiers

De ceux qu’on ne met pas en lumière

Dans vos grandes et doctes assemblées


J’ai commis pour vous bien des labeurs

Sans mesurer la sueur sur mon front

Je ne suis qu’un humble travailleur

Payé trop souvent de vos affronts


Sur les flots du matin jusqu’au soir

Sans la moindre vie de famille

Je passe ma vie sur la Loire

Pour tout juste quelques broutilles


Courbé sous la terrible bricole

Affrontant un redoutable courant

Une bête de somme sous licol

Un travail qui ne donne guère d’argent


J’ai passé la poix ou le goudron

Pour rendre étanche tous vos bateaux

Glissant la mousse sous votre pont

Calfat payé d’un maigre pognon


En ployant sous d’imposants fardeaux

J’espère rester en équilibre

Sur la planche de rive de ce bateau

Moi le trimard tout juste libre


Ces richesses déchargées sans entrave

Proviennent d’outre atlantique

Produites là-bas pas des esclaves

Pour vous, les bourgeois de barrique


Votre arrogance est une insulte

Pour nous tous, les humbles de ce quai

Un jour vous ferez la culbute

Quand viendra la révolte des laquais


L’histoire ne réclame pas des comptes

À ceux qui se sont gavés ainsi

C’est par le biais de mes contes

Que je révèle vos infamies




vendredi 29 janvier 2021

Fable pour une drôle d'époque

Écoutez cette histoire




Écoutez cette histoire

Vous n’allez pas la croire

Au doux pays de France

Au temps des transhumances

Bergers et leurs chiens

Pour deux ou trois fois rien

Menaient tout le troupeau

Sur les pentes d’un chaos 

 



Les chiens mordaient les bêtes

Aux jambes et à la tête

Les bergers pires qu’eux

Tuaient les plus vieux

Le troupeau effrayé

Ainsi était mené

Sans penser à malice

Jusqu’au précipice

 



Les moutons sans broncher

Ont suivi le premier

Un animal docile

Fidèle et servile

Il les mena alors

Au grand saut de la mort

Aucun ne réchappa

À ce terrible trépas



Au pied de la falaise

Les loups à leur aise

Sans aucune retenue

Comme c’était convenu

N’eurent plus qu’à dévorer

Ceux qui furent sacrifiés

Pour le bénéfice

De leurs odieux complices

 



Vous ne vous doutez pas

Que votre tour viendra

Mais on vous a trompé

On vous a enfermé

Tenus à la bride !

Puis ces cœurs arides

Au nom de la santé

Vont vous sacrifier

 



Écoutez cette histoire

Vous n’allez pas la croire

Au doux pays de France

Au temps des transhumances

Macron et les siens

Juste pour notre bien

Menèrent le populo

Dans un terrible chaos




jeudi 28 janvier 2021

Sully-sur-Loire, mon village natal

 


Mon pays d'en France

 


 


C'est mon pays d'en France

Petit coin de bonheur

Berceau de mon enfance

À jamais dans mon cœur

C'est au creux de son château

Monument de l’histoire

Que se reflète en ses eaux

Notre divine Loire 

 



De ses tours majestueuses

On découvre le Val

Lumières somptueuses

Pour écrin médiéval

Ce gardien précieux

Pour Sologne voisine

Et Berry mystérieux

Au delà des collines

 



Un très grand du Royaume

A illustré son nom

Après qu'un enfant des chaumes

Lui octroya son renom

Notre Duc Maximilien

Aménagea les levées

Maurice le bon chrétien

En sera la fierté




Dans le creux de ses douves

Se lovent les amants

Entre chien et louve

Admirent ce diamant

Forteresse éternelle

Conserve leurs secrets

Caché dans ses tunnels

Tel un trésor discret



Ciel aux mille couleurs

L'inonde de ces nuances

Qu’un soleil enchanteur

Lui octroya en créance

Alors ses pierres blanches

Se font ainsi reflet

En une douce revanche

Pour un somptueux ballet



Ici est un château

Le joyau de Sully

Au milieu de l'eau

Perle de mon beau pays

Dans mon village d'en France

Un petit coin de bonheur

Berceau de mon enfance

À jamais dans mon cœur



Sully: mon pays d'en France 
 
 

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

La note : 10 étoiles

Délicieuse nostalgie

« Sully : mon Pays d'en France »
livre de C''Nabum
358 pages
Book editions
decembre 2020
358 pages

Un beau pays et de la mostalgie plein mon panier !

L'auteur, conteur, bonimenteur, poète nous remet un manuscrit original où se mêlent
des morceaux de vie de personnages de son enfance, de souvenirs personnels et de contes.
Les personnes « portraitisées » ressemblent parfois, à s'y méprendre, à des hommes et des femmes que des lecteurs comme moi ont connus dans leur village natal, qu'il s'agisse du porteur de vie, de l'homme à tout faire ou du docteur dévoué venant au moindre appel soigner un villageois.

Nos villages vivaient ainsi : quand un enfant avait une conduite dangereuse ou incorrecte, il y avait toujours un adulte pour le reprendre et personne n'avait à y redire, surtout pas les parents.

Le deuxième chapitre du livre au nom révélateur de « mes universités » est consacré à tous les passeurs qui ont participé à son éducation, ses instituteurs, notamment.

N'hésitant pas à souligner ses faiblesses d'alors, notre narrateur revient sur ses carences en orthographe et ses zéros en dictée....Ironie de l'histoire, il écrit aujourd'hui beaucoup et manie la langue française et les mots avec bonheur et maîtrise....Comme quoi ?

Plus loin, dans cette même partie ou dans une autre, le lecteur découvre le basculement du monde commencé dans les années 70 et complet aujourd'hui.

Cela se passe à Sully mais aussi en d'autres lieux :

« le lavoir ne recevait plus personne, le Ru d'Oison devenait petit à petit ce mince filet d'eau qu'il est désormais même si en juin 2016, il montra à tous qu'il était encore capable de déborder. »

Ce voyage teinté de nostalgie au pays de l'enfance de l'auteur se termine par l'incontournable suite de contes et de légendes.
C'est là un délice.

Je ne connais pas cette ville qui est l'une des cités arrosées par la Loire, ce fleuve chargé d'histoire de France culturelle et politique mais ce conteur réussit à me la rendre mienne ou presque.... d'autant plus que, natif de Blandy les Tours, petit village doté d'un château fort, je retrouve et c'est curieux, des traits communs entre ces deux communes !

Pourtant le Loiret et la Seine et Marne, proches sont très différents !

Jean-François Chalot 


 


 

mercredi 27 janvier 2021

Gueux sur terre, Seigneurs sur l'eau

Gueux sur Terre
 
 



 Gueux sur votre terre
 Nous devenons bientôt
Par un étrange mystère
Seigneurs sur notre bateau
 


Nous sommes les va-nu-pieds
Les mariniers sur l'eau
Dormons dans les fossés
Pour trouver le repos
 Vous vous plaignez sans cesse
D’nos vilaines manières
Nous vous montrons nos fesses
Hommage à la rivière  


Dans tous les caboulots
Nos trognes  rubicondes
De vilains matelots
Choquent tout l’monde
Les chansons qu’nous braillons
Troublent les belles dames
Que nous offensons
De nos propos infâmes !

Passons pour des soudards
Au langage abominable
D'impossibles lascars
Possédés par le  diable
Poursuivant les donzelles
Insultant les bourgeois
Et faisant la part belle
Aux propos de guingois

Mais devant le danger
Dès la première alarme
Accourons vous sauver
Vous tirant de ce drame
 Car jamais un marinier
Quoi qu'il puisse lui coûter
 Ne refuse de porter
Secours aux naufragés

Seigneurs sur les flots
Finirons tantôt
Ah quelle galère
Gueux sur votre Terre






mardi 26 janvier 2021

Quand Lucien faisait le joli cœur

 

Le grand saut du Perron

 




En 1705, il était une fois à Saint Raimbert un jeune homme bien fait de sa personne, un gars réputé pour sa bravoure et son amour des jolies demoiselles. Il courait le guilledou, allant d’un jupon à l’autre avec délectation. Jamais satisfait de sa conquête, il se remettait toujours en quête, espérant trouver le véritable amour, celui qui fait battre le cœur pour la vie.


Lucien était bien né, non pas qu’il fut venu dans l’existence avec une cuillère en argent dans la bouche, mais simplement parce qu’il avait des parents aimants qui lui avaient donné l’envie de croquer l’existence. Il était d’une humble extraction, de celle qui vous pousse à tenter le diable pour réussir sa vie.


Le hasard, la nécessité, qu’importe comment nomme-t-on la coïncidence, Lucien fut présent lors de la création de la grande aventure des rambertes. Le charbon de terre, extrait dans les mines du côté de Saint Étienne, était réclamé dans tout le pays et par le roi Louis XIV, qui avaient en ce temps-là grand besoin d’énergie pour son industrie naissante.


On suggéra au roi de transporter le précieux minerai par voie d’eau, la Loire étant fréquentable quelques mois par an du côté de Roanne. Des hommes plus audacieux pensèrent qu’il était possible de gagner temps et argent en embarquant dès Saint Rambert. Le problème majeur résidant dans le redoutable passage du Perron, qui dressait là, au milieu de la rivière, une barrière rocheuse exigeant un saut périlleux.


Lucien fut parmi les premiers à se porter volontaire pour tenter le diable. Il connaissait par le cœur le cours d’eau, aimant depuis toujours à s’y promener, à pêcher malgré l’interdit qui pesait sur cette pratique relevant d’un privilège corporatiste. Il savait les rochers, les obstacles, les pièges qui parsemaient ce trajet. Il avait, dans son jeune âge, osé la construction d’une pirogue et affronté la rivière. Sa réputation avait ainsi fait le tour de la contrée et c’est vers lui que se tournèrent naturellement les promoteurs de cette aventure en devenir.


Lucien supervisa la construction de la toute première ramberte, une grande barge en sapin pour y charger vingt tonnes de charbon. Il avait donné des conseils avisés, fort de ses expériences avec sa pirogue. Il se porta volontaire pour être le premier à se lancer dans cette folie, en situation réelle, avec une embarcation chargée. Il eut d’ailleurs bien du mal à trouver un compère qui acceptât de l’accompagner dans l’aventure.


Il fut celui qui ouvrit la route, une route parsemée de pièges et d’écueils. Son succès provoqua une épopée qui dura deux siècles et demi. D’autres trompe-la-mort se mirent aussi sur le métier qui venait de naître, celui de navigateurs audacieux qui menaient les bateaux sur ce petit parcours semé de chausse-trappes avant de les confier à d’autres, pour de longs trajets plus paisibles.


Ces gars-là étaient des acrobates, des têtes brûlées ne craignant rien. Ils étaient pourtant si faibles dans ces flots furieux, avec leurs deux malheureuses pétoles, leur courage et la main de dieu tant qu’elle voulait bien les protéger. Ils étaient admirés de tous pour leur courage, surtout des jeunes femmes qui ont toujours aimé ceux qui défient le destin.


Lucien tout particulièrement avait remarqué une beauté qui guettait le passage des vaillants devant le saut du Perron. Elle était là, la robe et les cheveux flottant au vent, inquiète et fébrile devant le spectacle qu’elle admirait tout autant qu’elle redoutait. Il ne manquait jamais à chaque passage de jeter dans la rivière, à l’approche de la magnifique vigie, une rose en lui envoyant un baiser.


La demoiselle l’avait elle aussi remarqué et aurait eu les yeux de Chimène pour son kamikaze de galant si la donzelle avait connu l’histoire. Elle était énamourée pour celui qui, en dépit du danger qui sourdait, se permettait pareille galanterie et aimable révérence, à elle seule, destinée. Elle avait le cœur battant à chacun de ses passages, si fréquents du reste, qu’elle soupçonnait qu’il se mît ainsi en danger rien que pour elle.


Elle se décida à agir pour le préserver tout autant que le conquérir. Elle se rendit dans l’église de Saint Maurice, munie selon la légende, d’une épingle à cheveux. Elle essaya à plusieurs reprises de la lancer contre la queue du cheval sur lequel était juché le saint patron de la ville. On prétendait que si l’épingle s’y fichait, le mariage désiré serait exhaussé et fort heureux.


Hélas, elle n’y parvint pas et eut soudainement terrible pressentiment. Elle se précipita vers le seuil tant redouté, guettant l’arrivée de son amoureux. La Loire était ce jour-là plus haute et agitée qu’à l’habitude. Elle était folle d’inquiétude et eut un violent pincement au cœur quand elle vit apparaître celui qu’elle chérissait.


Ce ne pouvait être que lui, celui qui se tenait ainsi, si fier et élégant pour aborder le passage le plus redoutable de toute notre Loire. Elle pria Saint Nicolas, la bonne Vierge de Vernay et tous les autres saints de la création. Hélas, les cieux ce jour-là étaient inaccessibles à ses requêtes. Elle vit Lucien bouter son chapeau devant elle, lui envoyer un doux baiser, jeter la rose dans les flots en furie quand un immense craquement résonna dans la vallée. Lucien, désarçonné sombra sous les yeux de sa bien-aimée.


La pauvre, folle de douleur, se précipita à Vinay. C’est là, quelques jours plus tard, qu’on découvrit son corps, premier d’une longue série de malheureux qui perdirent en ce passage maudit l’existence. La fille pleura toutes les larmes de son corps et se fit curieuse promesse, le seigneur des cieux n’avait pas souhaité qu’elle se donnât à son beau marinier, elle décida de se faire fille de tristesse, pour accorder à tous les autres le peu de réconfort qu’elle pouvait leur donner.


De ce jour, la fille du saut du Perron fut traitée de Péronnelle, terme qui alors fit flores. Les hommes méprisent ainsi celles qui pour des raisons qui échappent bien souvent à la compréhension, font ainsi commerce de leur corps alors qu’ils en jouissent sans honte ni remords. Elle n’en jouissait point mais se faisait un point d’honneur à adoucir une existence qu’elle savait si fragile pour ces malheureux garçons affrontant mille périls pour des boulets de charbon.

 

Que cette histoire résonne dans vos cœurs et vous ouvre à bien plus de compassion pour celles qui font ainsi boutique de leur corps. Des péronnelles se trouvèrent tout du long de la rivière, elles travaillaient dans ces bordeaux qui accueillaient des mariniers en désamour. Ce métier qu’on dit le plus vieux du monde ne mérite ni opprobre ni mépris. 


 


lundi 25 janvier 2021

Les écuries de notre Monarchie

 

Le fumier s’entasse depuis si longtemps




Freluquet, monarque de Palais se prenant pour Jupiter avait promis lors de son sacre somptueux de réaliser une opération de nettoyage des pratiques du pouvoir. Avec lui, c’était certain, tous les travers accumulés au cours d’une constitution trop profitable aux canailles allaient soudainement disparaître. Pour confirmer cette promesse, il entendait renouveler le personnel politique, renvoyant dans les étables les vieilles carnes du passé.


En bon prince méprisant, l’homme a pourtant dédaigné les travaux d’entretien courant. Pire même, il a permis la création de nouvelles immondices se permettant lui-même de laisser une chape d’excréments sur le dossier de sa garde rapprochée. Mensonge, falsification, manipulation et autres turpitudes sont venus s’amonceler sur les vestiges nauséeux du passé.


Décidément l’air devint putride dans les allées du pouvoir et pire encore dans les écuries de la monarchie élective. Aux délicieux parfums de corruption, prévarication, avantages indus, privilèges exorbitants, tromperies fiscales et autres dérives princières, il a fallu ajouter les effluves marines avec des reliefs de homard. L’odeur devenait méphitique et même plus encore pestilentielle.


Freluquet fit donc appel à Hercule pour nettoyer ce qui pouvait être retiré, un petit riponilage de surface, histoire de contenter le peuple des miséreux si méprisé par ce Monarque hautain. Le pauvre demi-dieu s’était brûlé les ailes en se métamorphosant en avion de chasse, totalement invendable. Il avait d’autres chats à fouetter. Il déclina l’offre.


Il avait pensé, un temps s’appuyer sur un dénommé Collomb pour lui conférer une virginité en la matière fécale. Hélas, mille fois hélas, l’homme était loin d’avoir découvert l’Amer Hic. Il dut même avaler des couleuvres à propos d’un garde du corps. Il s’en alla la queue basse, repoussant une mission qui n’était plus dans ses cordes, ses forces déclinant.


Comment faire au juste pour entreprendre cette nécessaire œuvre de salubrité publique ? Cherchant bien autour de lui, Freluquet ne voyait que des gens aux mains sales, à la pensée obscure et aux intentions peu louables. Le salut ne pouvait venir que de l’extérieur. Un petit air frais qui ferait grand bien dans les miasmes ambiants. L’urgence était grande, le fumier n’avait pas été retiré depuis la disparition du Grand Charles, le créateur de la nouvelle monarchie.


La puanteur se rependait désormais à travers tout le pays. Des citoyens en colère se dressèrent du reste sur les rond- points pour réclamer le grand nettoyage. Ils furent sauvagement balayés par le bras séculier, complice d’un pouvoir qui devenait de plus en plus violent vis à vis de ses sujets alors que les couches excrémentielles s’accumulaient dans les écuries.


Le salut vint, à la grande désolation du Prince, d'éléments extérieurs, deux canards vengeurs, l’un enchaîné et l’autre médiatique, qui mirent leurs becs dans les immondices du pouvoir. Les deux organes de presse avaient tant à faire pour enfin assainir qu’ils ne pouvaient suffire à la tâche immense, colossale même.


Comme leur homologue qui nettoie les cuvettes des WC, ils devaient s’attaquer à ce qu’il y avait de plus fétide dans notre pays. Curieusement vilipendés par ceux-là même qui, jocrisses et hypocrites, prétendaient à la transparence, ils trouvèrent dans la population des relais, des supports, des collaborateurs pour concourir à leur mission.


Sur les réseaux sociaux, chacun pouvait y aller de son petit coup de balayette pour nettoyer les relents d’un pouvoir entièrement au service d’un système accumulant tous les rejets possibles. Cette aide fut précieuse à nos deux canards, qui évitèrent ainsi d’être censurés par un Freluquet de plus en plus tenté par la dictature.


Nos deux palmipèdes firent deux brèches dans les écuries de la monarchie. L’une s’appelait « Liberté de la presse » : l’Alphée, l’autre « Respect des sources » : le Pénée. Pour Leur donner un sacré coup de main, le peuple outragé, le peuple martyrisé perça lui aussi sa brèche qu’il nomma « Référendum » : L’Achéron.


Freluquet et ses sbires seront ils noyés par les flots tumultueux de ces rivières indomptables ? Nous le saurons bientôt en suivant les prochains épisodes de la merveilleuse et résistible épopée des Canailles de la Monarchie. Pour l’heure, les écuries sont encore couvertes de fumier mais nous ne désespérons d’en venir à bout en établissant une sixième République qui plus que jamais est nécessaire.


Hygiéniquement leur.


 

dimanche 24 janvier 2021

Le Grand Échalas.


Une curieuse aventure.




Il était, il y a bien longtemps, au bord d’une rivière en région forestière, un homme si grand que tout le monde le connaissait sous le sobriquet de « Grand Échalas ». Je pense qu’il est bon de faire ici aparté pour vous expliquer le sens de ce surnom avant qu’il ne soit rentré dans le langage courant. Il est vrai que l’aventure de ce curieux personnage fit rapidement le tour de toutes les rivières qui coulent au pied des collines boisées.

En ce temps-là, le vignoble occupait une grand part des terres de nos vallées. La consommation de vin était ce qu’on qualifierait aujourd’hui d’immodérée. Il n’était pas rare de voir des travailleurs buvant quatre à six litres par jour et bien peu pensaient à couper leur boisson d’eau. C’était bien avant l’arrivée du maudit phylloxéra, les vignerons coulaient des jours heureux et Monsieur Évin n’était pas encore né. Seules les taxes des Aides venaient contrarier leur juteux commerce.

 



La culture de la vigne exigeait un tuteur de bois, un haut piquet en châtaignier, acacia ou pin et Sylvain faisait métier de couper, tailler, mettre en fagots les échalas qui partaient ensuite à bord de sapines, salambardes ou bien chalands suivant les rivières empruntées. Sa taille inhabituelle à l’époque lui avait fallu ce surnom qui depuis affublent les grandasses.


Sylvain abattait autant d’arbres que de travail. Il était aussi fort qu’il était grand, ne rechignait jamais à l’ouvrage. Il aimait venir au port livrer sa production que des mariniers embarquaient pour les régions vinicoles. À plusieurs reprises, des mariniers avaient convié notre homme à faire une fois avec eux la descente, histoire de voir du pays.

 



Sylvain, un peu penaud devait décliner l’invite et se refusait même à embarquer sur le bateau pour y boire un verre en compagnie des lascars qui vont sur l’eau. Il avait une phobie qu’il n’osait avouer. Pour lui, rien ne valait tant que le plancher des vaches car il était dans l’impossibilité psychologique de se trouver en contre-bas. Ainsi, descendre dans une cave lui était impossible tout autant que monter à l’échelle ou bien un escalier.


Les chalands, les sapines, les bateaux de transport de marchandises avaient de hautes bordées afin de pouvoir les charger. Nos bateaux traditionnels n’avaient pas de pont. Dès qu’on y montait, il fallait descendre en-dessous du niveau de l’eau sur un plancher qui recevait le fret. Ce mètre cinquante de dénivelé était pour le garçon un obstacle paralysant qui le laissait à quai.

 



C’est de ce handicap assez curieux, il faut l’avouer, que naquit une page des plus belles de l’histoire fluviale. Sylvain étant compagnon bûcheron reçut un jour une commande. Il devait abattre des châtaigniers, nombreux dans sa région et les porter en bord de rivière. L’habitude voulait qu’on y laisse filer au fil des flots les troncs pour rejoindre le chantier de construction navale ou bien l’artisan qui en avait fait commande.


Les troncs étaient marqués d’un signe gravé afin de savoir à qui ils étaient destinés ; cette opération se nomme le martelage et était réalisée avec des marteaux à l’effigie du propriétaire du tronc. Ils allaient à la bonne fortune de la rivière. Mais cette fois, la commande était d’importance. Le château de Sully-sur-Loire réclamait des châtaigniers pour bâtir une charpente qui, plus de cinq cents plus tard, fait encore l’admiration des visiteurs.

 



Sylvain embaucha des bûcherons et des muletiers pour abattre et conduire les troncs au pied de la colline. Il loua les service de charretiers pour les porter jusqu’en bord de Loire, à Roanne. C’est là qu’il fut confronté à un problème insoluble. Payer les services de mariniers était déraisonnable, le prix du voyage allait grever tout son bénéfice. Il lui fallait laisser le bois flotter au fil de l’eau. Mais là encore, le nombre et la distance rendaient inopérante la solution d’antan.


Le désir de faire le voyage dont souvent il avait entendu parler, la nécessité de faire des économies, le curieux handicap qui était sien se conjuguèrent pour créer une réponse appropriée qui allait faire flores dans tout le pays et même ailleurs. Il eut l’idée saugrenue et folle pour ceux qui assistèrent à cette première, de lier et garrotter les troncs entre eux de manière à les rendre solidaires. Son chargement ainsi constitué en une sorte de bateau plat fait de rondins démesurément longs, environ 70 mètres pour 5 de large. Il était parvenu à y mettre 200 stères de bois.



Chaque tronc était assemblé aux voisins par des rameaux de bois verts qui furent appelés plus tard les chantiers, puis lié solidement par des branches souples nommées rouettes. Il avait pensé à donner une souplesse à son train de bateau en constituant plusieurs tronçons de troncs afin de donner une certaine mobilité à son embarcation, à la manière des trains de marchandises bien plus tard.


Une fois son bel ensemble constitué, il dut se mettre en tête de le diriger. Lui qui n’avait jamais pu mettre les pieds sur un chaland avait à relever un défi incroyable. Fort de toutes les observations qu’il avait faites en regardant manœuvrer les mariniers, il se munit de bourdes, d’un outil nommé fouine, une fourche à trois dents et de gouets, petites pioches courtes. Le plus compliqué pour lui fut de trouver trois compères pour se lancer dans l’aventure.

 



Le voyage eut lieu sans encombre. Les troncs arrivèrent à Sully-sur-Loire et furent confiés aux charpentiers après un long séchage. La nouvelle de la prouesse de Sylvain, le grand échalas circula comme une traînée de poudre, d’autres reprirent son idée et c’est officiellement le 20 avril 1547, avec l'aide de Charles Lecomte maître d'œuvre de la charpenterie de l'Hôtel de Ville de Paris et de ses compagnons que le premier train de bois lié et garrotté arriva à Paris.


Le Grand échalas était depuis longtemps retourné dans ses collines. Il n’avait pas le pied marin. Il préférait de très loin rester à terre, fut-ce sur une pente raide comme il s’en fait dans la région roannaise. Les trains de bois flottés lancèrent une nouvelle et belle épopée fluviale. Sur la Seine surtout mais aussi sur bien d’autres rivières, jusqu’en 1880, des hommes se lancèrent sur les eaux en équilibre sur des troncs.

 



Aujourd’hui encore, au Canada se perpétue cette périlleuse navigation. Gloire soit ici rendue à tous les flotteurs de bois, draveurs et autres radeleurs. Le métier est fort rude et nombreux sont ceux qui achèvent leur périple dans l’eau.


Flottement sien.


 


samedi 23 janvier 2021

Un ange passe …

 

Les pieds dans le plat.





Il m'est arrivé un phénomène qui n'a rien de particulier, qui ne devrait être ni remarquable ni inquiétant et qui pourtant vient une fois encore titiller mes sens en éveil sur les grandes tendances de notre société. Je sais que je suis un bien curieux personnage, prompt à m'enflammer pour ce qui ne provoque pas même le plus petit émoi chez l'homo-sapiens ordinaire, mais je ne peux taire ce qui m'est advenu par une belle soirée gastronomique.


La table est le lieu de la convivialité, des réunions entre semblables ou pas trop différents, des gens qui se pensent mutuellement de bonne compagnie. Ne soyez pas offusqués par le propos, nul ne songe à inviter chez lui un quidam qu'il range dans la catégorie des cuistres, des imbéciles ou des malappris à moins d'en faire une source de plaisanterie, ce qui avouons-le, serait du plus mauvais goût.


Non, c'est ainsi que nous tous, qui que nous soyons, nous nous efforçons modestement de respecter l'adage : « Qui se ressemble s'assemble » pour éviter les mauvaises surprises, les conversations qui dérapent, les conflits qui tournent vinaigre bien avant la salade. Nous n'aimons rien moins que la querelle lorsqu'elle peut être évitée dans le cocon douillet de son domicile.


Je ne déroge pas à cette pratique élémentaire qui assure la paix sociale, évite le renouvellement trop fréquent de la vaisselle au grand dam des publicitaires qui rêvent de nous voir changer nos services au gré des modes si fugaces. Nous sommes tous de bons conservateurs même lorsque nous nous targuons d'être d'un courant opposé.


Mais les temps changent et c'est là que vient à propos, ce billet de mauvaise humeur et de bris de verres. Dans une société forcément distinguée relativement homogène, en âge et en parcours complètement repérable dans les catégories socio-culturelles, un aréopage de gens de bonnes familles, réuni autour d'un repas d'exception, vint à tenir des discours politiques.


Je sais que l'aventure est périlleuse, que le désaccord pointe son nez, que les surprises sont parfois grandes et la fâcherie proche d'un bonnet qui est, plus chaud sur ce sujet. Mais de là à imaginer qu'un distingué convive, homme cultivé et de bon commerce put soudain en venir à l'irréparable, il y avait un pas que la qualité des plats proposés jusqu'alors, ne laissait absolument pas présager.


On ne peut mettre le dérapage sur les excès de boissons. Dans ce monde ci, monsieur, on se tient bien à table et encore mieux arrimé à l'ancre de la convenance. Il faut garder tête froide et posture respectable. Des années de pratique et une conviction chevillée au corps nous ont permis de ne jamais céder aux débordements navrants.


Mais point de tout ça, l'homme qui sortit du rang de la respectabilité habituelle, était bon père, bon époux, travailleur infatigable, sportif qui se conserve malgré le poids des ans, membres émérite et actif d'associations. Il avait tout pour répondre aux normes en vigueur dans les critères d'honorabilité et son véhicule attestait d'une position dominante.


C'est d'ailleurs le détail, à bien y réfléchir qui éclairera fort à propos l'aveu qu'il fit à la noble assemblée. Le marchepied et toutes les roues motrices à la fois autorisent sans doute plus facilement ce dérapage, qu'il n'aurait jamais commis en d'autres temps. Mais ce qu'il avait à nous dire se banalise, nulle honte, nulle gêne maintenant dans la confession publique.


Porté par un courant de plus en plus menaçant, certain du nombre, persuadé d'un avenir radieux, l'homme pouvait sans rougir de confusion déclarer ce qui hier encore se gardait au fond d'un cœur rempli de haine, de rancœur ou de rage. « Oui monsieur je suis raciste. Oui monsieur, je vote pour Marine et j'espère qu'elle va prendre le pouvoir ! » Plus rien ne pouvait passer ensuite, j'en avais fini de ce bon repas …



Démoniaquement sien.

vendredi 22 janvier 2021

Au pied de son arbre, il était bienheureux

 

Le destin d’un Dieu

 




Lug le lumineux était le fils de Cian et Brigit. Le jour de sa naissance, son grand-père maternel Balor, arriva au pied de son berceau, accompagné de trois fées : Houlipe, Morgane et Mélusine. Houlipe, la délicieuse fée de notre Val se pencha la première sur l’enfant et lui souffla à l’oreille une merveilleuse berceuse tout en lui offrant une lyre, capable de jouer seule, les plus beaux airs qui soient. Elle lui promit gloire et sagesse, faisant de lui le prochain maître des arts, de la lumière et de l’âge celtique.


Morgane à son tout s’inclina vers l’enfant. Elle lui tendit une lance magique et une fronde. Elle avait le visage grave tout en lui donnant la lourde charge de défendre son peuple jusqu’à la mort. Il serait le puissant guerrier invincible avec sa lance à la pointe empoisonnée et cette fronde dont il userait avec adresse.


Mélusine vint vers le nouveau né à leur suite. Avec cette curieuse fée, tout était possible, le bien comme le mal. La dame était aussi imprévisible que redoutée. Elle fit offrande au petit Lug d’un chêne qui dans l’instant sortit de terre, en bord de Loire, juste à deux pas d’une pierre Crapaud qui venait elle aussi se poser là après des bonds puissants provoquant un séisme tellurique. Elle prophétisa la puissance de l’enfant, il serait le dieu absolu, celui qui maîtrise toutes les techniques et toutes les connaissances tant que le chêne resterait planté en terre. Sous la pierre, un gigantesque trésor, inaccessible jusqu’à ce que Lug en ait besoin pour sauver son peuple.


Cian et Brigit n’en croyaient pas leurs oreilles. Leur fils était appelé au plus grand destin qui soit mais il leur appartenait de protéger cet arbre auquel sa destinée était intimement liée. C’est un sanglier qui se chargea de veiller sur le chêne tandis que pour sa peine, l’animal disposerait à volonté des glands qui ne cessaient de tomber de ses branches. Nul ne pouvait approcher l’arbre tant ce sanglier était redoutable.


Lug grandit et devint le plus puissant des dieux. Il s’était imposé comme le maître des lumières et de la guerre, le bienfaiteur du peuple celte, celui qui provoque effroi chez les ennemis et admiration chez les amis. Il était bon, juste et savait enjôler, caresser, plaire et séduire. Ses conquêtes furent nombreuses, il avait toujours une belle histoire à conter au pied de son chêne totémique tandis que les femmes succombaient toujours à ses paroles caressantes. Il régna longtemps, très longtemps sur tous les peuples dispersés désormais sur toute la façade occidentale de l’Europe. Son nom dépassait en gloire les vieilles divinités du passé. Il allait de par son vaste territoire jouant de la lyre pour que règnent la concorde et la paix. Sa lance rebutait toute velléité de rébellions et à quoi bon mettre à bas un dieu juste et bienveillant ?


Les siècles passèrent ainsi sans que Lug n’y perçoive le déclin de son étoile. De nouvelles croyances vinrent menacer son aura surnaturelle. Mais ces dieux n’étaient que pacotilles, apportés par des envahisseurs belliqueux certes mais tolérants. Il conservait sa place dans le cœur des siens qui se prêtaient volontiers au simulacre des nouvelles idoles sans renier leurs croyances.


Tout bascula quand une nouveau culte survint de l'orient. Un dieu unique qui excluait tous les autres. Il progressa lentement dans les esprits mais tous ceux qui étaient gagnés à sa cause n’en démordaient plus, il n’y aurait désormais plus qu’un seul Dieu. Ses adeptes se reconnaissaient à un signe de ralliement ; un poisson et ne tardèrent pas à dresser des temples pour honorer sa grandeur.


Lug ne comprit pas immédiatement qu’il était menacé. D’autant que l’époque était troublée. Les envahisseurs d’autrefois étaient retournés en bord de Méditerranée. D’autres grondaient plus loin dans les vastes plaines orientales. Ils étaient redoutables, puissants et impitoyables. Ils conquirent le pays par le fer et se grimèrent d’une religion de paix pour s’implanter pour toujours. Ils se prétendaient francs mais ne l’étaient guère. Sanguinaires et barbares, ceux-là ne se souciaient pas des tendres mélodies de Lug et de sa lyre.


Quand Clovis étendit son joug sur un territoire qui allait de Lutèce à Aurélianis en suivant les cours de la Seine de la Loire, Lug sentit qu’il convenait de se faire discret. Le Dieu puissant et magnifique avait subi le poids des ans et de l’indifférence. Il était devenu un vieillard digne et courbé qui allait à la recherche de ses derniers fidèles.


Il racontait des histoires qui passaient pour des légendes d’autrefois. On écoutait le conteur qui s’accompagnait de sa lyre, on se moquait de sa pauvre lance au fer émoussé qu’il brandissait parfois en un geste pitoyable et dérisoire. Lug était épuisé las et désemparé. Plus personne ne croyait à ses récits, on l’écoutait seulement, un sourire aux lèvres avant de lui offrir le gîte et le couvert pour le chasser au petit matin sans regret.


Un jour que Clovis tenait grand concile en Aurélianis, entouré des serviteurs du nouveau Dieu, il entendit parler de ce vieil homme qui sillonnait son royaume, racontant des sornettes d’un autre temps. Il voulut s’en amuser et distraire les évêques qui avaient beaucoup travaillé à établir le dogme qui allait asseoir son pouvoir par le truchement de quelques bêtes maléfiques qui se plieraient à la puissance de la nouvelle foi.


On alla quérir le vénérable Lug qu’on installa au chœur de cette docte assemblée. Clovis le pria de raconter comme il le faisait à travers tout le pays. Lug s’exécuta de bonne grâce, pensant sans doute conquérir le cœur de ces hommes sérieux. Hélas, les personnages étaient à table et rien n’a moins d’oreille qu’un ventre affamé de voluptés terrestres. Rares étaient encore ceux qui écoutaient distraitement ces contes d’un autre temps.


Clovis vit que l’homme n’était pas écouté, il le pria de se taire et l’invita à rester là s’il voulait profiter des victuailles. Lug lui sourit, se retira dans un coin, s’assit sur un trépied et s’endormit. Quelque part en bord de Loire des guerriers abattaient un vieux sanglier solitaire, un animal qui n’en pouvait plus d’effrayer le voisinage. Des bûcherons arrivèrent pour mettre à terre un chêne qui menaçait de s'effondrer à chaque instant.


Quand le repas fut achevé, que les agapes n’eurent que trop duré, les évêques et leur roi se retirèrent. Seul Mamert, l’évêque de Vienne eut pitié du vieil homme qui dormait dans un recoin obscur. Il s'approcha de lui, lui posa la main sur l’épaule pour le réveiller. Le vénérable veillard s’effondra, des milliers de glands roulèrent à terre, Lug avait disparu à jamais, métamorphosé en fruits du chêne.


Ainsi meurent aussi les dieux quand ils ne trouvent plus de place dans le cœur des hommes. Curieusement ce sont les plus doux et les plus sages qui disparaissent les premiers. Lug avait subi la domination d’autres qui portaient le glaive sans jamais reconnaître officiellement ce peu glorieux attribut. Il avait été maître des lumières et la sienne brille encore en bord de Loire, quelque part dans les yeux des amoureux de la rivière.

 

 

Ligériennement sien

 


 



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