mercredi 30 septembre 2020

Cartes sur table

On ne peut y couper !

 




    Curieuse activité  au demeurant que celle qui consiste à poser un tapis sur la table en lieu et place de la nappe habituelle. Nous pourrions en rester là des propositions saugrenues mais souvent la farce continue tandis qu’un chien s’invite lui aussi à la fête. Et que penser alors de la chose quand l’un des participants fait le mort, y compris un jour de Toussaint ? On lui avait promis de lui tirer les cartes, le voilà étendu, du plomb dans la tête, pissant le sang et se refusant à jouer son dernier atout…

    Les poings frappent la table, les propos dépassent le seuil tolérable tandis que les regards scrutent le mensonge, le bluff ou bien le signe discret. Voilà des cartes avec lesquelles on se perd en chemin, oubliant la courtoisie pour tromper son monde, le perdre ou le confondre. C’est ainsi que s’achève les repas quand la météo joue des tours aux convives. On se dit qu’une petite belote passera le temps avant de découvrir, bien trop tard hélas, qu’elle met en jeu bien plus que cela.

    Le valet se fait cavalier, le roi perd sa couronne, la dame se donne au plus offrant et chacun s’évertue alors à sortir un as de sa manche. Le neuf se la joue, lui qui d’un coup se prend pour un quatorze tandis que la belote cherche à doubler la mise en voulant gagner un autre pli. Je coupe pour gagner une levée, je plie quand on me coupe et j’espère secrètement être sous la goulotte à moins qu’un malotru pisse honteusement sur la table.



    On se met en quatre pour faire la paire. Si le nombre ne vous convient pas, il y a encore le tarot pour ajouter un comparse à moins que ces cartes-là ne soient de sortie que pour prédire l’avenir. Chacun cherche une excuse pour justifier ce curieux passe-temps immobile. On pense avoir toutes les cartes en main au lieu de quoi on tue le temps en les jetant sur le tapis.

    Les enfants à deux se contentent d’une bataille bien inoffensive, jeu si simple qu’il n’y a pas de quoi se retourner. Puis le temps passe, on pioche, on jette, on écarte, on triche, on bluffe. Tout est permis pourvu que cela se passe les yeux dans les yeux. On n'en voit pas de toutes les couleurs même si elles ne sont que deux, le rouge et le noir pour l’éternité.

    Les cartes biseautées sont de la partie, il faut bien aider le destin, mettre tous les atouts dans son jeu quitte à tricher un peu. C’est la règle qui s’accorde quelques libertés, s’octroie des largesses et se donne toute latitude pour leurrer l’adversaire. Les cartes en main, il est trop tard, c’est avant que tout se joue et se dénoue. Je distribue de main de maître, je mêle le vrai et le faux pour ne pas rester sur le carreau !

    Il ne faut pas avoir de cœur pour agir de la sorte. Je me pique quant à moi de ne jamais jouer aux cartes de peur de me laisser prendre à ce jeu de faux semblant. Je laisse les joueurs à leurs vociférations, leurs insinuations et leurs querelles, leurs mimiques et les propos codés. Je préfère de loin ceux qui se prennent pour des agents du planning familial, faisant des couples, des associations, des familles, des parties carrées dans l’univers complexe des têtes couronnées flanquées de leurs vassaux.


 

    Ceux-là pourtant ne se la jouent pas franc-jeu. Ils ont besoin de mettre un comparse dans le coup, un certain joker capable de tenir tous les rôles. D’autres ont eu recours à l’excuse, chacun trouvant nécessaire d’adjoindre une carte de visite. Au final, seuls les onanistes du jeu de cartes trouvent grâce à mes yeux, faisant et défaisant sans cesse leur destinée, cherchant au travers d’un rituel compulsif, les clefs du futur.

    Qu’elle réussisse ou bien échoue, la partie se passe à la fois de partenaire et d’adversaire. Elle vous permet au moins de gagner en sérénité. L’ennui venant, vous pouvez encore construire des châteaux, en Espagne ou bien en bord de Loire, constitués d’un patient assemblage des cartes qui s’empilent sans le moindre permis de construire ni de nuire. Tout finit par s’effondrer, métaphore parfaite de nos existences, avec ou sans trèfle à quatre feuilles.

    La nuit s’avance, le tapis s’enroule, les cartes retournent à leur sabot. La table reprend ses droits et c’est bien là que je joue au mieux la seule partition que je maîtrise : celle des petits plats que l’on glisse dans les grands. Le valet de pied fera le majordome et tous les invités seront rois et reines, couronnés non d’un couvre-chef mais de quelques taches de bon aloi exprimant leur contentement. Ne prenez pas la peine de présenter votre carte de visite, ma table est ouverte et les jeux sont bien moins faits que les convives en fin de partie !

    Cartomanciennement vôtre. 








mardi 29 septembre 2020

Avant de disparaître

 

Je suis venu j’ai vu et me voilà vaincu




Quel est ce mal étrange, quelles sont ces douleurs ?
Je m’enfonce dans les tourments sans nul secours
Et les flots en furie de tous côtés m'entourent,
Bientôt mes amis m’offriront d'ultimes fleurs.

Jadis, la rivière était pour moi douce fête,
J’y vécus librement mes plus belles amours
Elle m'offrait ses charmes en mes plus heureux jours
Et de tendres rencontres que je gardais secrètes



Aujourd’hui cette crue fait de moi un vaincu ;
Oubliées à jamais demoiselles aux joues roses,
Dans les profondeurs de la Loire je repose
Moi qui toujours près d’elle, ai aimé, ai vécu.

C’est désormais le temps de quitter cette terre.
Sans frisson, je dirai au Seigneur, me voici.
Combien mon existence a été adoucie,
Par ma rivière qui m’offrit son beau mystère.


 

 
Chaque instant de ma vie, la Loire m’a veillé,
Effaçant tendrement chacune de mes peines .
Elle m'a préservé de cette odieuse haine,
La rongeuse qui sur terre peut vous travailler.

Grâce à elle je me suis octroyé des ailes,
Certes bien plus utiles que mes pauvres mains
Quand bien même je m’éloignais du genre humain,
C’était pour gagner une espérance éternelle.


 

Maintenant, mon espoir ne s'ouvre qu'à demi
Car la postérité ne veut pas qu’on me nomme
Je n'ai pas place dans la mémoire des hommes
Troublé par un cauchemar, je n'ai pas dormi

Je succombe à cette redoutable paresse
Ce mal sournois qui hante mes jours et mes nuits.
Qui tout au long de mon existence m’a nui
Avant que je me meure et que je disparaisse !





lundi 28 septembre 2020

Lire à haute voix.


La célébration de l’écrit.

 

À paraître début octobre
 


    Vous avez dans les mains un livre qui résonne en vous d’une étrange manière. Vous sentez qu’entre lui et vous, se noue une belle amitié, un bonheur qui ne se satisfait pas du silence habituel de vos lectures. Celui-ci réclame un engagement plus fort, une promesse de tendresse, une envie de communion. Vous désirez l’honorer comme il le mérite, lui accorder ce privilège rare d’une lecture à haute voix.

    Vous avez néanmoins quelques scrupules. La pratique n’est pas habituelle. Les vôtres s’interrogeraient sur cette folie soudaine. Lire depuis Saint Augustin se fait au plus profond de soi, dans le recueillement presque. Il y a bien longtemps, vous vous souvenez que le grand-père lisait le journal à haute voix d’un ton monocorde. Vous ne goûtiez guère  cette curieuse manie qui voulait sans doute donner de la solennité aux informations, ainsi dévoilées à la connaissance de toute la maisonnée.

    Vous vous revoyez encore, enfant, en phase d’apprivoisement des lettres, déchiffrant à haute voix le livre d’initiation posé sur la table de la cuisine. La « pie » passait sa vie dans le « nid » ; vous étiez en souffrance devant un exercice alors périlleux. Vous avez eu la chance de dompter cet apprentissage : vous êtes devenu un lecteur quand tant d’autres sont restés sur le bord de la route, lecteurs incertains, malhabiles ou pire encore, sans plaisir.

    La lecture vous a accompagné, le livre également. Toujours dans une poche ou bien un sac, il est votre compagnon fidèle et nécessaire. Il vous a suivi en vacances, au travail, dans les transports, durant vos insomnies. Il est surtout le gardien de vos rêves, posé sur la table de chevet, dernier lien avec la vie éveillée avant que vous ne coupiez  l’électricité pour vous endormir en fin de chapitre.

    Mais cette fois, il vous faut donner de la voix, laisser résonner les mots de l’auteur, les entendre se répandre dans la maison, occupant l’espace comme ils se sont emparés de votre esprit. Alors, profitant d’être seul, vous osez ce que vous n’aviez pas fait depuis l’école : vous lisez à haute voix. Vous êtes envoûté par ces mots qui se répandent insidieusement ...

Épuisé, ce roman va être retiré début octobre ...


    Au début, vous hésitez un peu : vous murmurez, craignant sans doute que quelqu’un ne vous surprenne et vous juge. Puis, vous prenez de l’assurance, votre voix envahit l’espace, se fait théâtrale, rebondit dans la maisonnée. Vous êtes votre propre auditeur ; vous êtes sous le charme de votre lecture : elle vous grise, vous entraîne vers des contrées lointaines. L’harmonie du style, la petite musique intérieure de l’auteur vous donnent le tempo. Vous êtes son interprète.

    Vous aviez oublié que cela était aussi agréable. L’envie vous prend alors de partager ce moment, de l’offrir à celle que vous aimez. Elle trouve étrange cet instant ; elle est un peu jalouse. Cette voix qui susurre des mots qui ne lui sont pas destinés l’intrigue et l’inquiète. Elle ne reconnaît pas votre voix : elle se sent exclue de cette relation par trop intime. Vous vous êtes fourvoyé. Le livre est une autre histoire d’amour ; il ne faut pas éveiller la jalousie de votre compagne.

    Vous décidez alors d’inviter des amis à cet incroyable partage. Ils seront plus compréhensifs sans doute, moins impliqués par l’amour que vous vouez à cet écrit. Vous comprenez bien vite que la proposition va surprendre, faire rire ou bien déranger. Les gens ont perdu cette habitude de la veillée et des échanges simples. Il faut du clinquant, du spectaculaire, de l’image et du bruit ; le livre est passé de mode, la lecture plus encore.

    Vous repoussez cette idée : elle est trop farfelue. Vous vous promettez alors d’aller lire dans un salon du livre : voilà qui semble plus approprié. N’en faites rien ; je sais par expérience que ces endroits sont peuplés surtout d’auteurs qui désirent vendre et n’ont nulle envie de donner à entendre ce qu’ils ont écrit. Je les soupçonne de ne pas être particulièrement fiers de leur prose. Je les crois aussi incapables de se montrer ainsi : nus devant le lecteur potentiel. Ils me demandent souvent de me taire, lire certes, mais un livre dûment acheté et loin des oreilles curieuses ...

    Il ne vous reste plus qu’à vous inscrire dans un atelier de lecture à haute voix, un cercle de doux rêveurs ou bien un club de pauvres nostalgiques des plaisirs d’antan. Vous serez émerveillé des lectures de vos coreligionnaires, emporté par leurs choix puis, à votre tour, vous les entraînerez dans vos secrets frissons. Cela deviendra pour vous une belle et douce assuétude. Le livre ne sera plus un plaisir solitaire. Il se donnera en partage sans aucune pudeur.

    Lecteurement sien.

Disponible dans les librairies sur commande

dimanche 27 septembre 2020

Une barque déchaînée.

Mystère en bord de Loire.





En ces temps très lointain de notre premier millénaire, il y avait encore sur les bords du fleuve Liger elfes, lutins, gnomes, druides, birettes et sorcières qui allaient et venaient parmi les hommes du pays. On pouvait même croiser quelques trolls quand des oies sauvages venaient à passer par chez nous. Les croyances d'alors laissaient la place à la magie, aux mystères de dame nature et aux forces obscures de notre mère la Terre.


Les gens avaient encore la souvenance des traditions Carnutes, il restait par ici, braves païens pour honorer les forces telluriques, ressentir les effets de la Vouivre et commander au ciel, aux eaux et aux vents. Rien n'était impossible à qui avait des yeux et un cœur pour regarder au-delà du visible.


Sur les bords de notre Loire, en un lieu dit du Fer à cheval à deux enjambées d'Ouvroir Les Champs, un magnifique et vénérable chêne qui avait poussé en bord du fleuve, la chose est si rare, qu'il devient objet de grande dévotion. Ses branches recouvraient une boucle réputée, un coude d'eau aux vertus bénéfiques. Il y avait là, disait-on grande et sombre fosse qui cachait bien des trésors. Personne n'était jamais revenu de ces profondeurs secrètes et bien rares étaient encore ceux qui osaient à leur dépens tenter de s'y aventurer.


Puis vint un temps qui se voulait éclairé. Les hommes porteurs d'une nouvelle croyance imposaient leur foi et repoussaient toutes les vieilles simagrées. Leurs yeux étaient tournés vers le ciel, ce n'est pas la meilleure manière d'honorer une rivière. Ils avaient une foi étrange qui voulait faire table rase de toutes celles du passé. Les petits êtres fabuleux disparurent progressivement des berges et des varennes, seul leur souvenir hantait les fables qu'on se disait à la veillée.


Un homme de ce Dieu unique voyait en notre chêne un danger potentiel. Il repérait de temps à autre des rites discrets, des offrandes impies au pied d'un arbre qui lui faisait ombrage. Il avait esprit retors et force colossale, c'est armé d'une hache qu'il abattit cet ennemi de la vraie foi. Croyant amadouer les gens qu'il avait vraisemblablement offensés, il commanda au charpentier du coin d'en faire une scute ; grande bateau de commerce et autres pratiques dont il ferait cadeau à toute la communauté villageoise.


Le charpentier eut bien grands soucis à mener à terme son entreprise. Il eut chagrin et tourment tant il brisa ses outils, usa trop vite le fil de ses lames et eut souvent grand tracas et nombreuses maladies à lui tourner les sangs. S'il s'obstina, c'est qu'il n'avait pas le choix, il avait besoin d'argent et le moine lui avait promis une bourse bien pleine pour paiement de sa peine. Sa mégère avait beau le supplier de cesser ce travail qui avait le mauvais œil, le pauvre bonhomme ne pouvait reculer.


Finalement, à bout de forces, aux limites de sa santé, épuisé et abargé, notre charpentier livra une embarcation si gracieuse que le moine lui même en fut tout ébaubi. Elle trouva naturellement sa place dans le grand trou d'eau là où autrefois elle faisait douce ombrelle aux beaux comme aux mauvais jours avec son magnifique feuillage.


C'est alors que le cours des choses habituelles fut chamboulé par des grimaces du destin, par d'étranges tours de la Loire et des forces occultes. La belle scute, c'est ainsi que l'on nommait alors ce genre de bateau, n'en faisait qu'à sa proue. Elle refusait obstinément de sortir de l'anse dans laquelle elle baignait, agrippée à son arrivel à n'en pouvoir partir.


On fit appel à un « governeor », nom que l'on donnait jadis à celui qui gouvernait aux destinées d'un bateau. Marinier réputé, homme de grande expérience, il tourna en tout sens, vira, tournicota mais jamais ne pu se sortir de la passe. Il y avait grand tourbillon, courant contraire et mystérieuse force qui piégeaient la scute en ce fer à cheval de malheur ! L'homme parti exaspéré, il se savait ridiculisé par cette magie liquide !


Une nourrice qui avait l'habitude de donner le sein à tous les gnas du pays à l'ombre de notre défunt chêne pensa qu'elle avait une relation particulière avec cet arbre. Elle avait souvent manié la bourde, elle avait grande force dans les pognes et ne rebutait jamais à l'effort physique. Elle mit du cœur à l'ouvrage, le bateau restait comme collé, aspiré par les entrailles de ce trou d'eau. Jamais elle ne put sortir de cette boucle. Elle aussi abandonna la partie.


On murmurait dans tout le pays. Les gens retrouvaient leurs vieilles croyances, ils évoquaient des forces mystérieuses qui remontaient de la nuit des temps celtiques. Le moine devinant là une mauvaise affaire pour son petit commerce, prit le bateau par les cornes. Il vint sur la grande barque muni d'un crucifix, d'une gousse d'ail et de formules exorcistes. Si la foi soulève des montagnes, elle ne fut d'aucun secours pour déplacer l'embarcation. Il jura et certains même prétendirent que le bon père blasphéma son patron des cieux avant de quitter les lieux, la tête basse et autre chose encore que je m'interdis de nommer ici !


Quand on a un souci de taille, une énigme insoluble, dans le pays de Loire on fait appel à une pucelle. L'habitude restera longtemps encore dans les environs. La demoiselle armée de sa fleur et de toute sa naïveté, s'escrima de toutes ses forces pour faire sauter le bouchon. La barque resta sourde à ses coups de reins, elle restait immobile, ne bougeait pas d'un pouce en ce lit qu'elle ne voulait pas quitter …


Un petit gamin moqué de tous dans la région, un berlaudiot , un gentil , une pauvret, un bredin comme on dit en bord de Loire, vient un jour, sans rien dire à personne. Celui que tous nommaient ici du terrible surnom de Gland, ne voyait le mal nul part et n'avait peur de rien. Il monta sur ce maudit bateau que plus personne ne voulait embarquer. Sans aucun effort, ce simplet se fit écouter des flots et s'ensauva de ce piège d'eau et de courant.


La scute fut alors très utile aux gens du pays. Elle accomplit bien des miracles quand les eaux s'encoléraient., que la Loire montrait les dents et mordait les berges, dévorait les levées. Elle allait au secours des fermes isolées, elle fit tant et si bien que les païens oublièrent les sortilèges et se tournèrent définitivement vers le moine revenu en grâce par le truchement de ce cadeau si précieux.


De cette histoire, il se fit une habitude pour les gars de la marine. Les matelots portèrent un temps un petit gland au sommet de leur calot. Petit à petit, on en oublia l'origine, le gland disparu pour devenir pompon auquel des vierges et des bien moins chastes continuent d'accorder des vertus magiques.


Quant à nos mariniers de Loire, ne croyant en rien toutes ses menteries, ils se sont toujours satisfaits de leur biau chapeau de feutre avec lequel, il faut bien le reconnaître, ils ont l'air moins nigaud que leurs autres collègues !


Glandement leur.


 


samedi 26 septembre 2020

Le pauvre hotteux

 Le temps des vendanges



C'est moi le pauvr' hotteux
« La bête de somme »  qu'on appelle
Pour ces petits grains juteux
Qu'on jette dans mon escarcelle

J'ai le dos courbé sous l'effort
Mes reins usés me font tant mal
Mais je ne suis plus aussi fort
Qu'au temps où je dansais au bal

Voici le temps des vendanges
 La belle fête du coteau
Moi qui ne suis pas un ange
Je vais ployer sous le fardeau


Mais jamais je ne manquerai
Ces jours d'un si dur labeur
De tournées en jolis banquets
J'aime retrouver les vendangeurs

Toute la journée j'ai souffert
La charge qu'on m'a imposée
Ma hotte pleine d'un raisin vert
Jusqu'à la cuve je l'ai portée


Voici le temps des vendanges
 La belle fête du coteau
Moi qui ne suis pas un ange
Je vais ployer sous le fardeau

 Je me souviens, y'a bien longtemps
J'étais si jeune, autrefois
Pas  un sécateur dans les rangs
N'allait aussi vite que moi

Alors j'ai pris la lourde hotte
Serré les poings et les dents
Pour ce plaisir, peu m'importe
Le poids du raisin et des ans


Voici le temps des vendanges
 La belle fête du coteau
Moi qui ne suis pas un ange
Je vais ployer sous le fardeau

 Chaque année j'attends l'appel
Du bonheur qui me démange
Ce trop petit péché véniel
Le temps béni de nos vendanges

Ma hotte calée sur le dos
Je suis fier et reste digne
En versant dans le tombereau
Les belles grappes de la vigne

Voici le temps des vendanges
 La belle fête du coteau
Moi qui ne suis pas un ange
Je vais ployer sous le fardeau


 






vendredi 25 septembre 2020

Un virus ben ordinaire

 

Ben ordinaire





J’chons un virus ben ordinaire

J’avons un succès planétaire

Si je me joue de votre santé

N’en soyez jamais chagrinés

Des précautions sanitaires

Des mesures élémentaires

Feront de vous tous des robots

Pour les gredins de nos labos


J’chons un virus ben ordinaire

Je suis venu pour vous déplaire

Fallait réduire vos libertés

Pour un peu de docilité

Vous pousser enfin à taire

Vos envies contestataires

Quand la terreur sera venue

Vous march’rez au pas dans la rue

J’chons un virus ben ordinaire

Aux pouvoirs extraordinaires…

J’ai mis le monde à ma merci

Les politiques sont mes amis

Pour ceux-là je suis une affaire

En forçant les gens à braire

Avec un masque sur le nez

Et l’angoisse pour destinée


J’chons un virus ben ordinaire

Dans une ambiance délétère

La terreur est mon alliée

Afin de tous vous aliéner

Aucune mesure n’est salutaire

Pour sauver la terre entière

J’suis au service de margoulins

Tous politiques et carabins


J’chons un virus ben ordinaire

J’avons un succès planétaire

Si je me joue de votre santé

C’est pour tous vous éliminer

Une seule mesure sanitaire

C’est certain, une bonne affaire

Le plus juteux de nos vaccins

Sera le temps de votre fin 


 

jeudi 24 septembre 2020

Un jeu d’enfant …

 

Chou, Fleur





Il était une fois un chou vert tout aussi pommelé qu’il était auvergnat, fier de ses origines comme tous ceux de cette terre rude et ingrate. Il était convaincu d’appartenir à la plus belle espèce de légumes et désirait par-dessus tout s’ouvrir au vaste monde. C’est ainsi qu’au hasard de ses pérégrinations, il fit la connaissance d’une rose avec laquelle il se sentit immédiatement en communion d’idées. Une longue conversation débuta durant laquelle ils en vinrent tous deux à se confier…


Nos deux amis devisèrent tout d’abord de contraception. La chose peut naturellement surprendre ceux qui sont nés en ce siècle, vingt et unième de cette ère. Mais elle paraîtra très naturelle à leurs ainés à qui l’on avait voulu faire avaler que les garçons naissaient dans les choux tandis que les filles surgissaient d’une rose sans même se piquer, ce qui en passant en disait long sur la nature de la femme…


Le chou avait, doit-on s’en étonner, les idées larges et une conception assez novatrice de la sexualité. C’est ainsi que ce diable de légume rêvait de s’accoupler avec un homologue bruxellois. Une lubie sans doute à moins que ce ne fut un désir profond d’assumer ce qu’il était au plus profond de son être. La rose, émue par cette confidence, lui confia à son tour son rêve le plus secret. Celui-ci, s’il ne bouleversait pas la théorie du genre n’en demeurait pas moins épineux pour la belle. Elle en pinçait pour un œillet d’Inde.


Nos deux amis, forts de ces confidences en conclurent que tous deux étaient confrontés à un problème qui les dépassait. Leurs désirs respectifs supposaient pour qu’ils convolent, de pouvoir tout d’abord voyager pour trouver l’objet de leurs fantasmes respectifs. La question les laissait perplexes, chacun étant contraint par la nature à rester coller à sa terre.


C’est alors qu’une cigogne, égarée semble-t-il en ce territoire, vint se poser non loin d’eux. L’oiseau au long bec est réputé pour sa curiosité tout autant que sa faconde. Bien vite, elle prit part à la conversation, n’était-elle pas, elle aussi, en lien de parenté avec le chou et la rose sur tout ce qui touchait jadis à la natalité ? Elle s’autorisa donc à s'immiscer dans le débat.


L’oiseau suggéra alors de mener l’un en Belgique et l’autre en Inde par la seule force de ses ailes. La proposition fut naturellement accueillie avec ferveur par les deux plantes. Quitter la terre, découvrir le vaste monde par la voie des airs, ce n’était rien moins qu’un rêve que jamais ils n’auraient songé à pouvoir matérialiser. Ils acceptèrent sans se rendre compte des difficultés de la chose.


Le chou se pâmait, la rose s’ouvrait plus encore, exhalant un doux parfum exotique. Le trouble tout autant que l’impatience les coupaient totalement des tristes réalités de leur condition terrestre. La cigogne plus pragmatique leur demanda comment ils comptaient couper leurs racines, l’oiseau ne disposant pas d’un quelconque objet tranchant.


La rose, poussée sans nul doute par une intuition toute féminine conseilla à la cigogne d’utiliser son bec pour la libérer ainsi que son compagnon des contingences terrestres. L’oiseau découvrit ainsi qu’il disposait d’une arme redoutable. D’un coup de bec virulent, il coupa la rose. Il lui fallut un peu plus d’efforts pour que le chou se retrouve sans entrave.


Cette fois, une nouvelle question s’imposait. Comment transporter ces deux passagers ? L’oiseau ne disposait pas d’un habitacle susceptible de prendre en charge un chou si rond qu’il risquait de tomber au moindre trou d’air. La rose quant à elle, ne lui aurait posé aucune difficulté pour peu qu’elle accepte de se glisser dans son bec. Hélas, la fleur avait émis le souhait de voyager en compagnie de son petit chou !


La cigogne suggéra alors de prendre un panier d’osier et d’y glisser les deux compères. Si la suggestion convenait à la fleur, elle déplaisait souverainement au légume. Il voyait dans ce contenant un mauvais présage de nature à le faire passer à la casserole. La rose eut beau le rassurer, rien n’y fit, le chou resta planté sur sa position.


L’oiseau se rappela le temps glorieux où c’est à lui que l’on confiait la venue des enfants au monde. Il chargeait le chérubin dans un linge, un beau drap confortable et fort solide fabriqué alors dans les multiples filatures alsaciennes. De plus, le chou et la rose y seraient plus à leur aise que dans un panier rugueux. Il en fut décidé ainsi.


La cigogne chargea donc le chou vert et la rose déclose. Naturellement en bonne voyageuse, elle choisit de débuter son voyage par la Belgique. L’Inde était si loin, la rose attendrait son tour. Nos deux voyageurs embarquèrent et se lovèrent confortablement dans du kelsch, ce tissu traditionnel à carreaux rouges et blancs ou à rayures, tissé en Alsace depuis le Moyen-Âge, à base de lin ou de chanvre et que l’on trouve encore à Muttersholtz.


L’envol se passa sans anicroche. La suite fut délectable. Le chou et la rose étaient aux anges, se sentirent en affinité si bien que chacun d’eux renonça à son projet initial. Ce qui se trama alors dans le Kelsch demeurera éternellement une énigme. La cigogne devinant qu’il se déroulait quelque chose sous son bec, infléchit son vol en bifurquant vers le ponant. C’est du côté de Saint Paul de Léon qu’elle déposa ses passagers juste à l’instant où la rose mit au monde un enfant : un chou -fleur, fruit des amours adultérins et aériens de nos deux amis.


La cigogne s’en retourna chez elle en Alsace, heureuse d’avoir pu contribuer ainsi à la création d’un nouveau légume. La rose avait un cœur d’artichaut, elle ne resta pas fidèle à son chou vert. Qu’importe, elle avait mis au monde une nouvelle lignée qui désormais se passerait d’elle pour fleurir sur les étals de nos marchés.


J’espère que cette histoire ne vous laissera pas sur votre faim. Elle est née d’un voyage au pays des cigognes qui méritait de mettre au monde un nouveau conte. Bon appétit à tous.


Cigognement vôtre.


 

mercredi 23 septembre 2020

L'insupportable fil à la patte !


Je déclare forfait …





    Il est le symbole d’une époque, l’incontournable outil, le malappris en société, celui qui est sourd aux recommandations et aux règles de prudence ; il fait tout et remplace votre mémoire, votre télévision, votre carte bleue et votre GPS ; il en fait bien plus encore et s’applique avec soin à devenir indispensable en toutes occasions.
    
    Dans cette société où plus personne n'a véritablement d'attaches solides, où tous les cordons ont été coupés avec ce qui pouvait nous arrimer à une histoire tangible, un nouveau réseau de liens éparpillés donne l'impression d'être encore dans une civilisation de la communication réelle alors que nous sombrons dans une illusion absolue qui fait de nos vies un vaste champ d’aventures virtuelles.

    Dans la rue, comme au volant, avec une complicité manifeste des forces de l’ordre, à l’école ou bien au travail, au restaurant ou bien au spectacle, dans une salle d’attente ou bien dans les transports en commun, un petit boîtier magique - mais ô combien diabolique  - a pris le pas sur tout ce qui pouvait relier les hommes entre eux, à condition qu’ils soient proches, et finira par ne rendre intéressants et audibles que ceux qui sont loin de vous.

    Il s'insinue dans le cartable ou bien le sac à main. Il fait grosseur indélicate dans la poche de derrière, il peut même être greffé à l’oreille et vous accompagner en toutes circonstances. Il est de plus en plus volumineux, au gré des usages multiples qu’il prend en charge. Il est appareil photographique, agenda, caméra, guide, calculateur, banquier, encyclopédie, discothèque, livre de poche, bon de commande et que sais-je encore ? Il est votre complément, votre alter ego, votre mémoire, votre mouchard, votre double et la prunelle de vos yeux.

    Il est celui à qui l'on accorde le dernier regard avant d’entrer quelque part ou bien d’en ressortir quand vous avez la délicatesse rare de le couper dans l’entre-deux. Il est souvent en veille, en mode avion, vibreur pour les plus sensuels, ou bien discret, mais toujours là pour les plus assujettis à son usage. Il est tout près de vous, jamais bien loin de votre main car vous ne pouvez vous en passer.

    Il est le premier vers lequel vous vous tournez quand il vous arrive quelque chose d'extraordinaire, de terrible, de surprenant, d'étonnant ou de simplement banal. Il vous permet d’en avertir la terre entière, car désormais, vous êtes un héros qui informe ses semblables de ses moindres faits et gestes. Vous lui confiez de vive voix ou bien par écrit, vos sentiments, vos impressions et vos anecdotes, vos déplacements et vos conquêtes, vos échecs et vos satisfactions. Il a remplacé le confesseur, l’ami , le confident, la famille et le journal intime.

    Systématiquement, il vous éloigne des discussions réelles qui se tiennent encore parfois quand plusieurs individus ont coupé le contact avec le monde lointain. Vous ne pouvez y participer : votre fil à la patte vous rappelle à l’ordre, exige votre attention en continu, sans partage, sans un seul instant loin de lui.

    Il vous isole dans une bulle intime et étanche aux autres. Il fait de vous un malotru, un goujat, un impoli, un gougnafier, un désobligeant qui se moque de ceux qui sont tout proches. Vous avez le monde entier à votre portée et, curieusement, vous effacez de vos préoccupations votre environnement immédiat, à moins qu’il ne devienne la toile de fond d’une photographie où vous serez le premier plan en toute immodestie.

    Il vous informe de tout à n'importe quel moment. Maintenant il fait de vous un grand reporter, un accro de l’information, un tintin reporter qui filme et envoie des nouvelles de ce qui est le plus sordide, le plus anodin, le plus futile ou bien le plus personnel et intime qui soit. Mais qu’importe, puisque c’est vous qui avez informé la cohorte innombrable de vos amis, réels ou bien supposés, autoproclamés ou bien achetés par lots entiers.

    À mes yeux de  dinosaure avéré, d’horrible misanthrope , de refuznik de l’immonde objet, il est l'insupportable ! Celui qui a fait basculer cette merveilleuse société humaine dans les bas -fonds absurdes et mortifères de l'individualisme acharné et de l'incommunicabilité paradoxale. Par bonheur, quelques forfaits finissent parfois par déclarer leurs limites, à moins que ce ne soit plus sûrement une batterie qui rende l’âme. Les uns ou bien l’autre, quand épuisés et à bout de souffle, ils  s’avouent enfin vaincus, condamnent leur propriétaire au silence téléportable. Il m'est alors envisageable de profiter de l'aubaine pour trouver un interlocuteur réel avec lequel, chose incroyable, il me sera possible d'échanger de vive voix !

    Incommunicablement vôtre. La prothèse auriculaire et rétinienne


mardi 22 septembre 2020

Le patrimoine disparu.

 

Châtaignes dans les bois …

 




L’automne apporte son lot de petites réminiscences de l’enfance. La sortie aux champignons, la chute des feuilles dont quelques beaux spécimens finissaient dans le cartable pour une activité quelconque : peinture ou bien sciences naturelles comme on disait alors, la grillée de châtaignes autour d’une boisson chaude et de quelques histoires. À chaque fois, revient en mémoire cette belle comptine d’alors :


Colchiques dans les prés


Colchiques dans les prés
Fleurissent, fleurissent
Colchiques dans les prés
C'est la fin de l'été
La feuille d'automne
Emportée par le vent
En rondes monotones
Tombe en tourbillonnant

Nuage dans le ciel
S'étire, s'étire
Nuage dans le ciel
S'étire comme une aile
La feuille d'automne
Emportée par le vent
En rondes monotones

Tombe en tourbillonnant

Châtaignes dans les bois
Se fendent, se fendent
Châtaignes dans les bois
Se fendent sous nos pas
La feuille d'automne
Emportée par le vent
En rondes monotones
Tombe en tourbillonnant

Et ce chant dans mon cœur
Murmure, murmure
Et ce chant dans mon cœur
Murmure le bonheur
La feuille d'automne
Emportée par le vent
En rondes monotones

Tombe en tourbillonnant
La feuille d'automne
Emportée par le vent
En rondes monotones
Tombe en tourbillonnant


Chantant ces paroles en fin de soirée lors d’un spectacle, je me rendis compte, abasourdi que rares étaient ceux qui parmi les adultes présents se souvenaient des paroles dans leur entièreté. Aurions-nous à ce point effacé notre patrimoine culturel pour faire place dans nos mémoires si peu actives, à des informations éphémères et sans importance ? Poussant la chansonnette plus loin, j’entamai un trois jeunes tambours qui sonna creux dans l’assistance. La fille du roi avait sans doute perdu la tête lors de la Révolution numérique.

 



Trois jeunes tambours


Trois jeunes tambours s'en revenaient de guerre (bis)

Et ri et ran, ran pa ta plan.

S'en revenaient de guerre !


Le plus jeune a - dans sa bouche une rose (bis)

Et ri et ran, ran pa ta plan.

Dans sa bouche une rose !

La fille du roi était à sa fenêtre (bis)

® + Était à sa fenêtre !

Joli tambour, donne-moi donc ta rose (bis)

® + Donne-moi donc ta rose !

Fille du roi, donne-moi donc ton cœur (bis)

® + Donne-moi donc ton cœur !

Joli tambour, demande-le à mon père (bis)

® + Demande-le à mon père !

Sire le roi, donnez-moi votre fille (bis)

® + Donnez-moi votre fille !

Joli tambour, tu n'es pas assez riche (bis)

® + Tu n'es pas assez riche !

J'ai trois vaisseaux dessus la mer jolie (bis)

® + Dessus la mer jolie !

L'un chargé d'or, l'autre de pierreries (bis)

® + L'autre de pierreries !

Et le troisième pour promener ma mie (bis)

® + Pour promener ma mie !

Joli tambour, dis-moi quel est ton père (bis)

® + Dis-moi quel est ton père !

Sire le roi, c'est le roi d'Angleterre (bis)

® + C'est le roi d'Angleterre !

Et ma mère est la reine de Hongrie (bis)

® + La reine de Hongrie !

Joli tambour, tu auras donc ma fille (bis)

® + Tu auras donc ma fille !

Sire le roi, je vous en remercie (bis)

® + Je vous en remercie !

Dans mon pays y en a de plus jolies (bis)

® + Y en a de plus jolies !



Inutile de vous dire que les quelques enfants présents ignoraient tout des paroles qui pourtant étaient connues de tous dans un passé pas si lointain quand la population faisait nation en disposant d’un patrimoine commun. Il y a bien des chansonnettes qui faisaient alors lien social, réunissant le temps de quelques notes, ceux qui avaient encore quelque chose à partager. Qui se souvient maintenant de Jeannette qui pleure son amoureux pendu ou de la belle fille qui aime le petit cordonnier ?

 




Aux Marches Du Palais


Aux Marches Du Palais
Aux Marches Du Palais
Y a une tant belle fille lon la
Y a une tant belle fille


Elle a tant d'amoureux (bis)
Qu'elle ne sait lequel prendre lon la (bis)

C'est un petit cordonnier (bis)
Qu'a eu la préférence lon la (bis)

Un jour la lui chaussant (bis)
Il lui fit sa demande lon la (bis)

La belle si tu voulais (bis)
Nous dormirions ensemble lon la (bis)

Dans un grand lit carré (bis)
Couvert de toile blanche lon la (bis)

Aux quatre coins du lit (bis)
Un bouquet de pervenches lon la (bis)


Dans le mitan du lit (bis)
La rivière est profonde lon la (bis)


Tous les chevaux du roi (bis)
Pourraient y boire ensemble lon la(bis)


Et nous y dormirions (bis)
Jusqu'à la fin du monde lon la (bis)



On peut, si on ne veut pas faire chou-blanc, chanter la ritournelle de Zorro qui trouvera bien quelques personnes se souvenant de la chanson qui accompagnait le générique. Pour le reste, chaque génération dispose de son petit lot de chansonnettes qui signalait des séries ou des dessins animés de l’époque. La fragmentation de la mémoire a fait son œuvre pour diviser toujours plus un peuple malléable à merci.

Cette volonté de redonner à la mémoire commune, un repertoire de comptines que l’on pensait éternelles sera perçue pour le mieux avec ironie et plus sûrement avec un total désintérêt par les tenants de la mondialisation abrutissante et aliénante. C’est si vrai que dans nos stades d’inculture générale, quand la foule encourage l’équipe nationale, elle n’a d’autre ressource que de beugler une Marseillaise si déplacée dans une telle enceinte.

Nos amis anglais nous donne la leçon en entonnant des grands chansons traditionnelles tandis qu’il me revient en mémoire la réflexion que souvent des amis québecois me firent en écoutant mes contes et mes chansonnettes : « Toi, t’es un cousin. Pas étonnant qu’ici, ils ne puissent pas te comprendre. Les Français ont bradé leur langue et leur culture ! »

Voilà pourtant une manière simple de redonner corps à cette nation en partageant une petite dizaine de comptines que nous serions tous capables d’entonner en chœur. En chœur ! Quel plus beau mot pour signifier le partage, la solidarité, la communion, la fraternité. Des notions il est vrai, totalement incompatibles avec l’idéologie que nos dirigeants nous imposent pour le seul profit d’un système qui nous conduit vers le néant.



Enchantement vôtre.

 


Ne pleure pas, Jeannette



Ne pleure pas, Jeannette,

Tra la la la la la la la la la la la la,

Ne pleure pas, Jeannette,

Nous te marierons

Nous te marierons

 

Avec le fils d'un prince, ® (bis)

Ou celui d'un baron (bis)



Je ne veux pas d'un prince ® (bis)

Je ne veux pas d'un prince (bis)



Je veux mon ami Pierre ® (bis)

Celui qu'est en prison (bis)



Tu n'auras pas ton Pierre ® (bis)

Nous le pendouillerons (bis)



Si vous pendouillez Pierre ® (bis)

Pendouillez avec (bis)



Et l'on pendouilla Pierre ® (bis)

Et sa Jeannette avec (bis)



Sur la plus haute branche ® (bis)

Un rossignol chantait (bis)



Il chantait les louanges ® (bis)

De Pierre et de Jeannette (bis)




lundi 21 septembre 2020

La main verte.

 

Heureux ceux qui cultivent leur jardin.




Le monde semble divisé en deux camps imperméables l'un à l'autre : ceux qui ont la main verte et le sourire aux lèvres et les autres : les pauvres diables qui ne font rien pousser. Je sais, il suffirait de prendre des gants, surtout s’ils sont achetés dans une grande jardinerie, pour passer la main du côté de la bonne couleur. Mais l’illusoire ne trompe personne, surtout pas une plante qui a des racines.


Le jardinier en herbe a ce privilège rare de faire sortir de terre tout ce qu’il veut. C’est un don de ciel qui s’exprime au ras de la terre. C’est encore le fruit d’un travail acharné, diront ceux qui vouent une passion sans mauvaise herbe à leur petit bout de terrain. Je n’ai jamais eu la chance d’avoir un tuteur pour m’indiquer la voie à suivre ; seuls quelques radis ont accepté un jour de me faire plaisir et de pointer leur tête à la surface de la terre.


Leur goût piquant me rappela bien vite à ma triste condition. Je n’avais et n’aurais jamais la main verte. Il était préférable que je la passe et confie à plus expert que moi cette culture qui réjouit la vie et la table. Il faut cultiver ses différences et la mienne me poussait vers les étals des marchands de quatre saisons bien plus que vers ces quelques arpents qui vous plient le dos.


J’aime les jardins quand ils sont chez les autres. Je suis curieux de leurs légumes rares et de leurs essais botaniques. J’admire leur patience et leur dévouement aux causes légumières et florales. Je participe à leur enthousiasme dès qu’il s’agit de méthodes alternatives à l’industrie phytosanitaire. Mais de là à prendre le manche de pioche ou de binette, à sarcler, piquer, désherber, il y a un fossé qui n’irrigue guère que mes conversations.


Même dans ma maison, la plante verte change de visage, se ternit, se rabougrit avant que de sombrer dans une neurasthénie pitoyable. Je ne dois pas lui octroyer ce supplément d’amour qu’elle exige pour s’épanouir et s’embellir. Les seuls pots qui se sentent à leur aise sont ceux que je partage avec mes amis, un verre à la main. En ce domaine mon réseau d’irrigation fonctionne à merveille !


Ne pensez pas me conter fleurette à mon balcon. Là encore, point de trace végétale. La jardinière a déserté les lieux. La greffe n’a pas pris, ni bouturage ni marcottage n’auront raison de mon obstination à ne rien faire pousser. Même les vers de terre ont abandonné mon compost à son triste sort. Il se sait inutile, le fumier, et macère sa rancune à l’ombre d’une haie.


C’est d’ailleurs le seul lien que je conserve avec le règne végétal : une haie hirsute, irrégulière, vieille et souffreteuse que je vais devoir tailler pour sauver les apparences. Une armée de sécateurs n’y suffira plus, il faudra l’attaquer à la tronçonneuse tellement elle a mauvaise mine. Je n’ai ni la main ni la haie vertes. Le marron domine la question …


Je me prépare à l’épreuve. Je redoute ces heures à me bagarrer avec le bois récalcitrant, le déchet abondant, la coupe maladroite, la blessure menaçante. Je suis un urbain en dépit de tout ce que je peux raconter. Mon rapport avec la nature ne supporte pas une proximité active. Je ne fais que l’admirer sans jamais mettre la main à la pâte.


Je passe une nouvelle fois la main. Je préfère me mettre en cuisine et laisser agir les virtuoses du taille-haie, les princes du sécateur, les rois de la faucille. Eux, ils sont marteaux, ils vouent un amour sans borne au végétal, moi, je ne l’aime qu’en cocotte, en soupes et en crudités. Nous n’aurons jamais la même manière de penser. Je m’arrache les cheveux à l’idée de devoir enfiler des gants pour couper au cordeau ma pauvre haie. Je déteste les alignements rigoureux ; j’aime ne rien faire pour contrecarrer celle qui me sert de clôture végétale !


Vertement vôtre.


 

dimanche 20 septembre 2020

À l’encre des adieux !

 Tourner la page





    Tourner la page, passer au livre suivant après avoir supporté le point final, comme cela semble simple !  Un petit mouvement de main, une époque qui se referme, un nouveau départ derrière un nouveau titre, une belle jaquette, une grande majuscule et sa belle calligraphie, et le tour est joué ! Pourtant, la vie n’est pas un roman, elle se fracasse parfois dans des histoires qui ne parviennent pas à s’effacer ou bien à se muer en autre chose. La fiction ou l’affliction, le choix n’est pas simple et rien ne se passe jamais comme dans les livres.

    Les doigts pleins de cette encre des adieux, le lecteur se refuse à admettre qu’il en a fini de la confrontation avec des personnages qui se sont invités en lui, qui ont peuplé quelques jours, une petite portion de son existence. Il veut les retenir, leur donner le temps de vivre encore un peu ce récit qui l'a séduit. Il se refuse à ouvrir une autre épopée, il laisse en suspens sa mémoire.

    Mais l’évidence s’impose. Ils ont révélé leur mystère, ils n’ont plus rien à lui apprendre, plus de raison de le surprendre. Il est allé au bout de leur mystère, il a compris la mécanique, a découvert les fausses-pistes, les pièges et les astuces. Il sait et désormais n’a plus à s’interroger. Bientôt, ceux qui l’ont laissé en haleine vont se dégonfler comme des ballons de baudruche.

    Il se met à leur en vouloir, à les déconsidérer. Qu’il fut naïf de croire en leurs fariboles, qu’il s’est montré crédule devant des artifices qu’il se refusait de repérer. Il s’en veut désormais d’avoir été aussi bon public, lecteur qui se laisse mener par le bout du nez et par des phrases avec une curieuse crédulité. Voilà déjà le temps des reproches, des griefs contre ce récit cousu de fil blanc.



    La dernière page lui colle au doigt tout autant qu’au cœur. Il n’y a plus de mystère, c’en est fini de l’attente fébrile de la suite. Il sait et doit se satisfaire de la chute qu’on lui a ainsi imposée. Ce n’est pas ainsi qu’il envisageait l’issue du roman, il l’espérait plus belle, plus aventureuse, plus surprenante encore. Il ressasse ce manque d’ambition de l’auteur à moins qu'il ne lui fasse grief de n’avoir pas la même fièvre que lui.

    Il ferme le roman, l’oublie un temps sur sa table de chevet, espérant sans doute que les personnages s'en échapperont pour venir à lui, vivre le final qu’il a imaginé. Le temps passe, il est passé à autre chose et voilà que ce pauvre bouquin le dérange, lui rappelle ce désamour fatal. Il le range ou plutôt l’entasse négligemment sur une pile de déclassés, d’autres aventures qui ne se sont pas montrées à la hauteur de ses espérances.

    Plus tard, la pile s’effondrera, les bouquins seront jetés au hasard dans un placard ou bien sur le faîte de sa bibliothèque. C’est bien après qu’il se propose de retrouver ces personnages qui avaient égaillé ses lectures. Il ne retrouve plus le livre, il s’en veut de refuser obstinément de se résoudre au rangement alphabétique. L’ordre le désole, l’angoisse, le révulse. Il a besoin de cette joyeuse anarchie qui fait de sa bibliothèque un impénétrable capharnaüm.

    Il constate la stupidité de sa démarche, se promet de fréquenter une bibliothèque de prêt, de rompre ainsi véritablement avec le livre quand il le referme définitivement. Il se persuade qu’il est capable de ce divorce textuel sans le moindre état d’âme. Il s’inscrit, découvre une autre relation à l’objet livre, ne se l’approprie plus puisqu’il sait qu’il peut rompre avec lui à tout moment sans s’en faire reproche comme au temps où il les achetait.



    Petit à petit, il accepte ce ballet des livres qui vont et s’en retournent, sans laisser leur trace ailleurs que dans sa mémoire. Il se promet de faire des fiches de lecture pour qu’ils laissent un petit écho, qu’ils vivent encore comme tous les ouvrages en désordre chez lui. Puis, une fois encore, il repousse cette contrainte, ne parvient pas à une telle discipline.

    Il découvre qu’il ne reste plus rien de ses émotions livresques. Il s’en veut. S’interroge à nouveau sur ses pratiques. Se demande s’il ne va pas passer au livre numérique, le ranger dans un disque dur. Il s’essaie à cette folie. Il s’y perd, ne retrouve pas le plaisir du contact, de la page qu’on tourne. C’est bien cela, il a besoin de tourner les pages et qu’importe si un jour, il faut tourner la dernière.

    Il se fait bien des reproches puis sans plus se poser de questions, passe chez son libraire d’antan. C’est ainsi qu’il peut revenir à ce merveilleux loisir de la lecture, au delà de la seule fréquentation d’un récit. Il lui faut posséder ses livres, les prêter, les perdre, les chercher vainement, les relire éventuellement ou simplement en parcourir quelques extraits. Ce sont-là plaisirs ultérieurs, tout aussi nécessaires !




    Lecteurement sien.


 


Les « tailleux de douzils »

  Les « tailleux de douzils » Notre Vardiaux, beau et fier bateau Oh grand jamais ne transportait de l'eau Rien qu...